L'échelle de Jacob

Ils devinrent tellement proches qu'il leur semblait qu'il ne pouvait pas exister une immersion plus grande dans les profondeurs d'une autre âme et c'était un tel prologue à un avenir follement heureux qu'ils redoutaient même de s'embrasser de peur d'effaroucher le bonheur encore plus immense qui les attendait.

Marounia, un mariage ne repose pas sur des timbres-poste ! Viens. Si j’insiste tellement pour que tu viennes, ce n’est pas seulement parce que ma femme bien-aimée, mon amie, me manque. Toute vie a un sol sur lequel elle repose, sur lequel elle pousse, dont elle se nourrit. Tu es mon sol, mon terreau.

L’important, c’est de ne pas cesser de se respecter soi-même. Ca, c’est toi qui me l’a appris, c’est ce que je vais t’enseigner, et c’est la loi fondamentale de notre bonheur. Le destin nous a fait cadeau d’un bonheur exceptionnel. Nous aimer et en même temps, avoir de l’estime l’un pour l’autre, c’est, reconnais-le, une combinaison très rare et très heureuse.

Le seul point noir de son existence était son physique, dont elle n’avait jamais été satisfaite, et tout particulièrement cette année-là. Mais le théâtre lui inspirait une nouvelle façon d’aborder la vie. Elle se lança dans des expériences en quête d’une nouvelle image d’elle-même. Elle commença à se maquiller à outrance, se coupa les cheveux très court et perdit du poids – sans le faire exprès, mais cela lui plut. De bonnes joues rondes faisaient penser à un poupon rose, tandis que des pommettes saillantes, cela avait du style, du piquant. Elle se mit à soigner sa maigreur. Elle s’interdit les sucreries. Un interdit qu’elle observa toute sa vie, ayant décrété un beau jour qu’elle n’aimait pas ça. Et c’était comme si elle avait effectivement cessé d’aimer ça.

Je n'arrive pas à dormir. Un bouton de ma robe a craqué à l'épaule, je suis tombée par hasard sur mon corps, et tu m'as manqué...

cent mille essences agencées selon un certain ordre forment un être humain, le refuge provisoire de toutes les individualités. La voilà, l'immortalité. Et toi, l'être humain, l'homme blanc ou la femme noire, le crétin, le génie, le pirate du Nigéria, le boulanger parisien, le transexuel de Rio de Janeiro, le vieux rabin de Bnei-Brak, vous n'êtes qu'une demeure provisoire.
Jacob, Jacob! C'est ce livre- là que tu voulais écrire et que tu n'as pas écrit?

Tu es attiré par la beauté et la jeunesse. Très attiré. C'est ton droit. Moi, ce n'est pas pour ma beauté que tu m'as aimée, mais c'est parce que je ne suis pas belle que tu as cessé de m'aimer. Je ne peux pas vivre à tes coté si je ne t'attire pas en tant que femme, si je ne mets pas de joie dans ta vie rien que par les plis de ma robe, par mon corps, par mes baisers. Je veux être aimée. C'est mon droit. Ce n'est pas une exigence. C'est une nécessité. Sans cela, nous ne pourrons pas vivre, ni toi ni moi.

Je t'aime Maria, et à cinquante ans, je t'aimerai et te serrerai toujours aussi fort dans mes bras. J'ai pensé à une chose : pour des époux qui s'aiment, il n'y a pas de limite à l'amour, et l'intimité spirituelle peut être nourrie par l'intimité physique jusqu'à la fin d'une vie ensemble...
cela me semble tout à fait normal et sain. Quand nous parviendrons à cet age, nous nous aimerons, et nous considérerons avec une indulgence pleine d'affection nos corps, qui sont porteurs de notre amour. leurs lignes n'auront plus la même beauté, ni leurs muscles la même élasticité, ce ne sera plus la santé de la jeunesse, mais cela nous sera bien égal !

Comme l'homme est faible ! j'ai, semble-t'il, des principes,une conception du monde, une conception de la volonté, une conception de la morale sexuelle, et il a suffi que je voie le décolleté un peu profond de la blanchisseuse pour sentir aussitôt un afflux de sang au cœur (très précisément au cœur), je n'arrive plus à réfléchir, et je suis attiré par elle malgré moi...

Quand elle était encore petite, la fille de Marina avait demandé à sa mère : Pourquoi les Russes, ils ont tous des dents pourries et les cheveux sales?
Marina aurait pu répondre à cette question, mais elle n'avait rien dit. Il aurait fallu expliquer trop de choses. Que chaque pays a ses propres habitudes culturelles - les Américains changent de tee-shirt deux fois par jour et se lavent dès qu'il y a une douche dans les parages, tandis que depuis des générations, les Russes se lavent une fois par semaine aux bains, le samedi, et changent de linge à cette occasion. Que beaucoup d'entre eux vivent dans des appartements communautaires sans salle de bains... Et aussi que chaque enfant de leur âge, même au fin fond de la Russie, lit en un an plus de livres que son frère et elle n'en avaient lu durant leur vie entière, que chaque adulte convenable connaît par cœur plus de poèmes qu'un professeur de littérature ici...