AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Alzie


Alzie
21 novembre 2014
Montmartre, Place Ravignan, Fernande Olivier (1883-1966) revient hanter les lieux de sa jeunesse. Assise sur un banc elle observe, mélancolique, un groupe de touristes qui se presse à la porte de ce qui reste du Bateau-Lavoir. On s'accommode assez bien dès le début, à la fois de la crudité du langage de Fernande et de la poésie enveloppant l'esprit des premières pages de sa narration. Poésie teintée d'onirisme que l'on retrouve également à l'extrême fin de l'album.

Tout autre est le registre suivant, tableau distancié et assez rude de sa prime jeunesse qu'elle ne tarde pas à nous révéler sans détours. Deux histoires s'entremêlent ici celle de Fernande et celle de Pablo jusqu'à leur rencontre : chronique de la vie de bohème et des moeurs à la Belle Epoque qui précède le moment où Fernande et le sculpteur Laurent Debienne s'installent dans un atelier de la Maison du Trappeur, appelée par la suite Bateau-Lavoir à l'instigation de Max Jacob, et peu avant l'arrivée de Pablo à qui Paco Durio avait cédé son atelier en 1904.

Sous les illuminations nocturnes de l'exposition universelle de 1900 - très belles pages succédant aux "envolées" du début - Pablo Ruiz âgé de dix-neuf ans et son ami Carles Casagemas découvrent Paris pour y retrouver sur place, lors d'un court séjour, une bande de peintres catalans déjà acclimatés. Quelques péripéties ibériques plus tard, le surdoué andalou, né à Malaga et inscrit à quatorze ans aux Beaux-Arts de Barcelone, revient à Paris et loue un premier atelier boulevard de Clichy.

Pour les débuts de Pablo à Paris, la liberté du trait épouse dans la couleur celle de la vie d'artiste avec son lot de cuites et de déconvenues. L'inspiration plutôt sombre de la période, dite bleue, le rapproche de son ami catalan Isidro Nonell. Berthe Weill mais surtout Ambroise Vollard, chez qui il expose en 1901, lui achètent quelques-unes de ces oeuvres pas franchement dans l'air du temps mais devant lesquelles Max Jacob tombe aussitôt en arrêt. Max le poète astrologue, magasinier de son état, s'entiche de Pablo, qui apprend le français dans Verlaine et Rimbaud, alliance magique de la plume et du pinceau tandis que Fernande se rend libre d'un enfer conjugal et commence à poser pour les peintres. Une trinité qui va se diriger vers le Bateau-Lavoir "Dans cette crasse, dans ce bidonville où une bande d'immigrés loqueteux inventait l'art moderne..."

Un premier album qui pose les prémisses de ce que l'ensemble de la tétralogie réserve via l'épopée du Bateau-Lavoir : la vie de Pablo avant qu'il ne soit Picasso racontée par sa compagne Fernande ; l'amitié ici naissante avec le poète Max Jacob puis celle avec Guillaume Apollinaire (T2), soulignant la porosité entre les milieux artistiques, l'explosion créatrice dans ce coin de Montmartre à l'aube du XXe siècle et développés ensuite dans les T3 et 4. La réussite est autant graphique que documentaire (innombrables références et clins d'oeil à tous les arts) mais tient aussi à l'humour omniprésent et à la manière décomplexée d'aborder l'oeuvre et la vie d'un grand artiste. l'histoire de l'art en BD, une nouveauté dont il faut surtout profiter.
Commenter  J’apprécie          140



Ont apprécié cette critique (12)voir plus




{* *}