Voici maintenant une autre vérité qui est la plus grande découverte de Bergson, et la marque de son génie : l'homme ne rit que de l'homme, ou d'un animal qui voudrait ressembler à un homme, ou d'un objet qui a une forme humaine.
Dis-moi de quoi tu ris, et je te dirai qui tu es.
Lorsque le rire va jusqu’au fou rire, il s’agit en effet d’une véritable folie physique, d’un orage de réflexes qui s’ajoutent ou se contrarient, et le rieur, qui ne se gouverne plus, en arrive à des spasmes douloureux.
Il faut se méfier des ingénieurs, ça commence par la machine à coudre, ça finit par la bombe atomique.
Dans la vie, la frontière qui sépare le rire de la pitié est bien rarement aussi nette, et il existe, entre les deux, ce que les douaniers appellent une zone franche.
Avoir pitié, c’est se sentir égal à une autre créature humaine, qui souffre, et dont nous redoutons le sort pour nous-mêmes, parce que nous sentons, à ce moment-là, que nous sommes de la même espèce et que nous n’avons sur elle aucune supériorité, du moins en ce qui concerne le malheur précis qui excite notre pitié et qui nous menace nous-mêmes.
Faire rire tous ceux qui mourront, faire rire tous ceux qui ont perdu leur mère, ou qui la perdront… Celui qui leur fait oublier un instant les petites misères… la fatigue, l’inquiétude et la mort ; celui qui fait rire des êtres qui ont tant de raisons de pleurer, celui-là leur donne la force de vivre, et on l’aime comme un bienfaiteur…
Dis-moi de quoi tu ris, et je te dirai qui tu es.
La pitié, c’est la forme tendre de la peur : c’est la peur des intelligents, des imaginatifs, des prévoyants.
Tous les journaux satiriques, depuis qu’il en existe, ne sont qu’une exposition hebdomadaire des faiblesses, des gaffes ou des tares des grands hommes ou tout au moins de ceux que la foule envie.