Étrange destin que celui des filles de rois, à qui nul ne demandait jamais leur avis sur l'homme qu'on leur donnait comme époux, qui quittaient leur famille, leur pays, souvent à l'âge le plus tendre, pour pénétrer d'un coup dans l'intimité d'un inconnu auquel elles devaient se soumettre.
- Vous m'avez toujours détestée, n'est-ce pas ?", lança Isabelle sans réfléchir.
La reine mère s'arrêta au moment de franchir la porte, resta immobile un moment, comme si elle avait besoin de méditer la question puis se retourna à demi.
- Ma foi, oui, avoua-t-elle simplement.
- Moi, j'aurais pu vous aimer si vous l'aviez voulu, dit la jeune fille, dont les yeux s'embuaient malgré ses efforts.
- Mais c'est ça qui m'ennuie chez vous, ma petite. Vous êtes toujours prête à aimer tout le monde. Une bonne souveraine ne peut s'autoriser ce genre de fantaisie.
Le peuple n'avait pas de nom car ses membres n'en avaient jamais ressenti le besoin, et il était d'une diversité étonnante – quoique bien inférieure à celle que lui prêtaient les légendes humaines. Centaures, sirènes, satyres, toutes ces créatures à mi-chemin entre l'homme et la bête étaient nées d'affabulations. Il y avait ceux des rivières qui vivaient et pouvaient se fondre en l'eau; il y avait ceux des forêts qui habitaient les arbres et les fougères, qui voyageaient pas les chemins végétaux; il y avait ceux des pierres et de la terre, qui occupaient montagnes ou cavernes.
- Oh, sire, vous n'êtes pas laid ! (...) Ou alors, c'est une laideur qui vous va à ravir..."