Saveur du temps : Chroniques du temps qui passe

Nous vivons à une epoque où le spectacle transmis par la télévision ne mène pas précisément au culte des grands hommes et où la dérision a remplacé l’admiration.

ecrit le 17 janvier 2002
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Proust : « Laissons les jolies femmes, me disait-il, aux hommes sans imagination. » Il n’était pas snob par intérêt, par faiblesse, par masochisme, par bassesse : il était snob par imagination.
« Le snobisme, me dit-il un jour, c’est-à-dire l’admiration de ce qui chez les autres est indépendant de leur personnalité. »

J’ai toujours défendu l’idée qu’il n’y a pas de devoir de culture et que la littérature est d’abord un plaisir. Un plaisir très haut et qui exige souvent des efforts. Mais enfin, un plaisir.
Corneille : « La poésie dramatique a pour but le seul plaisir de spectateur. »
Racine : « La principale règle est de plaire. »
Molière : « Je voudrais bien savoir si la grande règle de toutes les règles n’est pas de plaire. »

Joubert reprochait aux livres nouveaux de l’empêcher de relire les livres anciens. Que dirait-il aujourd’hui ! La mode nous impose, rentrée après rentrée, une foule de navets qui seront oubliés dès demain.

« Je n’écris pas pour une petite élite dont je n’ai cure ni pour cette entité platonique adulée qu’on surnomme la masse. Je ne crois pas à ces deux abstractions, chères au démagogue. J’écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps. » (Borges)
Poème :
Je ne dirai pas le soir ni la lune : je dirai Verlaine.
Je ne dirai pas la mer ni la cosmogonie : je dirai le nom de Hugo.
Je ne dirai pas l’amitié : je dirai Montaigne.
Je ne dirai pas le feu : je dirai Jeanne.
Et les ombres que j’évoque ne diminuent en rien
Une série qui n’a pas de fin.

Il y a des génies idiots. Chateaubriand est un génie intelligent. Il faut relire, à la fin des Mémoires d’outre-tombe, les pages sur l’avenir de l’humanité : « La trop grande disproportion des conditions et des fortunes a pu se supporter tant qu’elle a été cachée ; mais aussitôt que cette disproportion a été généralement aperçue, le coup mortel a été porté. Essayer de persuader le pauvre, lorsqu’il saura bien lire et ne croira plus, lorsqu’il possédera la même instruction que vous, essayez de le persuader qu’il doit se soumettre à toutes les privations, tandis que son voisin possède mille fois le superflu : pour dernière ressource, il vous faudra le tuer. » Ou : « Supposez les bras condamnés au repos en raison de la multiplicité et de la variété des machines : que ferez-vous du genre humain désoccupé ? Que ferez-vous des passions oisives en même temps que de l’intelligence ? »

Nous n’avons, après tout, que quelques années à passer dans ce mystère qu’est la vie. Autant l’éclairer par un peu de beauté, de passion, d‘amusement. C’est ce que j’appelle la culture.

« La première catégorie de la conscience historique, écrit Hegel, ce n’est pas le souvenir : c’est l’annonce, l’attente, la promesse. » L’histoire ne promet plus rien aux Français.

Tout le livre semble tourner autour de la prophétie lancée par Jouhandeau aux combattants des barricades de Mai 1968 : « Rentrez chez vous ! Dans dix ans, vous serez tous notaires… » Ou encore de l’apostrophe furieuse du Prix Nobel Czeslaw Milosz qui traitait ses étudiants révoltés de fils dégénérés de la bourgeoisie privilégiée.

« Le journalisme est illisible et la littérature n’est pas lue ». (Oscar Wilde)
« J’appelle journalisme ce qui sera moins intéressant demain qu’aujourd’hui. » (André Gide)
« Rien n’est plus vieux que le journal de ce matin et Homère est toujours jeune. » (Péguy)