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Citations sur Le Tiroir à cheveux (8)

J’ai les mains dans cette chevelure mixte (grasse sur le crâne, sèche au niveau des pointes), je rajoute du shampoing. Je rince et la vieille peau se détend, l’eau est à la bonne température, le mouvement de mes mains si doux, elle n’aura rien à redire. Il ne faut pas qu’elle ait à redire. Ce n’est pas n’importe qui, mais la femme du docteur. Une des plus fidèles clientes du salon. Elle est friquée. Les cheveux sont raides, filasse, abîmés. J’aime le contact des cheveux, même gras, raides, fatigués. Je fais un deuxième lavage pour éliminer l’excès de sébum. Je positionne le bout de mes doigts sur le haut de la tête, la pulpe attentive, presque attentionnée, et je commence par masser doucement le front. Je sais qu’en dessous des pensées tournent et retournent. Cette femme n’a jamais travaillé, elle s’ennuie à cent à l’heure. Elle vient pour dépenser son argent de poche, et recueillir des morceaux de vies, des rognures.
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Elle continue sa lamentation, on dirait qu’elle se berce de choses tristes. Les vieux ils aiment bien se plaindre. Ils aiment pleurer aussi. Elle me décrit cet espèce d’ennui dans lequel on nous laisse nous les vieux les vieilles plusieurs jours, plusieurs semaines. Elle me détaille leur vie neutre, insipide. Elle me parle du jardin, vous savez où ils sont les jardins, sur les berges, après la passerelle. Il y passait ses soirées, le pauvre homme. À rien faire, rien du tout, à mesurer des yeux la hauteur des haies de bambou.
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Je n’arrive pas à détester ma voisine. Je lui en veux, pourtant. Avant de se lever elle m’a dit regarde il rêve, elle voulait dire écoute il rêve, parce qu’il gémissait doucement, sans avoir tout à fait l’air de souffrir. Mais qu’est-ce qu’elle en sait, des pensées des rêves des cauchemars de Pierre, ils sont pas écrits dans ses livres. J’ai fait la moue, il le fait tout le temps, de gémir, ça veut pas dire qu’il rêve. Elle m’a rétorqué, avec malice, il rêve peut-être tout le temps.
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On savait bien qu’il y avait quelque chose, mais c’était pas très visible. C’était pas comme pour une telle du village, dont la fille venait d’avoir des jumeaux avec un Noir, et tous les deux, vous savez, tous les deux, noirs comme leur père, pas café au lait, noirs (tu sais maman, les Noirs ne sont pas si noirs à la naissance, ah oui tu t’y connais toi en histoires de bâtards).
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J’attendais mes règles, et le matin je mettais un protège-slip au cas où. Le soleil couchant me tirait aux cuisses, aux bras. J’étais en jupe, en écartant ma culotte je fourrais discrètement mes doigts entre les lèvres pour vérifier, je les portais à mon nez, mais non. Alors je suis restée là, blottie dans la dune, je fumais, et puis non, la cigarette m’a donné envie de vomir, et en me penchant pour l’écraser je l’ai senti. J’ai senti comme une petite lune d’air se promener dans mon ventre, se tourner, se retourner, j’ai passé ma main là où ça bougeait. J’ai compris, sans comprendre tout à fait.
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Au salon quand même je me sens utile. J’aide pour le ménage, je shampouine, je peigne d’épaisses tignasses, je lisse des lignes blondes, la règle des cheveux soyeux est un brossage bien fait. Je prends mon temps. Je fais des mèches au pinceau, parfois des couleurs entières, de larges boues violettes où mes gants transparents passent et repassent. J’aime bien les matières comme ça, gluantes, terres humides, avec des odeurs prononcées, plus ou moins naturelles. J’aime malaxer, pétrir. Je suis toujours volontaire pour épiler à la cire, même les vieilles peaux. J’aime toucher. La patronne ça l’arrange, elle trouve ça ingrat. Je crois qu’elle aime pas trop les vieux. Moi non plus mais bon.
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Les cheveux de Pierre sont très différents. À force de frottements, ils se croisent et ne se démêlent plus. J’ai renoncé à le peigner matin et soir. Ils sont si fins si longs, il faut y passer des heures. Les blonds (lumineux) se mélangent et forment une sorte de cannage brouillon, pas tout à fait des dreads encore, les blonds dorés se faufilent sur et sous les blonds nacrés. Les couleurs de ses cheveux sont pleines de nuances. J’adore les reflets dans son cou quand je le soulève pour le porter jusqu’à son lit (on passe devant la porte-fenêtre, où le soir baisse la lumière, mon appartement est silencieux et ses cheveux bougent).
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Il ne fallait pas parler de ma voisine, même dans son dos. Il ne fallait pas lui parler non plus. Elle n’avait pas demandé la permission d’être enceinte. D’ailleurs, elle faisait plein de choses sans autorisation. Je crois qu’elle sautait par-dessus le portail, quand elle n’avait pas encore le droit d’avoir une clé. Moi non, mais je me cachais pour écrire, parce que je n’étais pas bien sûre que ce soit permis.
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