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Citations sur Briser en nous la mer gelée (50)

Agent immobilier, conseiller conjugal, fiscaliste, psychanalyste, addictologue, assistant social, loueur de voitures, guide touristique, confident, oreille jamais lassée, hocheur de tête aussi longtemps que nécessaire, panseur de plaies à l’ego, raboteur discret et ferme des mêmes ego quand la mesure était dépassée, manipulateur de jurys, semeur d’idées pour plus tard, nounou des enfants petits d’auteurs désemparés par la contrainte de la garde alternée, ami (mais pas trop) des ex-femmes, employeur, au moins comme stagiaires, d’enfants grandis des mêmes auteurs toujours aussi démunis face au monde moderne, urgentiste, agence de renseignement, concierge, lecteur rapide et toujours disponible, saupoudreur de compliments mais ferme quant à l’appréciation globale, larmoyant pour les à-valoir, plus coulant sur les notes de frais (sans justificatifs), bref, Jean-Marc Roberts était l’éditeur par excellence, rare cocktail de pape protecteur et de père insidieusement fouettard, de vieux sage revenu de tout et d’enfant émerveillé par tout talent nouveau, maître des horloges, aussi stratège du long terme que tacticien de l’instant, joueur, enivré par l’excitation d’un nouveau coup à tenter.
C’est lui qui, vingt-cinq ans plus tôt, avait eu la faiblesse de publier mes deux petits ouvrages dans sa collection Bleue. p. 294-295
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Page 228

Vous ne me croirez peut-être pas, madame la Juge, et le menteur que je suis sera le dernier à vous le reprocher, mais telle est la vérité vraie : la dernière fois que je vis Suzanne avant, bien des mois plus tard, de la retrouver sur la rive américaine du détroit de Béring, nous étions deux cosmonautes, revêtus d’un scaphandre blanc « sous pression positive » (pour éviter que si, par malheur, cette armure se déchirait, l’air, potentiellement contaminé, en soit expulsé), et une triple vitre nous séparait.
Et Mylène, la capitaine qui me servait de guide, accoutrée de même manière, m’expliquait la satisfaction de leur équipe d’accueillir une scientifique d’une telle compétence.
— Grâce à elle, nous en apprenons de belles sur les chauves-souris. Vous avez entendu parler du SRAS, le syndrome respiratoire aigu sévère ?
Mon scaphandre hocha la tête.
— En 2003, il a tué sept cent soixante-dix-huit personnes dans vingt-cinq pays. La cause en était un virus, un virus dit « à couronne », un coronavirus pour résumer. Maintenant, savez-vous combien de coronavirus vivent dans les chauves-souris ?
— Dix ? Vingt ?
— Cette dame-là, qui travaille de l’autre côté, en a dénombré trois mille deux cent quatre. Et elle continue. Ah oui, vraiment, nous pouvons nous réjouir qu’elle nous ait rejoints !
Je serais volontiers demeuré des jours et des jours dans le P4. Il m’a bien fallu repartir. Vous n’imaginez pas le nombre de sas qu’il m’a fallu franchir. À croire que j’étais devenu contagieux. Deux douches m’attendaient. Passe encore la première, une averse de phénol sur mon scaphandre. Mais la seconde, nu, grelottant…

Pauvre Suzanne, ma Suzanne (même si je n’avais plus droit au possessif depuis ce maudit jugement du 10 octobre, mais comment imaginer que cette Suzanne-là appartienne à un autre ?), Suzanne, Suzanne, mais pourquoi un P4 ? Pire, un P4 militaire ? Tu ne fréquentais pas, chez Pasteur, assez de bêtes malfaisantes ? Et se pourrait-il, mon Dieu, je tremble, rien que d’évoquer cette hypothèse, dois-je t’imaginer si dévastée par notre disparition que tu aies décidé une sorte de glorieux suicide, monter au front du Savoir et y périr, saluée par toute la communauté scientifique en larmes et bien décidée à me faire la peau, jamais, jamais sans cette ordure de Gabriel une personne aussi sensée que notre collègue n’aurait pris de tels risques !
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Plus tard, Suzanne et moi reposons côte à côte dans la nuit, chambre 12 du Novotel, mon silence vient de la réveiller. il paraîtrait que certains de mes silences sont plus bruyants qu'un train de marchandises et font davantage vibrer les murs.
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René de Obaldia, un prince panaméen. Peut-être parce que né à Hong-Kong, il est constitué d’un alliage des plus rares : 30% malice, 30% pertinence, 80% générosité. Je sais, je sais, la somme dépasse 100. C’est l’une des libertés de ce René : ne pas se laisser réduire à des arithmétiques ordinaires. Voilà pourquoi il est devenu centenaire, en attendant mieux.
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Quel besoin de voir quand on voyage à l'arrêt, et seulement dans le passé?
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Nous croyons craindre la mort. C'est la vie qui nous fait trembler.
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Pourquoi les chansons tiennent-elles tant de place dans nos coeurs ? Peut-être parce qu'elles ont un pouvoir, celui de circuler dans le temps.
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Page 206

Votre bienveillance naturelle n’est pas en cause, madame la Juge, ni votre capacité, nourrie par une si longue expérience de l’interrogatoire, à démêler le Vrai du Faux en matière d’Amour.
Permettez tout de même que je vous raconte une histoire (garantie authentique) et que je vous recommande un ouvrage (de fiction).
Le 25 février 1956, lors d’une des innombrables fêtes qui animent les vieilles et nobles bâtisses rouges de Cambridge, un jeune Anglais, étudiant en anthropologie, rencontre une Américaine de vingt-quatre ans, déjà coqueluche de l’université, tant pour sa haute et sauvage beauté que pour l’immédiate et rare qualité de ses écrits.
Dès leur premier regard, ils s’appartiennent.
Cent vingt jours après, ils se marient.
Ils s’aiment, du plus profond de leurs êtres. L’un n’ayant d’autre souci qu’aider l’autre à déployer sa poésie.
Car ils appartiennent à cette rare chevalerie, l’un et l’autre : ils sont poètes, et de la plus grande poésie qui soit.
Lui s’appelle Ted Hughes, futur poète officiel de la Couronne d’Angleterre.
Elle se nomme Sylvia Plath. Quelle chance, madame la Juge, si vous n’avez rien lu d’elle, enfermez-vous un jour avec The Bell Jar (La Cloche de détresse). Vous pleurerez comme j’ai pleuré.
Et puis, un jour, Ted s’en va.
Un autre jour de février 1963, Sylvia entre dans sa cuisine, ouvre le four, y plonge la tête et ouvre le gaz.
Le monde entier condamne Ted. Ted le volage, Ted qui ne pense qu’à lui, Ted : un homme typique, semblable à tous les autres membres de ce genre méprisable.
Cinquante ans plus tard, alors qu’elle se promène dans sa bonne ville d’Amsterdam, une idée vient à la grande romancière Connie Palmen : et si je faisais entendre la voix de Ted ? Et si je tentais de raconter l’impossibilité, malgré la force de l’amour, à cause de la force de l’amour, l’impossibilité de vivre jour après jour, de l’aube jusqu’au soir, et pire encore la nuit venue, et si je tentais de vous expliquer l’impossibilité de vivre avec le désespoir d’une femme ?
C’est ce livre-là que je vous envoie ce matin, madame la Juge. En double exemplaire car un pour Mme Cerruti, votre greffière.
Le titre dit tout :
Ton histoire
Mon histoire
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Dans tous mes dictionnaires, dont tu sais que je fais collection, mon œil désormais sautera directement d’’amortisseur à amovible. Et peut-être qu’avec le temps, je finirai par oublier que jadis, entre amortisseur et amovible, amour se tenait.
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L’un des inconvénients d’un deuxième, troisième, voire quatrième mariage, c’est l’absence de cadeaux. Vous avez beau interroger votre concierge, admonester votre facteur, vous n’êtes destinataire de RIEN au lendemain de vos noces. Vous voilà privé de cette joie enfantine de déchirer des emballages multicolores, d’ouvrir des boîtes, le cœur battant.
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