Hiroko Oyamada, native de Hiroshima en 1983 fait partie de cette jeune génération d'auteurs japonais, telle qu'elle a été présentée par un numéro de Granta (printemps 2014, Granta #127, 272 p.).
Deux romans, ou plutôt deux longues nouvelles et un roman lui ont déjà valu de recevoir le Akutagawa Prize. C'est le prix littéraire le plus prestigieux et le plus médiatisé du Japon. Il a surtout le don de booster les ventes, un peu notre Goncourt. Et dire que je ne lis pas, par principe les Goncourt, souvent plus effets de marketing que de littérature.
«
L'Usine », (Kojo) traduit par
Silvain Chupin, (2021,
Christian Bourgois, 192 p.), troisième ouvrage de
Hiroko Oyamada.
Yoshiko Ushiyama vient d'être embauchée à
l'usine comme déchiqueteuse. Dans son parcours, on va croiser son frère, et Yoshio Furufué. Ce dernier est un biologiste spécialiste des sphaignes et mousses qui est chargé de végétaliser le toit de
l'usine. le frère est employé à mettre des corrections au crayon rouge sur des textes qui lui reviennent de temps à autre avec d'autres erreurs, à de nouveau barrer en rouge. « On corrige en rouge. On envoie ce qu'on a fait, et quelque temps après, on reçoit un manuscrit avec le même texte mais encore plus d'erreurs grossières. On se demande à quoi on sert ». Surviendra également le non moins bizarre Gotô dont « le blanc de ses yeux est jaune ». En plus de ces personnages, il y a des ragondins et des cormorans, voire même des sortes de lézards ayant pris gouts aux charmes des lave-linge.
Donc Yoshiko vient d'être embauchée à
l'usine. « J'ai fait des études de lettres et mon sujet de recherche était la linguistique japonaise, plus précisément le langage tel que les gens l'utilisent pour communiquer ». Cela tombe bien puisque dans le poste où elle va être nommée, elle sera seule, préposée à la déchiqueteuse de documents. « Détruire des documents à la déchiqueteuse, voilà le travail qu'on m'a assigné » et ce pendant « sept heures et demie par jour » sur des machines qui « sont alignées parallèlement en deux rangées de sept contre les murs. Quatre grosses, six plus petites ».
Le frère, à qui on donne du Ushiyama-san a la trentaine « chômeur a trente ans. C'est évident.
Sans travail, on n'est rien ». Il relit et corrige des notices. Telle « Adieu à tes soucis, et aux miens !
Manuel de soins de santé mentale ! » dont « à partir du chapitre 2, tous les chapitres commencent page 17 »
Les animaux ? « le ragondin devait mesurer un peu moins de deux mètres ». On aura droit à sept pages un peu plus loin. C'est presque mieux qu'une encyclopédie sur le net. Idem pour « les lézards des lave-linge », 6 pages seulement et 4 pour les cormorans à la suite. « Des oiseaux noirs que j'ai d'abord pris pour des corbeaux, mais qui ressemblent d'avantage à des cormorans »
Les dialogues. A la suite, séparés par un simple tiret « Bonjour – Bonjour - Bonjour. – Il pleut ce matin. -Oui, il pleut ». A ce tarif-là, les lettres
De Valmont à la Marquise tiendraient sur un calepin de 5 pages.
Je reviendrai sur les romans de
Hiroko Oyamada, ne serait-ce que pour comprendre cette nouvelle littérature japonaise.
C'était ma contribution aux récipiendaires du prix
Akutagawa. Pour en revenir à cet auteur,
Akutagawa Ryûnosuke, écrivain japonais (1892-1927) né et mort à Tokyo. Il change de nom, adoptant celui de son oncle Atukagawa (ou rivière des ordures), ce qui ne facilite pas les choses.
Son prénom ensuite fait référence au dragon, lui qui est né à l'heure du dragon (vers 8 h), le mois de dragon (janvier) de l'année du dragon (1892) selon l'astrologie locale. Il se met à écrire en 1915 avec « Rashômon » qui obtient immédiatement le succès. Sa production ne faiblit pas, aboutissant à environ 70 nouvelles en 12 ans.
Deux grands recueils de nouvelles «
Rashômon et autres contes », traduit par Mori Arimasa (1989, Gallimard, 286 p.) et «
Jambes de cheval » traduit par
Catherine Ancelot, (2016, Les
Belles Lettres, Collection Japon, 224 p.) qui contiennent en tout 32 nouvelles. Des éditions plus sommaires incluent «
La Magicienne » traduit par
Elisabeth Suetsugu (2003,
Editions Philippe Picquier, 205 p.) et «
Une Vague inquiétude » traduit par
Silvain Chupin (2005,
Editions du Rocher, 84 p.), qui comportent respectivement 5 et 3 nouvelles.et enfin «
La vie d'un Idiot et autres Nouvelles » traduit par
Jeannine Kohn-Etiemble (1987, Gallimard, 189 p.) recueil d'une dizaine de nouvelles. Soit en tout 49 nouvelles traduites en près de 1000 pages, plus une quinzaine supplémentaires traduites en anglais.
Comme toujours, il s'agit de recueils de nouvelles généralement de moins d'une dizaine de pages, et je ne vais pas en faire l'inventaire détaillé. L'intérêt est de les regrouper par thèmes, si possible, et de digresser joyeusement sur ceux-ci.
Je ne résiste pas, pour les japonisants, de parler de la très belle « Collection Japon » chez Les
Belles Lettres, avec presque une quarantaine de volumes publiés. le tout sous trois thèmes avec chaque fois une mascotte, séparés en « Etudes », « Fiction » et « Non Fiction ».
Dans la catégorie « Non Fiction » une étude passionnante de
Masao Maruyama « Essais sur l'histoire de la pensée politique au Japon » (2018, Les Belles Lettres Collection Japon 35, 530 p.) ainsi que « Morts pour l'
Empereur. La question du Yasukuni» de Tetsuya Takahashi (2012, Les Belles Lettres Collection Japon 15, 172 p.).
Deux importants ouvrages pour qui s'intéresse au Japon contemporain.