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sur 783 notes
« Vous le savez très bien, ça, madame, vous le savez très bien. Vous savez bien, madame, que si votre nom a été francisé, c'est pour faciliter votre intégration dans la société française. »
L'intégration, grand terme important pour la nation française, qui repose sur de minuscules détails administratifs paradoxaux : la francisation du prénom obligatoire pour les personnes d'origine étrangère. Comme si cela faisait tout (alors qu'en comparaison on ne vient pas remettre en cause l'appartenance à la France des enfants nés sur le territoire français et portant un prénom étranger)…

Bref, je ne suis pas venue parler de politique, mais de « Tenir sa langue », un roman (une autofiction ? Cela n'est pas revendiqué par l'autrice) écrite par Polina Panassenko, que j'ai trouvée très touchante dans sa réflexion sur sa double identité, sur ce qu'on choisit pour sa nouvelle identité quand on arrive dans un pays étranger alors qu'on ne veut rien abandonner de ses origines, source de nombreux déchirements qu'elle explique très bien.

Polina, arrivée à l'âge adulte, ne souhaite plus avoir à choisir et son cheval de bataille, c'est son prénom, devenu Pauline en cours de route. Elle est Polina, elle se sent Polina, et elle souhaite, elle exige, que la France le reconnaisse sur ses papiers d'identité, raison pour laquelle elle s'engage dans une bataille administrative kafkaïenne. Avec une rage au coeur qui m'a saisie, et que je ne m'expliquais pas vraiment dans les premières pages de ce texte. C'est vrai que si le prénom est un élément important de son identité, on peut aussi le voir comme une information sur un document officiel. Mais il tient à autre chose pour Polina, ce qu'on comprend au fur et à mesure des pages : ce refus de changement de prénom fait écho à celui qu'a opéré sa grand-mère paternelle, d'origine juive, afin de faciliter la vie de ses enfants dans une Russie pour laquelle les origines judaïques (être « iévreï », mot chuchoté dans la famille, dont Polina cherchera d'ailleurs longtemps le sens) sont une source de honte, quelque chose qu'il vaut mieux cacher. Imprégnés de ce sentiment, les grands-parents maternels de Polina, auprès de qui elle a vécu toute son enfance moscovite, ne s'en sont jamais vraiment ouverts auprès d'elle, ils ont tenu leur langue à ce sujet.

Ainsi, la force du texte de Polina Panassenko se dégage en partie de ce titre, « Tenir sa langue », si polysémique. Celui-ci évoque ainsi un secret des origines, sur lequel toutefois Polina Panassenko ne s'étendra pas plus que cela (ce n'est pas un roman d'enquête à la Daniel Mendelsohn) ; il évoque également, dans un sens plus direct, les efforts de Polina pour apprendre le français, s'adapter à la faune – exotique pour elle – de la maternelle française, mais aussi ceux que sa mère déploiera pour que Polina n'oublie pas sa langue en apprenant le français, ne fasse pas de mélanges hybrides : « Attention, sinon tu vas finir comme les fils Morkovine. Je les ai vus les fils Morkovine. Je sais ce que je risque. […] Arrivés de Saint-Pétersbourg ils ne parlent plus vraiment le russe ni tout à fait le français. Ils cherchent leurs mots. Ils ont un accent bizarre. Des consonnes trop dures, des voyelles trop ouvertes. On dirait qu'ils sont en train de muter. […] Il fallait faire rentrer le français et maintenant qu'il est là on me dit qu'il va me changer en mutant Morkovine. »

Deux langues, deux identités coexistent peu à peu en Polina, et la lutte administrative pour rétablir son prénom d'origine est l'occasion pour elle de nous raconter en alternance son enfance à Moscou, son arrivée en France, le retour en Russie à l'occasion des vacances (en tenant sa langue sur son déménagement, pour éviter le kidnapping), au final ce parcours les pieds posés sur deux pays éloignés l'un de l'autre. Un parcours dans lequel je me suis parfois perdue, où je me suis demandé à quelques occasions (surtout dans la dernière partie) pourquoi Polina Panassenko nous racontait cela.

Comment faire pour ne rien renier, réussir à être une seule personne dans laquelle cohabitent deux identités distinctes ? C'est ce que Polina Panassenko tente avec ce texte original, au style vif et direct, fait de petites phrases courtes et percutantes (par exemple : « Mon père a acheté une TV française. Installée sur le lino du salon, je regarde une histoire d'animaux qui ont sans cesse des problèmes. Ils veulent à tout prix traverser une autoroute. On ne sait pas pourquoi. C'est leur but ultime dans la vie. Une musique épique accompagne leurs vaines tentatives. La communauté est dirigée par un blaireau qui transporte sur son crâne une taupe. Les animaux parlent tous trop vite et font sans cesse des réunions. J'attends patiemment la coupure pub. Son jingle familier. Stabilité et répétition. Je le reconnais à la première note. Je me rapproche de l'écran. Concentration. le Rubik's cube sonore commence. »)

L'identité passe ainsi par les mots, russes ou français, dont le sens est si important pour Polina Panassenko qu'elle en a fait son métier, étant, en plus d'être romancière, comédienne de théâtre. Un joli premier roman, première pierre d'un nouveau parcours à suivre.
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C'est gentillet. Pas grand-chose à dire de plus. Banalité soviétique (appartement communautaire, débrouillardise…) lue des dizaines de fois, puis post-soviétique… Mais bon, pour la plage, comme on dit dans les gazettes !










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Intéressant ce parcours du combattant qui nous plonge dans le méandre de l'administration et de la loi. Pauline voudrait seulement récupérer ce prénom de naissance : Paulina. Cela pourrait sembler un détail mais il est question de racines, d'identité et d'histoire.
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Tenir sa langue, quelle langue ? Et pourquoi la tenir ?
Se taire ? Se retenir ?
Polina, d'origine russe, immigrée en France avec ses parents dans les années 90, retourne régulièrement en Russie passer l'été et vivre chez ses grands parents.
Passés 30 ans, elle compte refaire faire ses papiers et automatiquement écrit son prénom de naissance «  Polina » sur la demande, refusée, car son père a fait francisé son prénom en « Pauline » pour une meilleure intégration.
La bataille contre l'administration française est rude pour récupérer l'orthographe originale à laquelle elle tient, d'autant plus qu'en fait, Polina n'était déjà pas le prénom de sa grand mère qu'elle avait reçu en héritage mais Pessah, caché par le père de cette dernière pour cacher la judéité de la famille et éviter les pogroms russes !
Quel poids et quelle valeur pèsent sur les épaules de Pauline/ Polina !
Elle qui est restée muette longtemps en France car elle ne parlait pas français, est devenue bavarde et utilise une langue exceptionnellement riche et variée, maniant aussi bien le vocabulaire administratif que le coté cash de la vie moderne, jouant des sonorités des deux langues, aidée en cela par sa mère qui veille à ce qu'elle garde «  son » russe.

Au delà du prénom, se joue en fait, une bataille juridique sur l'intégration par le prénom, ou par la langue, la décision presque irréversible du père de naturaliser sa fille de force, pensant bien faire ! En effet, ne connaissons nous pas tous des personnes dans ce cas là ? Et la difficulté de faire bouger les choses quand changer deux lettres devient un combat ?

C'est un livre courageux, tonique, et pas du tout larmoyant ou jérémiant sur les difficultés rencontrées, on se doute qu'elle a réussi car elle s'appelle bien Polina !!
gardons un oeil sur cette Polina, elle nous en fera voir d'autres !
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Polina et sa famille émigre depuis la Russie, laissant derrière eux leurs attaches familiales et leur langue, pour un avenir meilleur en France. A son arrivée, son prénom est "francisé", elle devient Pauline sans qu'on lui demande son avis. Devenue adulte, elle veut qu'on lui rende ce prénom qui est le sien, mais est confrontée à de nombreux obstacles administratifs.
Une plume précise et délicate pour décrire l'importance des mots.
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Elle est née Polina en URSS, elle est devenue Pauline lorsque ses parents ont émigré en France , «  pour faciliter son intégration ». Adulte, elle souhaite retrouver son vrai prénom et découvre les lourdeurs administratives à la française , ce qui nous vaut des pages assez virulentes en début de roman , qui déstabilisent un peu…

J'ai nettement préféré la suite , l'enfance de Polina auprès de ses grands parents russes, entre appartement communautaire et datcha à la campagne, puis les premiers pas en France et les déconcertantes journées à la « materneltchik » où l'enfant s'acclimate avec difficulté , les allers retours en Russie et la même éternelle question : «  c'est mieux en France ou en Russie ? »

Roman sur l'identité et l'exil, sur l'intégration et la double culture à travers la langue et son appropriation : « Russe à l'intérieur, français à l'extérieur. C'est pas compliqué. Quand on sort on met son français. Quand on rentre à la maison, on l'enlève. On peut même commencer à se déshabiller dans l'ascenseur. Sauf s'il y a des voisins. » S'intégrer, oui, mais pas au prix de sa propre identité et de l'histoire de sa famille.

J'ai trouvé ce roman sympathique, avec quelques épisodes assez drôles quand Pauline découvre la langue française et l'univers de l'école par exemple, mais pas aussi réussi que je le pensais après les louanges lues un peu partout… Plus une succession de petites saynètes qui manque un peu de lien à mon goût .
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Retrouver son prénom le constat est là pour moi c'est : retrouver d'où l'on vient, une partie de qui l'on est.

C'est une lecture à la fois pleine de souvenirs et de combats.
Une vie sur deux tableaux France/Russie, mouvementé, quelque fois drôle et surtout face à l'inconnu en France

Bonne lecture, courte et sympa
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Encore un roman qui m'avais tapé dans l'oeil à sa présentation. J'avais eu aussi le plaisir d'entendre l'autrice lire quelques pages et ça m'avais donné encore plus envie. Mais j'ai un peu perdu mon enthousiasme en cours de route...

J'ai retrouvé le style enjoué et drôle de la présentation (le passage sur la raclette m'a beaucoup fait rire). le roman se lit vite, on est emporté dans la vie de Polina/Pauline. le fait que ce soit écrit à la première personne donne un vrai élan à l'histoire.

Je me suis un peu plus embrouillée dans les passages qui évoquent les vacances en Russie, les retours en France et surtout l'importance des grands parents. J'ai senti que le personnage du grand-père était vraiment important pour le récit mais il y a un petit quelque chose qui m'a échappé. Je n'ai pas réussi à saisir l'entièreté de cette importance et cela m'a gênée lorsque j'ai fini le roman.

La thématique de l'identité est évidemment très présente mais parfois, les petites touches d'humour desservent un peu le propos. A hauteur d'enfant c'est amusant, lorsque c'est l'adulte qui parle, j'ai eu un peu plus de mal.

C'est donc une lecture en demi-teinte. J'ai beaucoup aimé le récit de l'enfant mais moins l'aspect adulte du roman.
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Polina Panassenko a fait un roman de son exil russe en France et de son « intégration » grâce au changement de prénom. En retrouvant son regard d'enfant, elle raconte l'appartement communautaire à Moscou où sa famille vivait avec les grands-parents, son attachement à son grand-père, compagnon de jeux et de promenades qui prennent du relief dans le souvenir, elle évoque les nuits blanches de sa grand-mère un peu mystérieuse mais pilier tacite de la maisonnée. Un jour l'Union soviétique implose et ses parents décident de partir. La famille atterrit à Saint-Etienne et la petite Polina découvre le français et ses bizarreries. Elle comprend que quand on lui dit « Ca va ? », on lui demande si elle va bien mais pourquoi les Français utilisent-ils le mot russe qui veut dire « hibou » pour demander si on va bien ? Quand on l'envoie à l'école, que sa mère lui vend comme la « materneltchik », avec le suffixe russe -tchik qui adoucit tout, la petite fille est baignée de force dans un univers et une langue inconnus, au point qu'elle se tait à longueur de journée scolaire. L'été, la famille retourne en Russie et passe les vacances à la datcha, où il ne faut pas se trahir et révéler qu'on habite en France.

Polina se construit ainsi entre deux langues, entre deux cultures, entre deux prénoms. Pauline et le français au dehors, Polina et le russe au dedans. Si la légèreté et l'humour sont bien présents dans ce premier roman, Polina Panassenko y a placé des sujets graves : l'exil, l'identité, l'intégration forcée (comme celle de ses grands-parents, Juifs forcés de changer leur nom), l'accueil de l'étranger (et la pseudo-ouverture aux autres cultures), le deuil, d'autant plus douloureux quand il est vécu à distance. A noter que ce roman intelligent est écrit en français, langue finalement adoptée par l'auteure.
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
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L'auteur part d'un bon postulat de départ pour nous entraîner dans ses souvenirs d'enfance russe pour nous montrer à quel point retrouver son prénom d'origine est important pour elle.
On se retrouve dans ce roman face à l'incompréhension de l'Administration française et ses décisions arbitraires, elle se retrouve obligée de passer par un avocat pour contester la décision, un parcours judiciaire souvent long.
On retrouve des touches d'humour face aux situations d'intégration de Paulina en France.
On comprend aussi toute la difficulté de cette situation et la douleur d'être loin de ses grands-parents restés au pays.
Malgré tout, j'ai trouvé certains chapitres un peu ennuyeux et qui n'apportaient pas forcément d'éléments intéressants pour le récit de base.
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