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Critique de Sarindar


Partis le 11 août 1415 de Portsmouth et de Southampton, les deux mille hommes d'armes, les six mille archers et les quatre à six mille piétons et "coutiliers" de l'armée d'Henry V de Lancastre, déterminés à nous donner une bonne leçon ou à nous causer des frayeurs, à défaut de pouvoir faire oeuvre de conquête en France, abordèrent les côtes de Normandie au Chef-de-Caux, sur la pointe occidentale de la rive septentrionale de l'estuaire de la Seine, le 14 août. La première chose à faire fut de s'assurer la possession d'un port. le Havre n'était pas encore apparent sur la carte, mais il y avait Harfleur (nous disons bien Harfleur, et non pas Honfleur, localité située sur l'autre rive de la Seine). Cette place, ceinturée de remparts et défendue par une garnison de quatre cents hommes d'armes placés sous le commandement de Raoul de Gaucourt, que l'on devait retrouver plus tard auprès de Jeanne d'Arc à Orléans, résista héroïquement pendant plus d'un mois aux assauts lancés par les Anglais.
Ceux-ci durent s'organiser comme pour un siège en règle. C'est seulement le 23 septembre que, faute de recevoir des secours extérieurs, la petite ville portuaire accepta d'ouvrir ses portes à l'assiégeant. Les Anglais allaient pouvoir contrôler ainsi le commerce fluvial sur la Seine à son débouché.

Sans s'occuper des défenseurs, prisonniers libérés sous caution, qui s'étaient engagés à gagner Calais où devait être fixé le montant de leur rançon, du moins pour les plus valeureux et les plus fortunés d'entre eux, Henry V prit la route du nord le 8 octobre.

Pendant ce temps, l'ost français réuni provisoirement à Rouen et commandé par Bernard d'Armagnac, Charles d'Orléans et Charles d'Albret, acceptait le renfort de chevaliers et soldats bourguignons tout en veillant à empêcher le
Jean Sans Peur de venir en personne. Cinq cents hommes d'armes et trois cents bourguignons vinrent ainsi grossir les rangs français, qui se trouvèrent rapidement forts d'un effectif de vingt mille hommes.

Inquiété par de faux renseignements qui donnaient le gué de la Blanchetaque par où jadis Edward the Third était passé, Henry V franchit la Somme à Voyennes le 18 octobre 1415, et arriva bientôt à Maisoncelle le 24. Il trouve devant lui l'armée française, positionnée entre Tramecourt et Azincourt, et qui lui ferme le passage.

Chacun installe son campement pour la nuit, qui s'annonce plus ou moins pluvieuse et en prévision de la bataille qui s'annonce pour le lendemain. L'état-major français, où se trouve aussi le maréchal Boucicaut, décide d'ordonner l'armée en trois "batailles" composées d'un grand nombre de combattants qui laissent leurs montures. Les cavaliers se trouvent essentiellement aux ailes pour faire place nette devant le gros de l'armée et ils ont pour consigne de bousculer les lignes d'archers anglais. Comme la place est comptée entre les bois de Tramecourt et D Azincourt, on décide de ne pas donner les archers et les arbalétriers français et de les laisser sur place entre les groupes d'armée avant que ceux-ci ne s'ébranlent. L'ennui est que le sol, imbibé d'eau de pluie, est détrempé et boueux, ce qui
n'augure rien de bon. Mais qu'importe : on se dit qu'à trois contre un, on aura facilement le dessus.

En face, les Anglais, harangués par le roi qui leur dit qu'ils seront victorieux en ce 25 octobre 1415, jour de la Saint-Crépin et selon Shakespeare qu'ils constitueront une joyeuse "band of brothers", se sont organisés : ils ont fiché en terre des pieux effilés en pointe vers l'attaquant pour protéger leur archerie, armée du grand arc dit Long Bow et placée entre les corps de bataille du duc d'York, de lord Camoys et d'Henry V, s'avança pour décocher les premières grosses volées de flèches sur la première vague française vite désarçonnée. La suite de la bataille donna rapidement l'avantage aux Anglais, car la cohue française acheva de s'empêtrer dans ces champs bourbeux. Un horrible massacre s'ensuivit, car Henry V donna l'ordre de ne pas trop s'embarrasser de prisonniers, hormis ceux qui étaient hautement rançonnables (et encore !) le prisonnier le plus célèbre fut le duc Charles d'Orléans, qui devait faire un long séjour dans des prisons plus ou moins dorées en Angleterre.

Seul trait de bravoure - acte totalement vain - de la journée, du côté français, un petit groupe monté parvint à contourner les lignes anglaises et à pénétrer dans le campement anglais pour y commettre un acte de brigandage, juste derrière l'arrière-garde commandée par Sir John Cornwall. L'impétueux et présomptueux duc d'Alencon, à la tête d'un autre groupe, chargea droit sur le roi Henry et réussit à s'approcher de lui, mais la garde rapprochée du Lancastre réagit et le tua sans pitié.

Le sol était jonché de cadavres français, picards et bourguignons. Au bruit que firent les pillards qui agissaient dans son dos, Henry V, qui se croyait tourné par une partie de l'armée ennemie, ordonna à trois cents coutiliers d'exterminer le plus possible de blessés et de prisonniers, ce qui fit que l'on dénombra là un "royal cortège de morts", selon les mots empruntés à Shakespeare. Acte qui entacha quelque peu la réputation du roi d'Angleterre. Mille cinq cents chevaliers et cinq mille autres combattants français laissèrent la vie sur le champ de bataille D Azincourt. Un nom qui vint de ce qu'Henry V, avisant une maison forte à peu de distance du lieu des combats, demanda quel nom elle portait, et on lui dit que c'était : "Agincourt", anglicisation D Azincourt. du coup, le nom resta pour désigner cet affrontement.

Dominique Paladilhe, qui a brillamment résumé les faits du jour, ne s'est pas contenté de cela : il a aussi analysé les conséquences de cette bataille qui ne suffisait pas à elle seule pour donner à Henry V le pouvoir en France. Il lui fallut revenir et conquérir la Normandie, prendre Rouen et se montrer à Paris, avant que le traité de Troyes ne fît de lui l'héritier de la couronne française pour le cas où, ayant épousé Catherine, la fille de Charles VI de Valois et d'Isabeau de Bavière, il survivrait au roi de France. Ce ne fut pas ce qui arriva, et son fils, Henry VI, aidé par le frère d'Henry, Bedford, ne fut finalement pas capable d'assurer la relève. Jeanne la Pucelle puis le dauphin Charles, désavoué à Troyes, mais finalement couronné à Reims, et devenu Charles VII l'en empêchèrent.
François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010)


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