AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,81

sur 204 notes
5
26 avis
4
23 avis
3
2 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« À cette époque, la chair grasse et goûteuse des carpes nous était indispensable, pour nous, comme pour le troc. Pour les échanger contre de la farine, du pain et des cigarettes pour maman. J'étais resté seul avec maman, les autres étaient au camp de concentration. »

Un livre à choisir les yeux fermés : tchèque, pêche, guerre, humour.

D'un ton léger, la vie dans ce petit village tchèque au mitan du siècle dernier s'écoule entre joies et malheurs sans jamais entamer l'égale humeur de l'auteur et par-là celle du lecteur. Car qu'on se le dise, si l'auteur était un dépressif notoire, curieusement, disons très fort : « Oui, c'est le bouquin le plus antidépressif du monde ».

De la littérature, la vie, l'existence avec, en fil rouge, les poissons, passion paternelle : « La pêche m'avait appris la patience et les souvenirs m'aidaient à survivre ».


Lien : https://www.quidhodieegisti...
Commenter  J’apprécie          60
« Tandis que je mourais là-bas à petit feu, je voyais surtout cette rivière qui comptait plus que tout dans ma vie et que je chérissais. Je l'aimais tellement, qu'avant de me mettre à pêcher je ramassais son eau dans mes mains en coquille et je l'embrassais comme on embrasse une femme. »

Je referme ce livre, Comment j'ai rencontré les poissons, et j'entends encore couler dans l'âme de son écrivain Ota Pavel, le chant merveilleux et nostalgique d'une rivière qui a compté plus que tout dans sa vie.
Ce livre rassemble de joyeuses et poignantes histoires qui tournent souvent autour de la pêche à la carpe, à la truite, à l'anguille... Mais toutes ces histoires truculentes et touchantes forment un beau prétexte pour l'auteur de nous parler de son père pour lequel il a toujours éprouvé une profonde admiration. Ah ! Parlons de son père, ce représentant de commerce d'une célèbre marque d'aspirateur, homme volage par nature qui aspirait sans cesse à un désir de liberté, que son épouse et mère de trois enfants n'a jamais cessé de rechercher à chacune de ses impossibles escapades amoureuses...
La légende familiale dit qu'il aurait même vendu des aspirateurs dans un village tchécoslovaque non relié à l'électricité.
La légende familiale dit que sa femme qui l'aimait, - et qu'il aimait, ne cessait de lui pardonner ses échappées amoureuses, peut-être parce qu'elle savait consciemment ou inconsciemment qu'elles étaient vaines...
En apparence, nous sommes invités à de fameuses parties de pêche à la hauteur d'un enfant avec toute la tendresse et la gouaille que cela convoque, mais si l'on regarde un peu plus loin le paysage en toile de fond en cette veille de seconde guerre mondiale, on entend déjà le bruit de la barbarie à visage humain, l'antisémitisme qui grimpe dans cette Europe centrale, ici à Prague ou ailleurs... Oui, il faut le dire, les Popper, - c'était le vrai nom de la famille de l'auteur, sont juifs et les chroniques qui nous sont ici partagées par Ota Pavel ne manquent pas d'évoquer ce contexte douloureux.
Cette tragédie traverse ces chroniques puisque le père et les deux frères de l'écrivain seront déportés au camp de concentration de Terezín, d'où ils reviendront vivants, les parties de pêche pourront enfin recommencer. J'ironise, mais je pense sincèrement que cette passion partagée dans la famille, en particulier entre un père et son fils, fut un bel antidote à la barbarie nazie qui avait tenté d'anéantir l'humanité.
Une des histoires qui m'a le plus touché est peut-être celle qui invite un gardien de pêche un peu bancal mais fin limier, sorte de Quasimodo des rivières... Elle convie toute l'espérance inattendue qui surgit au dernier moment, celui qu'on n'attend plus...
Une autre barbarie les attendait au lendemain de la guerre, plus pernicieuse, celle du communisme qui avait la volonté d'apporter le bien à tout un peuple. Plus tard les Juifs seront de nouveau des boucs émissaires désignés par le régime totalitaire en place.
Mais ce régime tout aussi intrusif qu'il est, - qui continue de l'être sous une autre bannière, non plus sur ce territoire vaste de l'Union Soviétique mais désormais cantonné à la seule Russie de Poutine, n'aura jamais de prise sur la jubilation folle d'une partie de pêche ni sur la nature enchanteresse qui accueille ce bonheur. Non, ils n'ont jamais réussi à voler cela. Ils ne le voleront jamais.
Ota Pavel a un sens inouï de la narration, il sait nous raconter des histoires, j'avais l'impression à chaque instant d'être à ses côtés au bord de cette rivière, à l'intérieur des forêts, à la lisière d'un rêve protégé du reste du monde.
Je vous avoue avoir pleuré à la fin de ma lecture, je ne saurais dire pourquoi, ne me le demandez pas, je déteste pourtant la pêche... Peut-être que je pense tout simplement à mon Papa ce soir, qui sait...?

♫ Si l'on ne voit pas pleurer les poissons
Qui sont dans l'eau profonde ♪
C'est que jamais quand ils sont polissons
♫ Leur maman ne les gronde
Quand ils s'oublient à faire pipi au lit
Ou bien sur leurs chaussettes ♪
Ou à cracher comme des pas polis ♪
Elle reste muette
♫ La maman des poissons elle est bien gentille
Elle ne leur fait jamais la vie ♪
♫ Ne leur fait jamais de tartine
Ils mangent quand ils ont envie ♪
♫ Et quand ça a dîné ça redîne
Commenter  J’apprécie          4832
Comment j'ai rencontré les poissons est l'histoire d'une famille, les Popper, qui changent leur nom pour Pavel, moins juif, plus tchèque, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. C'est l'histoire d'un père, vu par les yeux de son plus jeune fils. C'est l'histoire des jeunes années de celui-ci, Ota. Alors que la guerre qui se prépare finit par éclater et que le régime communiste qui s'ensuit amène son lot de promesses et d'espoirs, Ota découvre le monde, vit, et surtout, pêche.

La pêche est le fil rouge de l'ouvrage. Les chapitres prennent la forme de fragments, d'instantanés, mais les poissons, passion du père transmise à son fils, sont toujours là. Ils disparaissent parfois des rivières ou des lacs, mais même dans ces moments-là, ils occupent toujours l'esprit du narrateur. L'épilogue nous le confirme : Ota Pavel explique avoir écrit ce récit lorsqu'il était hospitalisé en psychiatrie et qu'il réfléchissait à ce qu'il avait vécu de plus beau. Les rivières, les ruisseaux, les étangs et les lacs sont sa réponse et son autobiographie son explication.

Si le lecteur peut percevoir un père volage et irresponsable, Ota Pavel ne retient que son côté fantasque et passionné. Difficile de ne pas être touché par la tendresse qui se dégage de l'écriture de l'auteur. La narration est à hauteur d'enfant dont la naïveté rend tour à tour des passages particulièrement drôles et savoureux ou bien extrêmement poignants (je pense notamment à ceux se déroulant pendant la guerre durant laquelle Ota Pavel est confronté à l'antisémitisme). de chaque chapitre, le lecteur peut tirer une leçon de vie. Au fil des pages, l'enfant devient adulte et quitte un monde privilégié pour se retrouver confronté à la réalité de l'existence qui charrie son lot de deuil et de déceptions.

Je vous recommande également de lire le dossier que les éditions do ont consacré au livre. Ce sont elles qui ont publié Ota Pavel en français pour la première fois.

Comment j'ai rencontré les poissons est à lire et à faire lire pour la liberté qu'il met en avant et pour la grande sincérité qui se ressent à chaque page.
Lien : https://monrockingchair.word..
Commenter  J’apprécie          60
La pêche n,est pas la passion de tout un chacun, et cependant Ôta Pavel parvient à nous faire pénétrer dans son univers ou l les poissons ont un rôle majeur.a travers les quelque 20 chapitres de son livre, c'est l'enfance d'un enfant juif en tschekoslovaquie, durant la guerre, l'occupation par les nazis puis sous le communisme qu'il dépeint. l'auteur de la postface qualifie le livre de »bouquin le plus antidépresseur du monde ». On rit en effet beaucoup l'un plutôt on sourit mais on pleure aussi beaucoup.
Le père d'OTA, Leo Popper vit en effet la vie avec l'énergie, la volonté, l'optimisme et l'enthousiasme à tout crin d'un êtreà l'énergie vitale énorme, et à la gaénérosité totale. Mais il se heurte à l'adversité dont la moindre n'est pas l'antisémitisme . le livre n'est pas un pamphlet antisémite, il se contente d'esquisser assez discrètement les ignobles coups auxquels est confrontée la famille : envoi ,des fils en camp de concentration, du père en travailleur forcé à la mine, privation de son bien, l'étang et ses poissons, malveillance révélée par l'épisode ds cochons et celui des lapins. de nombreuses petites notations révèlent le climat antisémite de l'époque, y compris après la guerre, à l'époque du communisme, auquel LEo a cru de toutes ses forces.
D'un épisode à l'autre, Leo rebondit après ces coups du sort, jusqu'à l'épisode final des lapins, qui le mène à l'hôpital d'où il ne revient pas.
Leo est le véritable héros du livre, c'est un père dépeint à travers les yeux de son fils, une figure protectrice bien qu'un aventurier : un aventurier qui guide sa famille à travers les diverses aventures qu'il lui fait vivre.Endossant un métier après l'autre avec des succès divers, mais toujours soutenu par Herma sa femme, qui le rappelle à la réalité des placards vides lorsque l'argent vient à manquer, en raison de ses initiatives malheureuses.
Le ton est toujours celui de l'humour , qui fait remporter la victoire à l'esprit, par exemple après l'épisode des cochons qui précipite la ruine de Leo « ce slogan « il n'y aura plus de cochon » devint à jamais pour notre famille le slogan qui annonçait à la fois notre victoire et notre défaite et que le triomphe l'emportait toujours sur l'échec; »
Un autre aspect du livre est la poésie qui émane des descriptions de la nature, des riviéres et des poissons. Avec concision, un sens de l'observation poussé . Nous vivons la nature , la pêche, braconnée ou légale, à la truite au barbeaux, à l'anguille comme si nous y étions.
Une grande sagesse humaine se dévoile dans ce livre de souvenirs, au goût inoubliable d'enfance, une enfance qui a pu se dérouler dans la nature et lui a donné le goût de la vie libre « la pêche, c'est surtout la liberté……liberé de la télévision, des journaux,, de la radio, de la civilisation… »
Le critique polonais intitulé la postface «  de la vie vécue comme une fête » mais une fête parsemée d'échecs et de réussites, pleine de mélancolie qui pour Ôta se termine dans la maladie psychique, dépression et hôpital psychiatrique.Lutte toujours recommencée contre le destin et ses écorces obscures et tragiques .
Commenter  J’apprécie          30
Coucou Athalie, tu m'avais bien tentée avec ce roman, et je te remercie de me l'avoir fait lire. C'est une petite merveille ce livre de souvenirs d'un enfant tchèque de père juif et de mère chrétienne qui connaît une enfance aimée et riche en évènements avant la guerre, traverse les horreurs de la guerre et se reconstruit sous le communisme.
Raconté comme cela, vous pensez qu'il s'agit « encore » d'un roman sur la tragédie de la Shoa , mais pensez au titre ! Ce livre raconte la passion de cet enfant pour les rivières et les poissons et nous fait connaître son père Léo un personnage auquel rien ne résiste. Enfin presque . Dès la dédicace du livre le ton est donné et mon sourire était sur mes lèvres :

À ma maman

qui avait mon papa pour mari.

C'est vrai qu'il est un peu encombrant ce Léo , toujours prêt à gagner des millions et devenir très très riche. Seulement voilà, la vie est faite d'imprévus surtout quand on aime les jolies femmes, offrir des tournées à tous ses amis dans les bars, et surtout aller pêcher la carpe dans des endroits merveilleux plutôt que de vendre des aspirateurs. Pourtant cela avait bien commencé avec le titre de « Meilleur Vendeur du Monde » d'aspirateur Electrolux. La vie auprès de lui, pouvait être compliquée, elle n'était jamais ennuyeuse, il a fallu le nazisme pour ralentir sa fougue. Après la guerre, il s'enthousiasme pour le communisme jusqu'à ces terribles procès qui lui assène une si triste réalité :

Pour la première et la dernière fois de sa vie, il s'est blotti entre me bras comme le font les enfants. J'étais déjà un homme. Je le tenais dans mes bras et je regardais par-dessus sa tête ce « Rudé Oarvo » où il avait coché au crayon rouge

Rudolf Slansky, d'origine juive
Bedrich Germinder, d'origine juive
Ludvick Frejka, d'origine juive
Bedrich Reicin, d'origine juive
Rudolf Margolieus, d'origine juive
La série de Juifs continuait et elle était toute maculée de larmes. Lorsqu'il se fut calmé, il me regarda d'un air absent, comme s'il ne me reconnaissait pas et dit :

-Ils se remettent à tuer les Juifs. Ils ont de nouveau besoin d'un bouc émissaire.

Puis il se leva, il donna un coup dans ce « Rué Pravo » et il se mit à crier :

-Je pardonne les meurtres. Même judiciaires. Même politiques. Mais dans ce « Rudé Pravo » communiste, on ne devrait jamais voir « d'origine juive » ! Des communistes, et ils classent les gens en Juifs et non-juifs !

Ota Pavel a connu lui, aussi les affres de la dépression, mais grâce à tous ses souvenirs de pêches dans des endroits merveilleux, il a réussi à se reconstruire et il nous a laissé un livre qui nous fait sourire et aimer la vie. Son humour et sa pudeur en font un grand écrivain.
Bravo à cet auteur .
Lien : https://luocine.fr/?p=13614
Commenter  J’apprécie          60
Envie de poursuivre mes lectures estivales avec un roman proche de la nature. Mon choix s'est immédiatement fixé sur ce joli petit livre du tchèque Ota Pavel, attirée par son titre poétique et la magnifique couverture bleutée, graphiquement sobre et élégante.

L'auteur réunit dans un petit recueil de nouvelles ses plus beaux souvenirs d'enfance, la présence constante des poissons d'eau douce servant de fil conducteur. Ainsi, truites, carpes, barbeaux et anguilles accompagnent le lecteur tout au long de ces petites histoires tendres, drôles, émouvantes ou tragiques, nous rappelant que la vie est belle, mais aussi éphémère et cruelle.

« Cent fois j'ai voulu me tuer quand je n'en pouvais plus, mais je ne l'ai jamais fait. Dans mon subconscient, je voulais peut-être embrasser une fois encore la rivière sur la bouche et pêcher les poissons d'argent. La pêche m'avait appris la patience et les souvenirs m'aidaient à survivre. »

*
Ce n'est pas très courant de commencer une critique par l'épilogue, mais la lecture de ce petit livre apparaît sous un autre jour lorsque l'on apprend qu'Ota Pavel a écrit ses livres durant son internement pour des troubles bipolaires. Alors qu'il a l'intime conviction que le meilleur de sa vie est derrière lui, il écrit de courts textes sur sa jeunesse et son bonheur passé, retraçant une vie simple et heureuse dans une famille aimante, jusqu'à ce que la guerre éclate et que son pays soit envahi par l'armée allemande.

« Savoir se réjouir. Se réjouir de tout. Ne pas attendre que l'avenir nous apporte quelque chose d'essentiel, de vrai. Car il est fort probable que l'essentiel se produit à l'instant présent et que l'avenir ne nous apportera rien de plus beau. »

L'épilogue m'a particulièrement émue de part son honnêteté et son authenticité. Toutes ces petites tranches de vie confèrent une saveur bien différente, lumineuse, joyeuse, mais également intense, émouvante et douce-amère.

« Près de la rivière, j'ôte mes habits et je nage pour me purifier, comme les pêcheurs dans ce fleuve indien, le Gange. Je ne pense plus à rien. Parce que la rivière, ce n'est pas un ruisseau. La rivière, c'est le puits profond de l'oubli. »

*
Le lecteur découvre l'histoire de la famille Popper et à travers elle, celle de la Tchécoslovaquie qui endurera le nazisme, la violence et la haine envers les juifs, puis le communisme avec ses espoirs et ses désillusions.
Le narrateur nous présente sa famille, et en particulier son père, un juif extravagant, doux rêveur, tenace et sa mère, pleine de bon sens, aimante, bienveillante, gentiment ironique envers son mari.

« Notre maman déclara que seul papa pouvait inventer une connerie pareille, mais papa n'en tint aucun compte. Lorsque j'y repense aujourd'hui, je dois donner raison à papa, ce fut spécial et magnifique. »

Le récit, raconté à hauteur d'enfant, gagne en maturité à mesure que l'enfant grandit et prend conscience du monde qui l'entoure, mais le style faussement naïf et enjoué de l'auteur, teinté d'humour noir, révèle subtilement l'effondrement de son monde d'enfant au moment de l'envahissement de son pays par les nazis.
Certaines anecdotes prêtent à sourire, se concentrant sur ce père charmeur, un peu fou et vendeur d'exception. Mais notre regard amusé se voile aussi de tristesse. Les non-dits et les phrases imagées donnent une autre vision, plus douloureuse lorsque l'enfant comprend que le bonheur s'en est allé, que « son statut de juif » stigmatise et expose sa famille aux humiliations, aux persécutions.
La pêche revêt alors une importance vitale.

« Les anguilles seront donc comme un poème de nos meilleurs poètes tchèques. Elles engloberont la mer, la lune, la rivière, la mort. Et le soleil qu'elles détestent. »

*
Ota Pavel porte un regard salvateur et émerveillé sur la beauté de la nature. L'eau a ce pouvoir apaisant et réconfortant.
Le récit est ponctué de magnifiques descriptions des cours d'eau et des étangs que l'auteur aime par dessus tout.

« Ce ruisseau est beau comme un collier de perles ou une tiare de diamants. Il gargouille et court sans se presser en descendant une petite colline, par des forêts de sapins et des prairies multicolores où volent des abeilles rondelettes et sautent des sauterelles dodues. Son eau est celle d'une source cristalline et aux endroits où elle est basse, on voit les galets du fond, un sable blanc pur, les rochers et les racines des arbres. Des aulnes et des saules se penchent au-dessus des trous profonds. Et là, dans ces trous d'eau, entre les pierres et les racines, il y a les truites. »

« Je l'aimais tellement, qu'avant de me mettre à pêcher je ramassais son eau dans mes mains en coquille et je l'embrassais comme on embrasse une femme. »

Même si ces histoires ont pour toile de fond la nature, la pêche et la passion pour les poissons, il n'en demeure pas moins qu'elles touchent à la vie, la survie, la mort, la guerre, le devoir de mémoire, et la compassion.

« Parfois, assis près de la fenêtre à barreaux, je pêchais ainsi en souvenir et c'en était presque douloureux. Pour cesser d'aspirer à la liberté, il me fallait renoncer à la beauté et me dire que le monde était aussi plein de saleté, de dégoût et d'eau trouble. »

*
Ce roman m'a rappelé également de merveilleux souvenirs d'enfance.
Ce que je retiens, c'est l'amour de cet enfant pour son père un peu fantasque. Ce « génial papa » à l'imagination infinie va lui transmettre sa passion pour la pêche.

« L'homme voit le ciel, il jette un regard dans la forêt, mais il ne voit jamais au coeur d'une vraie rivière. Pour voir ce qui se passe dans une vraie rivière, il lui faut une canne à pêche. »

Je n'ai aucune connaissance de la pêche en eau douce, mais c'est avec mélancolie que j'ai suivi ce jeune enfant en admiration devant son père, tout comme moi lorsque petite, je suivais mon père à la pêche. Lui aussi posait des cordeaux à la nuit tombée et venait les relever au matin.
Enfant, je me rappelle avoir été partagée entre l'excitation de la prise, l'émerveillement de la robe des poissons et la tristesse de la mort de l'animal.

« Puis je lui transperçai vite la tête avec un couteau parce que même les êtres courageux paient parfois leurs erreurs de leur vie. Je le tuai parce que j'avais vu l'oncle Prosek et papa le faire, et eux l'avaient vu chez leurs aînés. Les nageoires puissantes retombèrent et le corps argenté aux allures de merveilleux long-courrier céleste perdit tout son éclat. »

Ce roman m'a rappelé le goût des anguilles que ma mère nous préparait avec une petite persillade.
Aujourd'hui, mon père ne pêche plus, ma mère n'est plus là.
Les rivières sont vides et comme le dit si bien l'auteur, il y a « beaucoup plus de pierres que de poissons ».

*
Pour conclure, j'ai été émue par l'écriture de l'auteur, poétique, légère, tendre, lumineuse, passionnée et si poignante et tragique à la fois, dans laquelle transparaissent malgré l'inhumanité de la guerre, l'empathie, une profonde humanité, le bonheur d'une vie de famille simple et les joies innocentes de l'enfance.
Ainsi les émotions du lecteur fluctuent entre l'amusement, la tristesse, le doute, la sérénité, la mélancolie.

Un beau roman, très court, qui se laisse savourer, au gré des parties de pêche. Sombre, triste, et l'instant d'après, lumineux.
Commenter  J’apprécie          3620
Né en 1930, Ota Pavel a surtout travaillé et écrit comme journaliste sportif. Après un épisode psychiatrique qui se déclenche en 1964 en Autriche, il sera diagnostiqué comme bipolaire et ferra un certain nombre de séjours dans des hôpitaux psychiatriques. Cela l'incitera à écrire, en particulier pour raconter son histoire et celle de sa famille, comme dans ce livre Comment j'ai rencontré les poissons .Composé de 20-30 chapitres, la plupart assez courts, il part de l'enfance de l'auteur, entre les deux guerres, et va jusqu'à sa maladie, et le besoin de raconter qu'elle a éveillée en lui. Ces différents chapitres ne sont pas forcément reliés les uns aux autres, même si dans l'ensemble, les textes suivent un ordre chronologiques, mais il s'agit plutôt de capter un instant, une anecdote, un personnage, une ambiance, avec souvent une chute qui fait que ces textes pourraient presque être lus séparément.

Le père de l'auteur occupe une grande place dans les différents récits. Représentant de commerce de génie, capable de vendre presque n'importe quoi à n'importe qui, dépensant son argent encore plus vite qu'il ne le gagne, il a ses caprices, ses obsessions. Et les poissons en font partie. C'est ainsi qu'il ferra découvrir la pêche à ses trois fils dès leur plus jeune âge. L'amour de la pêche, de la nature, occupera une grande place dans la vie d'Ota Pavel. Mais les magnifiques souvenirs de l'enfance de l'auteur prendront fin avec la deuxième guerre mondiale. L'arrivée des Allemands, la déportations du père juif et des deux frères aînés, les manques et privations, la confiscation des biens, seront des moments douloureux. L'arrivée du communisme avec ses absurdités donnera l'occasion à des scènes cocasses, même si en arrière fond on devine des aspects plus noirs.

Mais l'auteur a choisi le parti pris de l'humour malgré tout, dans toute noirceur, il y a toujours moyen de rire, même si c'est parfois un rire un peu désespéré. Cela donne un ton unique au livre, entre scènes drôlatiques et une sorte de poésie aussi, liée à l'enfance, à la nature, à une puissante envie de vivre et d'être heureux.

Un très beau livre, à découvrir absolument.
Commenter  J’apprécie          256
(...) J'ai adoré ce livre. L'écriture est, comme je l'ai déjà dit, très tendre, cruelle par moment mais toujours réaliste et frappante. Il reste assez difficile à décrire dans le sens où c'est un livre qui nous transporte poétiquement et que chacun doit apprécier seul cette expérience. Je le conseille à tous le monde. En plus, en l'achetant, vous aidez une petite maison bordelaise !
Lien : https://laviedevantjufr.word..
Commenter  J’apprécie          00
Pour échapper à l' angoisse qui l' étreint, Ota Pavel, célèbre écrivain tchèque, égrène ses souvenirs d' enfance.
Au fil des pages, domine la figure tutélaire de son père truculent et hâbleur, fin pécheur, habile vendeur et optimiste impénitent.
Un merveilleux livre où sourires et tendresse se perdent dans une nature éblouissante, parmi les ruisseaux argentés et les poissons convoités.
Un Pagnol tchèque qui gomme tragédie et effroi par de la drôlerie et de la poésie.
un récit superbe et émouvant pour commencer l' année en beauté.
Commenter  J’apprécie          70
"Oui, c'est le bouquin le plus antidépressif du monde" écrit Mariusz Szczygiel dans sa postface intitulée de la vie comme une fête.
"- Excusez-moi, madame, pourquoi m'avez-vous dit bonjour ?
- C'est parce que je ne suis pas d'ici, répondit-elle.
- Vraiment ? fis-je, décontenancé.
- Je suis arrivée ce matin de Prague pour rendre visite à ma fille et à mon gendre, m'explique-t-elle avec précision.
- Mais puisque vous n'êtes pas d'ici, repris-je, pourquoi alors dire bonjour aux gens ?
- Eh bien, justement, parce que j'aimerais être d'ici."

Le lecteur aussi, une fois sa lecture terminée, alors que des larmes coulent sur ses joues, de bonheur et de tristesse à la fois, aimerait habiter dans le pays d'Ota Pavel et pécher le brocher en appâtant avec des perches, dans la rivière Berounka, aux côtés de son père.


Lien : https://camalonga.wordpress...
Commenter  J’apprécie          4112




Lecteurs (485) Voir plus



Quiz Voir plus

Comment j'ai rencontré les poissons

« Tout comme les nuages, la rivière passait par des lieux où nous avions connu le bonheur. » Quel est le nom de la rivière dont parle l’auteur ?

Krivoklat
Skrivan
Berounka
Nechleba

10 questions
4 lecteurs ont répondu
Thème : Comment j'ai rencontré les poissons de Ota PavelCréer un quiz sur ce livre

{* *}