Quand un sur mille cède à la pitié que lui inspire un de ces prolétaires de la plume, il pèse et soupèse le bouquin, flaire l’embrouille, se persuade que c’est de la daube, puisque personne ne lui conteste l’accès à l’auteur [...]
Pour les écrivains, point de salut hors les écuries qui tiennent le haut du pavé. Héloïse découvre les dizaines de confrères, sagement assis derrière une pile de leurs bébés invendables, à l’affût des piétons qui ne s’arrêtent pas. Les gens considèrent avec méfiance ces déshérités, font un écart pour les éviter, ne pas les frôler. Leur misère pourrait être contagieuse.
Mais la répétition des plaisanteries à marqué Faustine. Elle a admis son infériorité, ses défauts. Certains êtres captent la lumière, sont faits pour la gloire, d’autres sont condamnés à des existences subalternes, peuplées d’ombres grises. Elle avait rapidement connu son affectation. Son père, le modèle, la référence, lui avait tôt indiqué le chemin morne qu’elle emprunterait, quand l’aînée gravirait les sommets.
Si [Faustine] vient chaque semaine, depuis des années, c’est dans l’espoir de parler, de partager des émotions. Ce n’est pas encore pour cette fois. Héloïse demeure muette, se contente de poser l’assiette fumante sur la table et de contempler, elle aussi, l’écran plat sur lequel défilent des images du monde.