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Critique de Pecosa


La mauvaise femme, « La mala dona », bel euphémisme, pour évoquer Enriqueta Martí i Ripollés, prostituée, tueuse en série, proxénète d'enfants volés dans les rues, et pourvoyeuse de potions miracles élaborées à partir des restes des petits qu'elle assassinait...

Aussi invraisemblable qu'il puisse paraître, ce polar est inspiré de faits réels. Marc Pastor évoque les crimes sanglants commis par « La Vampira del Carrer Ponent" dans la ville de Barcelone au début du siècle dernier. Même si l'auteur a recours à l'Allégorie de la Mort et nimbe l'ouvrage d'un halo fantastique (références au roman gothique et enquêteur lecteur de Mary Shelley , Gaston Leroux, Bram Stoker...) pour éviter la nausée à son lecteur, certaines pages sont particulièrement pénibles à lire, surtout quand on sait que le calvaire subi par les petites victimes n'est pas un produit de son imagination.

Certes, le roman nous promène dans le quartier d'El Raval en 1911, et dresse le portrait d'une ville qui tient davantage du Londres de Charles Dickens que de la belle catalane, jadis cadre de l'Exposition de 1888, qui marqua son entrée dans l'Europe de l'industrie et des échanges à grande échelle.

Mais, en dépit de pages intéressantes sur la vie quotidienne des ouvriers et des miséreux dans les bas quartiers, et du personnage de Moisés Corvo, l'inspecteur vétéran de la guerre du Rif, la lecture de la mauvaise femme s'est révélée laborieuse. le personnage d'Enriqueta manque de consistance, et les deux évènements majeurs de cette sombre histoire sont à peine effleurés. On sait que la tueuse avait en sa possession un carnet contenant la liste de ses clients (pédophiles ou utilisateurs de ses « fameuses potions ») et bénéficiait de protections dans les hautes sphères. L'inspecteur Corvo est en effet régulièrement rappelé à l'ordre par son supérieur hiérarchique qui n'est autre que José Millán-Astray y Terreros. On sait aussi, et Marc Pastor le rappelle au détour de quelques phrases, que l'ombre de la Semana Trágica plane toujours sur Barcelone. Les autorités préfèrent nier la rumeur populaire qui enfle au sujet d'un vampire qui volerait des enfants pauvres pour les dévorer, de peur de voir réapparaître des barricades et des émeutes. « Je vous parle chinois, peut-être? Messieurs,: il n'y a pas d'affaire. Il n'y a pas de disparition d'enfants. Il n'y a pas d'enquête. (…) Quand je vous dis de la boucler et de poursuivre les anarchistes, vous la bouclez et vous poursuivez les anarchistes! Nous sommes là pour ça, merde! » Cependant le contexte politique et social reste bien superficiel, le conflit hispano-marocain et ses incidences sur l'opinion publique n'est qu'une ombre qui passe. On aurait aimé en savoir davantage sur les accointances entre le pouvoir, la police et la presse. Pastor se limite à la traque. C'est dommage, car Enriqueta Marti est la légende noire de Barcelone, une figure féminine monstrueuse, singulière tant par l'ampleur de ses crimes que par la cruauté de ses actes. Ne reste plus qu'à lire sur cette affaire un autre roman, La maison en chocolat de Claudio Cerdán, dont les critiques lues sur Babelio sont plutôt enthousiastes.

A noter que l'on peut retrouver l'inspecteur Moisés Corvo dans un autre roman de Marc Pastor qui se déroule à la fin du 19ème siècle au Maroc, Bioko.
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