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Critique de Lamifranz


« Jofroi » est la deuxième réalisation de Marcel Pagnol au cinéma (après « le Gendre de M. Poirier » (1933), et sa première adaptation d'une oeuvre de Jean Giono :
Au départ ce ne devait être qu'un court métrage de trente ou quarante minutes, en complément de programme du film précédent. Il fallait trouver un sujet.
« … J'étais assez inquiet lorsqu'un très beau livre de Jean Giono, « Solitude de la pitié », me tomba sous la main. L'un des chapitres qui le composent racontait l'histoire de Jofroi de la Maussan. Je fus instantanément séduit par l'anecdote et par le personnage : je téléphonai à Jean, et je me mis au travail, le scénario et les dialogues furent terminés en quatre jours ».
Le choix des acteurs se révéla plus ardu, les grandes pointures, comme Raimu ou Charpin, ne tournant pas dans les courts sujets. Il fallait donc des acteurs peu ou pas connus. Après la lecture du scénario, le réalisateur posa la question :
« Qui peut jouer le rôle de Jofroi ?
Chacun donna son avis. Vincent se taisait.
Je lui demandai :
Et toi, Vincent, qu'est-ce que tu en penses ? Qui peut jouer le rôle de jofroi ?
Il répondit simplement :
Moi ».
Vincent, c'est Vincent Scotto. Un génie de la chanson (il en a écrit plus de quatre mille), de l'opérette (plus de soixante) et de la musique de film (plus de cent-quarante). On lui doit entre autres : « le plus beau tango du monde » (Alibert), « Je n'suis pas bien portant » (Ouvrard), « le trompette en bois » (Georges Milton), « Marinella » (Tino Rossi), « Adieu Venise provençale » (Alibert), « Prosper » (Maurice Chevalier), « Sous les ponts de Paris » (Georgel), « Tchi-Tchi » (Tino Rossi), « Elle vendait des p'tits gâteaux » (Félix Mayol), « La Petite Tonkinoise » et « J'ai deux amours » (Joséphine Baker) (liste bien entendu non exhaustive). Au cinéma « Jofroi » est le seul vrai rôle qu'il ait joué. Et il s'en tire plutôt bien.
Voici l'hommage que lui rendit Marcel Pagnol : « Mon cher Vincent, quand tu partiras, tu laisseras cent ou deux cents chansons, des sentiments à toi, des idées à toi, qui feront encore du bien à des gens qui ne sont pas nés. »
La nouvelle de Giono n'est pas trahie : c'est l'histoire d'un vieux paysan, Jofroi, qui est obligé de vendre son verger. Mais l'acheteur veut arracher les arbres pour planter les céréales. Jofroi le coeur brisé menace de se suicider, et finit par mourir de mort naturelle. L'acheteur décide de laisser quelques arbres (« le poirier bossu, et l'abricotier fada, je les garderai, parce que ça m'économisera du travail…)
Ce que Giono reprochait à Pagnol (avec quelque hypocrisie, parce que financièrement il en tirait quand même quelques bénéfices), c'est de tourner à la galéjade une histoire qui pour lui était vitale et tragique : de mettre du rire et de la fantaisie dans une tragédie paysanne. Mais le résultat est là : ce qui ressort de la fusion de ces deux univers, c'est tout simplement la vie, qui est faite de joies et de peines et de rires et de pleurs…
Et puis la langue de Pagnol qui vient compléter celle de Giono, c'est un pur bonheur.
Les cinéphiles aiment ce film aussi parce que le parti pris réaliste de Pagnol, cadre naturel, plans serrés et caméra mobile, en font un des avant-coureurs du néo-réalisme italien.
Si le film est relativement méconnu en France (à tort), il a été ovationné aux Etats-Unis où il a reçu le prix du meilleur film étranger.

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