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3,3

sur 113 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Quel étrange livre que l'Usine…déroutant de la première à la dernière page. L'Usine est une véritable ville, avec son gigantesque ensemble de bâtiments, d'innombrables cantines, commerces, espaces verts, cours d'eau, réseau de transport et même logements…Trois nouveaux embauchés, comme contractuels, viennent d'arriver. Il y a Yoshio Ushiyama, jeune homme qui a perdu son job mais a pu se faire pistonner par sa copine qui bosse dans une agence d'intérim. Il va devoir s'atteler à la correction, manuelle et non informatisée, de textes sans queue ni tête dont on ne sait pas à quoi ils servent…Sa soeur Yoshiko est également embauchée, quant à elle au service reprographie, à la machine à déchiqueter les documents. Quant à Furufué, il est censé étudier les mousses, sacro-saintes et pléthoriques sur le site, et s'atteler, en prenant surtout tout son temps, à la végétalisation des toitures, qui seront peut-être d'ailleurs réalisées par des filiales. Ces protagonistes vont découvrir peu à peu cet univers déstabilisant, avec leurs collègues, pour la plupart féminines, aussi prévenantes qu'un peu farfelues et désoeuvrées, sa faune à la fois non endémique à l'usine et qui semble pourtant s'être adaptée spécifiquement à son milieu (les ragondins gris, les lézards des lave-linge et surtout les cormorans de l'Usine), ou encore son étrange déculotteur, un mystérieux maniaque sexuel qui décidément ne se montre pas beaucoup…Tout ce monde-là évolue en vase clos dans cette entreprise dont on ne sait finalement pas bien quelle est son activité, dans un ennui mortel, où nos protagonistes ont souvent du mal à ne pas piquer du nez les après-midi…Sans parler du pervers de la forêt, qui souligne peut-être quelques déviances de vieux messieurs et leur goût pour les culottes de lycéennes par exemple ? Ou encore ces animaux hors normes, comme symbole des atteintes à l'environnement ?

Car derrière cette curieuse histoire à l'action ténue, apparaissent me semble-t-il des thématiques à problèmes pour le Japon. Ce texte sonne comme une dénonciation de l'organisation du système productif japonais, avec ses conglomérats gigantesques (keiretsu), son emploi à vie ne facilite plus aujourd'hui le dynamisme et la créativité, remplacé par une précarisation galopante guère plus enthousiasmante pour des jeunes qui doivent souvent se satisfaire de petits boulots. L'auteure semble dénoncer l'absurdité du monde de l'entreprise, avec sa spécialisation des tâches à outrance, son management défaillant, son étonnant retard dans la numérisation des tâches, dans l'appropriation de l'informatique et de l'anglais par chacun, qui ne permet plus au Japon de lutter avec agilité en ce XXIè siècle où l'ogre chinois a clairement pris le dessus.

Le style est assez surprenant également, les personnages se succédant sans transition pour parler à la première personne, ce qui ne permet pas toujours de savoir aisément qui parle. de plus, il est justement parlé, très courant, sans apprêt. L'histoire progresse assez peu, et la fin apparaît un peu précipitée, sombrant dans un fantastique facile et pas très heureux à mon sens, comme si l'auteure avait finalement calé, ne sachant plus quoi faire de ses personnages. On reste sur sa faim, car entre le déculotteur évoqué et non exploité, et les animaux étranges, on pensait s'acheminer vers un passionnant thriller. L'impression générale est donc mitigée, mais ce récit a le mérite de se démarquer de certains romans japonais à succès en France à coloration feel good quelque peu en décalage avec les côtés sombres de la société japonaise.

Je remercie babelio pour cet envoi dans le cadre de masse critique, et les éditions Christian Bourgois, qui nous font découvrir pour la première fois en France cet auteure, qui a pour un autre livre obtenu en 2014 le prix Akutagawa.
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L'Usine est un gigantesque complexe de couleur grise, une ville dans la ville, qui attire des talents venus de tous le Japon. Travailler à l'Usine est communément considéré comme un gage de réussite sociale, un privilège dont les travailleurs devraient se sentir reconnaissant. Dans cette usine à la réputation si prestigieuse, nous suivons trois protagonistes qui viennent justement d'y être embauchés.

A travers eux, l'auteure pointe du doigt ces grandes entreprises qui se font fortes de promouvoir le bien-être de leurs salariés, alors qu'elles ne font que leur saper insidieusement leur volonté, leurs désirs et les robotiser. Elle dénonce la précarité du travail – j'ai été surprise de la forte dimension de ségrégation sociale inhérente au type de contrat de travail (plein temps, intérim, contractuel) – et ces emplois vides de sens qui vous grignotent peu à peu l'âme jusqu'à la dessécher. La solitude des êtres au sein de cette usine grouillante de monde est également palpable.

L'originalité de ce roman tient selon moi à son atmosphère étrange et confinée. Il commence de manière très réaliste et factuel avec le quotidien de nos trois personnages dans des emplois aux tâches répétitives, dont la finalité est inconnue ou aux objectifs inatteignables. La division des taches est tellement optimisée que qu'on ne sait même pas ce que cette usine produit ! Puis, il glisse subrepticement vers une déstructuration de la réalité et vers le fantastique, même si la portée est plus symbolique que fantastique. de petites touches surréalistes et de légers décalages temporels sont introduits de manière anodine pour accentuer cette distorsion avec la réalité. Personnellement, je n'en suis pas friande mais je reconnais qu'ils conviennent à cette histoire et concourent à installer cette ambiance particulière à la froideur métallique.

Mais les personnages y perdent sans doute en consistance. Ils sont un peu trop statiques selon moi. Cette absence d'évolution m'a gênée, d'autant qu'ils ne suscitent pas particulièrement l'empathie. La fin y aurait d'ailleurs gagné en force. Là, elle passe presqu'inaperçue, alors que pourtant elle a une valeur symbolique forte…

Ce roman assez sombre a une approche pour le moins intéressante et originale mais ne porte peut-être pas suffisamment « la plume dans la plaie », comme le dirait Albert Londres, d'autant que le thème dominant est l'aliénation au travail. du coup, le soufflé à tendance à retomber. C'est un premier roman. L'auteure en a écrit d'autres depuis que je tenterai surement par curiosité.
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Une lecture brève mais intense... Il faut se concentrer pour lire "L'Usine", l'autrice propose en effet un roman choral sans support visuel, ce n'est qu'au ton que l'on différencie les trois membres du personnel de l'Usine. Dans cette entreprise tentaculaire qui a bien mérité sa majuscule, la vie grouille, les gens travaillent, certains même y vivent, on y voit des drôles d'animaux. C'est impersonnel sous le confort, c'est abrutissant malgré la sécurité de l'emploi, c'est étrange sous le vernis de la normalité du travail.
Hiroko Oyamada signe ici une jolie fable sur le travail et les travers de la société japonaise (mais pas que). A lire (quasi) d'une traite.
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L'Usine est un roman qui ne ressemble à nul autre. Un roman à charge contre l'aliénation au travail ; un roman qui prend tout son sens dans un pays comme le Japon, où la relation de l'individu au travail et à la culture d'entreprise est bien plus prononcée qu'en Occident.

Dès les premières pages le roman installe un sentiment diffus de malaise. La mise en page minimaliste y est sans doute pour beaucoup (un chapitrage succinct où les chapitres ne sont pas numérotés, peu de renvois à la ligne (les dialogues sont bien identifiés par des guillemets et des tirets mais ne font l'objet d'un saut de ligne systématique quant l'intervenant change). Au sein d'un même chapitre la chronologie est bousculée, l'auteure passe du coq à l'âne sans crier gare.

Écrit à la première personne, le roman alterne entre les points de vue des trois protagonistes récemment recrutés par l'Usine. Des individus confrontés à un travail qui n'a ni queue, ni tête. Une Usine dont l'activité reste floue mais dont on devine l'importance d'un point de vue économique. Un personnel dévoué à son Usine, tant pis si celle-ci tend progressivement à les déshumaniser.

Le fantastique s'invite aux portes de l'Usine avec la présence d'une faune endémique inquiétante au coeur même du site industriel. Qu'il s'agisse d'énormes ragondins qui nichent dans les canalisations des égouts ou d'inquiétants cormorans au plumage intégralement noir et visqueux.

Difficile de trouver un sens à toute cette histoire, et pourtant on s'y attache. Une fable sociale et sociétale qui prend parfois des aspects absurdes (voire burlesques) fortement teintés de noir, Une fable qui ne prête pas vraiment à sourire vu la société qu'elle nous décrit.

L'Usine est quasiment une lecture expérimentale (au même titre que l'on parle parfois de rock expérimental). Une expérience qui ne devrait laisser aucun lecteur indifférent, personnellement c'est bien un sentiment de malaise qui ne m'a pas quitté de la première à la dernière page.

Le roman est court (moins de 200 pages) et il n'en fallait pas davantage au risque de deve
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L'usine. En voilà un roman assez étrange. Non pas que celui-ci est bizarre ou bien mal écrit, mais tout au long de ma lecture, j'ai eu comme d'étranges perceptions. La première fût que l'usine ressemblait à un gigantesque endroit vétuste, sale, malpropre, peint de noir, de teintes vert mousse, vert bouteille et vert tapis ainsi que de gris souris. Un endroit profondément déprimant où la beauté semble être disparue. Etrangement bien que ce livre fût écrit au Japon, j'ai l'impression qu'il parle d'usines en Chine. L'autre sensation que j'ai eue fût de me retrouver dans l'un des centres de tri d'Amazon. Je vais avouer que j'ai bien été imprégné par l'usine depuis mon canapé. L'autrice a bien réussi à faire dominer l'usine à son lectorat dans toutes ses aspérités.

Mais au fond l'usine, c'est quoi ? Et bien l'usine, c'est le taylorisme. Une vie à perdre la raison pour pas grand chose, pour des roupies. Une vie où le travail compte et uniquement le travail. J'ai beaucoup aimé le fait que l'usine produit tout. Tout comme une toile d'araignée. Tout se passe à l'usine et tout se fait à l'usine. Aucune alternative existe. le récit est assez fort, car les trois protagonistes principaux font des choses routinières qui n'ont aucun sens. Végétaliser des toits sans aucune consigne. Corriger des textes qui seront ensuite corrigés par d'autres personnes avec de nouvelles fautes. Détruire des documents sans arrêt. C'est absurde. Un peu comme le monde actuel et sa valeur de travailler pour l'économie d'un pays.

Et cette satanée usine se voit affublée d'étranges oiseaux embourbés qui semblent ne pas pouvoir quitter l'usine. Englués sans fin dans un travail faisant perdre la raison et à y laisser des plumes. Un livre qui plaira à ceux qui ne veulent pas travailler où qui ont envie de dire à leur patron de bien aller se faire foutre avant de claquer la porte. Après tout, quitte à y laisser des plumes - autant que ce soit l'entreprise qui y perde.
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L'Usine est une ville dans la ville. Quels produits cette usine fabrique-t-elle ? Nous n'en savons rien, mais elle comprend plusieurs bâtiments répartis sur des kilomètres carrés et possède son propre réseau de bus, ses commerces, ses restos, etc. Parmi le nombre considérable d'individus qu'elle emploie, nous suivons une femme et deux hommes qui, bien malgré eux, n'ont pu refuser l'opportunité d'occuper un poste et ainsi une place respectable dans le système social japonais. Leurs tâches ne s'avèrent pas particulièrement exigeantes, mais quel sens ont-elles ? Et que signifie la prolifération d'oiseaux noirs et de gros ragondins sur le site ?
 
Même s'il m'a manqué un petit quelque chose du côté de l'intrigue, j'ai beaucoup aimé le thème de l'aliénation du travail, l'ambiance étrange et la narration entremêlée des trois personnages « transparents ». L'Usine est le premier roman d'Oyamada. Elle a reçu juste après le prix Akutagawa pour Ana, traduit en anglais (The Hole) mais pas encore en français. Je surveillerai cette nouvelle plume japonaise avec intérêt.
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L'emprise de la grande entreprise sur les travailleurs qu'elle emploie sous couvert de bienveillance, qu'elle sous-emploie par rapport à leurs qualifications, qu'elle asservit à des tâches dont l'absurdité déshumanise et fait perdre le respect de soi, mais qui paie bien. Alors quand on a besoin d'argent pour vivre, on accepte et on subit. Ambiance kafkaïenne assurée…
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L'Usine apparaît comme un monde en soi, une usine-monde, où l'on peut habiter, étudier, loger, travailler. Qui fait-on ?, on ne le saura pas. Qu'importe. On y entre et on y reste longtemps. Pour effectuer des tâches. le travail, c'est bien cela effectuer des tâches. Les protagonistes du roman – ils sont trois nouvellement recrutés - les effectuent plus ou moins consciencieusement. Dans quel sens ?
"Effaré, je regarde Gotô. Non seulement je ne comprends pas ce qu'il dit, mais surtout l'intention m'échappe. Je n'aurai pas de collègues, et même pas de supérieurs hiérarchiques."
Tout ce qui est effectué est envoyé « quelque part »… Aliénation vous avez dit. Des animaux domestiqués.
« Pourquoi tout le monde s'intéresse-t-il autant à ces oiseaux ? » Ces oiseaux noirs, qu'on prend d'abord pour des corbeaux. Mais ils n'en sont pas. de vrais animaux peuplent l'Usine : des cormorans ; et les ragondins ; et des lézards. Tant d'animaux vivent dans cette Usine.
Singulier roman à l'écriture vive, avec son flux de mots, et bien équilibré me semble-t-il, car l'auteur traite sans lourdeur – le sujet pourrait y conduire – et avec juste ce qu'il faut d'étrangeté cette thématique sociale, l'emprise sur nos vies du travail. Une belle réussite.
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Il y a une dimension kafkaienne à ce roman. Dans un complexe industriel démesurément grand, une femme et deux hommes se retrouvent projeté dans le monde de l'absurde et de l'aliénation. Un roman étrange dont la littérature japonaise a le secret qui mêle réflexion grave sur l'aliénation du travail, les déambulations psychologique des personnages et des animaux oniriques qui traversent l'histoire.
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L'Usine m'a captivé tant par les thèmes abordés que par sa structure.
L'auteur avec beaucoup de subtilité aborde la déshumanisation des rapports humains sur le lieu de travail et l'absurdité des tâches accomplies sans finalités. Les descriptions épurées renforcent cette ambiance angoissante où rien ne fait sens. L'apparition des oiseaux est l'élément irrationnel qui nous rappelle qu'un monde ainsi construit ne peut pas fonctionner, ils viennent remettre en question cet univers lisse qui n'a pas de prise sur eux.
Nous suivons plusieurs narrateurs dans cet univers où Kafka et Orwell rodent dans les environs. Mais la construction du récit m'a un temps donné l'impression d'une narration en plusieurs nouvelles, un peu comme les chroniques martiennes de Bradburry, qui rendent compte d'un nouvel environnement.
Un ouvrage original que je ne peux me résoudre à dénommer roman car chacun des chapitres mets en scène chaque narrateur dans des situations ineptes et pourraient se suffire comme récit.
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