Inclassable ouvrage que celui-là, ce besoin que nous avons de mettre en case. Un monde inhumain, une entité productrice qui produit on ne sait pas quoi, dans laquelle on peut travailler sans obligation de résultat, dans laquelle on peut vivre puisqu'elle dispose de tous les éléments de confort nécessaire. L'aliénation par le travail, qui vous occupe, vous paie et veille à satisfaire tous vos besoins, à condition que vous respectiez les règles de retenue et de discrétion, de respect d'une hiérarchie, invisible, néanmoins présente par la séparation des bâtiments dans lesquelles elle se trouve. Nous sommes au Japon, organisation sociale très hiérarchisée avec les marqueurs que l'on reconnaît ici.
L'Usine, c'est le Japon, ou le monde occidental, avec ses interdits, ses animaux grégaires, l'absurdité des tâches confiées aux employés. Ici, l'on produit tout ce qui est nécessaire au maintien d'un certain ordre, le personnel des relations publiques est au moins aussi important, il est l'interface entre un monde "extérieur", dépendant, dont il faut faciliter l'intégration des membres, trop heureux de faire partie de la grande famille. Hors
l'Usine, point de sécurité ni de salut, c'est l'inconnu, au moins pour le lecteur qui suppose l'existence d'un monde du "dehors". L'autarcie est la vertu première, pourquoi s'en priver.
La métaphore terminale peut être interprétée comme une manifestation de rejet de l'entité envers des éléments trop curieux, ou mal à l'aise, trop conscient de l'inanité d'un tel système, questionnement qui n'a pas lieu d'être dans un monde sans réponses car sans interrogations, l'inertie restant le moteur dominant, machine omnisciente sans états d'âme, sans autre finalité que de s'entretenir elle-même.
Le livre devient un questionnement vertigineux sur notre monde et ses buts, l'esclavage moderne sans coercition devenant une donnée intangible et immuable.
Etrange et dérangeant.