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Sophie Benech (Traducteur)
EAN : 9782070404261
108 pages
Gallimard (14/04/1998)
3.63/5   360 notes
Résumé :
Depuis toujours, Sonia puise son bonheur dans la lecture et la solitude. C'est dans une bibliothèque que, à sa grande surprise, Robert, un peintre plus âgé qu'elle, qui a beaucoup voyagé en Europe et connu les camps, la demande en mariage. Avec Robert et, bientôt, leur fille Tania, Sonia n'est plus seule, elle lit moins, mais, malgré les difficultés matérielles de l'après-guerre, elle cultive toujours le même bonheur limpide, très légèrement distant et ironique. Des... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (76) Voir plus Ajouter une critique
3,63

sur 360 notes
J'ai emprunte ce livre, l'edition bilingue de Folio, a un des copains chez qui je me ravitaille habituellement.
-Tu l'as lu en russe?
Il me repond en un jargon inconnu. A son sourire angelique je comprends que c'est un collier d'obscenites. Je lui rends mon plus soigne rictus ironique et je lui fauche un deuxieme livre, pris au hasard. A petit crime petit chatiment.


Cette edition contient une preface de l'auteure ou elle s'etend sur ses antecedents juifs. Depuis son arriere- arriere- grand-pere, elle les decrit tous un livre a la main, la Bible ou un quelconque traite de morale religieuse. Et cette preface m'a pousse a relever certains details du livre, auxquels j'aurais prete moins d'attention sans elle, autres que l'amour de la lecture, qui est un de ses themes principaux.

C'est le recit d'une vie relativement tranquille, en des temps difficiles. Et tous les accents que j'ai economises ailleurs doivent etre mis sur relativement. Sonietchka, une jeune femme assez disgracieuse, trouve l'amour. Son mari est un peintre qui avait quitte (avait fui?) l'URSS et apres avoir tourne un peu partout est revenu. Persona non grata, on l'exile quelque part en Asie et elle le suit par amour. Ils arrivent a vivoter, se debrouillant meme une maison assez vaste. Les annees passent, leur maison etant destinee, comme tout l'entourage, a la demolition, on les reinstalle dans un tout petit appartement en ville. Ils continuent a vivoter, on lui alloue meme un atelier ou il peut peindre a sa guise. Leur fille, une jeune qui se veut libre, amene une amie a la maison, une jeune fille qui a du jusque la se prostituer pour vivre, et a elle aussi on trouve une place dans ce petit appartement. Oups! le mari aussi lui trouve une place dans son coeur et nous avons droit a un triangle amoureux pas tout a fait classique, avec separation partielle et consentement total. Sonietchka, a l'ebahissement de tout son entourage, trouve que son mari merite un amour de vieillesse. Quand il mourra, elle se demenera pour qu'il aie droit a un hommage et un enterrement dignes de lui. Et sa fille partie a Petersbourg, puis avec le temps en Israel, elle finira sa vie sans regrets, se refugiant dans la lecture.


L'ecriture, qui se veut simple, sied a merveille a l'histoire de cette simple femme, une survivante, a l'endurance plus solide que toute revolte. Et revele en filigrane, sans s'appesantir, l'aprete des temps.

En filigrane aussi, nous sont presentees des identites feminines differentes, pas seulement fruit d'epoque differentes. Comme une legere etude sur les conditions des femmes et leurs changeantes adaptations.

En filigrane aussi, la sovietisation, la dejudaisation si l'on veut, du judaisme russe. Sonietchka, diminutif de Sophia Iossifovna, Sophie fille de Joseph, est d'une ascendance juive dont elle n'a que faire. Mais quand elle recueille la jeune fille qui lui volera son mari, elle le fait comme une “mitsva, une bonne action, et pour elle qui, au fil des annees, percevait de plus en plus distinctement ses origines juives, c'etait a la fois une joie et un devoir agreable a remplir”.
Son mari, Robert Victorovitch, en fait "Ruwim, le fils d'Avigdor", a eu “des revirements foudroyants et joyeux du judaisme aux mathematiques”. “Dans sa jeunesse, Robert Victorovitch avait ete lui aussi au centre d'un tourbillon de courants invisibles, mais c'etaient des courants d'une autre nature, intellectuelle. [...] Durant ces annees cruciales de l'avant-guerre, ce petit cercle d'adolescents juifs precoces, des teen-agers, comme on dirait aujourd'hui, etudiaient non le marxisme, alors a la mode, mais le Sepher ha-Zohar, le Livre des Splendeurs, le traite fondamental de la cabale”.
Un de ses amis peintres, Timler, “fils d'un menuisier de village, avait fait deux ans d'etudes dans un kheder (ecole religieuse juive)”. Devant le triangle amoureux de son ami il s'exclame: “Que c'est beau!... Lea et Rachel… Je n'avais jamais realise a quel point Lea pouvait etre belle…” (Dans la Bible, ce sont les deux femmes de Jacob, Rachel etant la plus belle et la plus aimee. Dandine).


Je serais passe outre ces details sans la preface de l'auteure. Je leur ai donne peut-etre trop de place sinon trop d'importance, mais je suis convaincu, en fin de lecture, que ce livre n'est pas seulement une belle histoire russe, pas seulement un touchant portrait de femme, mais aussi, bizarrement, l'hommage de l'auteure a ses ancetres, ces juifs qui avaient toujours un livre en main.
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Je viens de reprendre ce petit roman de Ludmila Oulitskaïa lu il a plus de quinze ans et ce fut comme si je le découvrais car je ne me rappelais pas de grand chose.
Il se lit en quelques heures et le personnage de Sonietchka est intéressant : une petite femme sans attraits, grande lectrice, humiliée alors qu'elle était collégienne est demandée en mariage. Sa vie change alors, elle se comporte en parfaite ménagère et délaisse sa passion pour la lecture.
Elle traverse bien des épreuves - guerre, communisme, déménagements forcés, adultère dès son mari - mais garde toujours le sentiment profond d'être gâtée par la vie, et de façon imméritée.
Au crépuscule de sa vie, elle retrouve la lecture et le roman s'achève par ces mots :
« le soir, chaussant sur son nez en forme de poire de légères lunettes suisses, elle plonge la tête la première dans des profondeurs exquises, des allées sombres et des eaux printanières. »
N'est-ce point le plaisir que nous éprouvons avec les livres ?
Cela dit, je dois admettre que je ne me suis pas attaché au personnage de Sonietchka, son indéfectible sentiment de bonheur m'a paru trop étrange , mais j'ai apprécié son parcours, ainsi que les fines allusions à ce qu'était la Russie a l'époque soviétique,
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Sonietchka n'est pas très jolie, mais ce n'est pas un problème car Sonietchka est passionnée par la lecture.
L'impensable pourtant se produit, lorsque Robert emprunte des livres dans la bibliothèque où elle travaille, et que Sonietchka abandonne la lecture pour l'épouser.

Un mariage, suivi d'une maternité presque miraculeuse, qui épanouit la jeune femme au delà de toute attente. Robert et leur fille Tania sont vraiment ce qu'elle attendait de la vie. de son côté Robert, l'artiste peintre qu'une relégation pour son esprit trop libre avait détourné de son travail le reprend, et s'amuse malgré les aberrations et les tracas du système soviétique. Sans aucun doute Robert et Sonietchka sont heureux. Et même quand Robert la trahit, Sonietchka salue le destin pour avoir donné à son mari vieillissant une belle jeune femme à aimer et à peindre.

C'est avec un humour irrésistible que Ludmila Oulitskaïa, dans une société soviétique inquisitrice et tracassière, brosse le portrait d'êtres terriblement attachants — l'altruiste et généreuse Sonietchka qui voue un amour inconditionnel à sa fille, son mari et la maîtresse de celui-ci. Robert et sa puissance créatrice que rien n'arrête, pas même un système visant à éliminer les gens comme lui. Tania, jeune fille résolument libre, et son opportune et bien séduisante amie à qui on a envie, comme eux, de tout pardonner.
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Dans l'URSS des années 30, Sonietchka est une jeune fille solitaire passionnée de lecture. Avec "un nez en poire et un derrière en forme de chaise", elle n'attire pas vraiment les regards, mais elle s'en accommode parfaitement, surtout depuis ce jour où, adolescente, elle a été humiliée par un de ses condisciples. Cet incident la "délivre à tout jamais du besoin de plaire, de séduire et d'ensorceler", et elle se replonge avec bonheur et bonne conscience dans les romans.

Forcément, elle devient bibliothécaire.

Un jour, Robert, un artiste peintre plus âgé qu'elle, se présente à la bibliothèque et, le lendemain, demande Sonietchka en mariage. A 27 ans, la jeune femme quitte son monde de fiction pour la vie réelle : "pendant ses années de mariage, la jeune fille irréaliste qu'avait été Sonietchka s'était métamorphosée en une femme d'intérieur assez pratique". Elle ne rêve plus au fil des pages mais désire "passionnément avoir une maison normale avec l'eau courante dans la cuisine, une chambre pour sa fille et un atelier pour son mari, avec des boulettes de viande hachée, de la compote de fruits et des draps blancs empesés qui ne soient pas confectionnés de trois bouts de tissu de taille différente". Sonia est heureuse et consciente de son bonheur, dont elle s'émerveille d'autant plus qu'elle le vit comme une sorte d'imposture : "au fond de son âme, elle s'attendait secrètement à tout instant à perdre ce bonheur, comme une aubaine qui lui serait échue par erreur, à la suite d'une négligence. [...] et ne cessait de se répéter : « Seigneur, Seigneur, qu'ai-je fait pour mériter un tel bonheur... »".

Et quand, vieillissante, Sonietchka se retrouve à nouveau seule, loin d'être amère, elle remédie à sa tristesse en se replongeant dans la lecture, "dans des profondeurs exquises, des allées sombres et des eaux printanières".

Sonietchka est un personnage peu banal : coeur pur et paisible, elle se laisse porter par la vie, s'adapte à tout sans se plaindre alors qu'elle en aurait tous les droits, tant elle est malmenée par l'égoïsme de son entourage et par les événements qui secouent l'URSS au milieu du siècle passé.

Ce qui m'a le plus frappée, c'est sa résignation, sa certitude de ne pas mériter d'être heureuse. Pourquoi ? Parce qu'elle est laide et aime la lecture, elle n'aurait pas le droit d'être aimée pour ce qu'elle est, de s'épanouir aussi dans la "vraie vie" ? L'auteure ne développe pas le thème et se contente de dresser le portrait d'une femme et de son époque, avec détachement et concision, sans empathie et guère plus d'émotions, mais avec quelques traits d'humour. Je n'ai pas compris le sens de ce court roman, à supposer qu'il y en ait un. Voilà donc un texte singulier qui me laisse un peu perplexe.

Quoi qu'il en soit, en ces temps perturbés par la distanciation et le confinement, il serait réconfortant de pouvoir, comme Sonietchka, traverser cette période sombre "en irradiant toujours du même bonheur résolument paisible et mystérieux". Je ne doute pas que la lecture et les livres y contribuent. Joyeux Noël à toutes et tous !
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Les pauvres parents avait su me captiver, et je savais que Ludmila Oulitskaïa ne saurai me décevoir dans une nouvelle lecture.
C'est donc Sonietchka, que je viens d'accompagner le long de son existence étrangement lumineuse.
Sonietchka, les aléas de cette vie soviétique semblent glisser sur elle, sans jamais entamer son bonheur... Cette sorte de joie de vivre, cet optimisme permanent, éclairent cette femme grande et physiquement laide.
Heureuse Sonietchka, qui représente un genre de personnage tout à fait original et nouveau pour moi! Comme si la boulimie de lecture de cette femme avaient constitué une sorte de vaccin contre toute déprime!
Les autres protagoniste de ce court roman, ne sont pas en reste de pittoresque: Robert, le vieux mari artiste,Tania, la fille unique et jasia la fille adoptive et jeune maîtresse De Robert!.. Drôle de ragoût à la sauce de l'ancienne URSS, avec ses parfums de liberté sous-jacente, de contraintes et de corruption... Dans une sorte de comédie jamais grossière, Sonietchka m'a fait passer un agréable moment que je recommande donc à ses futurs visiteurs.
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Citations et extraits (60) Voir plus Ajouter une citation
Vidée de tout, légère, les oreilles bourdonnant d'un tintement limpide, elle entra chez elle, s'approcha de la bibliothèque, y prit un livre au hasard et s'allongea en l'ouvrant au milieu.
C'était La Demoiselle paysanne de Pouchkine.
Lisa allait justement déjeuner, plâtrée de blanc jusqu'aux oreilles et plus lourdement fardée que Miss Jackson. Alexei Berestov jouait au rêveur distrait, et du fond de ces pages monta vers Sonia le bonheur tranquille de la perfection du verbe et de la noblesse incarnée.
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La main toute-puissante du destin qui avait jadis désigné Sonia à Robert intervint alors dans la vie de Tania. L'objet de sa passion amoureuse était la femme de ménage de l'école, qui suivait également les cours du soir, Jasia, une jeune Polonaise de dix-huit ans au visage lisse comme un œuf fraîchement pondu. Leur amitié se noua lentement à un pupitre de l'avant-dernier rang.
La vigoureuse et robuste Tania contemplait avec adoration cette fragile Jasia, transparente comme un flacon de pharmacie tout propre, et languissait de timidité. Jasia était taciturne, elle répondait par monosyllabes aux rares questions de Tania et arborait une réserve hautaine. Elle était la fille de communistes polonais ayant fui l'invasion fasciste, chacun, par la force des choses, dans une direction différente : son père vers l'ouest, et sa mère, avec son bébé, vers l'est, en Russie. Cette dernière n'avait pas réussi à se fondre dans la masse des millions d'habitants de ce gigantesque pays et avait été charitablement déportée au Kazakhstan, où elle était morte après avoir vivoté tristement pendant dix ans, sans avoir perdu ses idéaux sublimes et absurdes.
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À force de faire des allées et venues dans des autobus et des trains déglingués, elle vieillissait vite et enlaidissait. Le tendre duvet de sa lèvre supérieure était devenu un taillis dru et sans sexe, ses paupières s'affaissaient, ce qui lui donnait une expression de chien battu, et ni le repos du dimanche ni deux semaines de vacances ne parvenaient plus à effacer les cernes de fatigue sous ses yeux.
Mais l'amertume de vieillir n'empoisonnait nullement la vie de Sonietchka, comme c'est le cas pour les femmes fières de leur beauté. L'immuable différence d'âge avec son mari ancrait en elle l'impression de jouir d'une jeunesse inaltérable […]
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Vladimir A., un musicien célèbre (...) décrira dans des souvenirs édités à la fin des années quatre-vingt et révélant un exceptionnel talent d'écrivain, ces soirées musicales dans la chambre de Tania, et ce piano droit au son merveilleux qu'il fallait réaccorder tous les jours. Il se souviendra avec tendresse de ce vieil instrument qui révéla au musicien débutant qu'il était alors le mystère de la personnalité des objets. Il en parle comme on pourrait parler d'un vieil oncle disparu depuis longtemps, qui aurait régalé l'auteur, dans son enfance, d'inoubliables gâteaux fourrés d'une unique cerise. (p. 56)
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Quant à Sonietchka, après avoir appris tant bien que mal ses leçons, elle éludait chaque jour et à chaque instant la nécessité de vivre ces pathétiques et glapissantes années trente en menant paître son âme dans les vastes pâturages de la grande littérature russe (...) (p. 12)
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Vidéo de Ludmila Oulitskaïa
Eurasieexpress Réflexion à haute voix : "La Lecture est un exploit", aux Journées du Livre russe à la Mairie du Vème arrondissement de Paris le 9 février 2020. Cette réflexion constitue une partie du prochain livre d'Oulitskaia, à paraître cette année.
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