AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,82

sur 202 notes
5
26 avis
4
23 avis
3
2 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Ce livre, je l'ai offert à vingt-quatre personnes.Parmi lesquelles un policier, une femme de ménage, une enseignante......Tous ont été sur le choc."Oui, c'est le bouquin le plus antidépressif du monde " ont-ils déclaré.", écrit Mariusz Szczygiel, écrivain polonais, dans sa préface à ce livre, qui est un de ses préférés. Et j'en dirais autant.

Largement autobiographique, Ota Pavel avec le regard de l'enfance et plus tard, celui du jeune homme qu'il deviendra, se souvient de son père génial ,représentant de commerce ( "capable de vendre un aspirateur dans un village sans courant électrique") et passionné de pêche. "Papa avait bien d'autres préoccupations. Au premier rang se trouvaient le commerce et les poissons ", la passion des poissons devançant souvent celle du commerce.Un père fascinant qui ne s'arrête devant aucune extravagance pour arriver à ses fins. Il achètera même un étang pour avoir ses propres carpes.....À travers divers anecdotes, racontées plus ou moins chronologiquement, où les poissons sont souvent les stars ( et quelles stars ! carpes dorées comme du laiton,avec un ventre jaune de brasseur, repu de drêches / chevaines argentés / barbeaux noirs et argent / perches d'un vert olivacé, rayé de couleur sombre / silure avec des moustaches et de petits yeux mystérieux / truites sorties de l'eau, pareille à des brioches......), il nous relate leur vie d'antan, une vie qui va lentement basculer dans le drame avec l'arrivée de Hitler et de l'Holocauste. La Tchécoslovaquie est envahie par les Allemands, et ils sont juifs........la guerre terminée , l'arrivée du communisme sera loin d'être une bouée de secours.
Pavel adoucit le tragique avec beaucoup d'humour, de tendresse et de poésie. Même dans le désespoir, il nous réchauffe le coeur avec un geste humain, des descriptions grandioses de la nature et un trait d'humour..........jubilatoire ! On rit et on sourit beaucoup, et dire qu'il les a écrit en plein état dépressif grave !


Ce classique de la littérature tchèque publié dans son pays en 1971, vient d'être réédité par une maison d'édition indépendante, réunissant un certain nombre d'histoires de deux recueils différents publiés dans leur langue originale, dont l'ordre a été choisi par la traductrice.Le résultat est superbe, avec un épilogue plus qu'émouvant. Je l'ai découvert par pur hasard, séduite par son titre et sa magnifique couverture. le vrai coup de coeur est arrivé par la suite. C'est une de mes plus belles rencontres littéraires !
Pour vous faire succomber, une dernière tentative : "Une lecture physiquement contagieuse qui produit des bulles de joie", ce n'est pas moi qui le dit, c'est Erri de Luca sur la quatrième de couverture.
Commenter  J’apprécie          9115
Bookycooky, où se trouve ton filon de pépites d'or ? Celui-ci est même un diamant que tu m'as conseillé. Il correspond à tout ce que j'aime et j'y retrouve un peu mes auteurs favoris dans Ota Pavel. Un mélange de Fanté pour la tendresse de l'enfance, de Abbey pour la nature, de Harrison pour la pêche, de Bobin et Frégni pour l'amour de la nature, et bien d'autres encore. le narrateur est un jeune garçon qui nous conte, par rubriques, son enfance et surtout les péripéties de son père, pêcheur amoureux des carpes et de ... Il est même capable de vendre des aspirateurs dans des lieux sans électricité, trop fort le papa ! Voir la critique de Bookycooky, qui a tellement tout bien dit. Qu'ajouter ? A lire, à faire lire, à offrir, à dérober. Comme le dit Mariusz Szczygiel : « le livre le plus antidépressif du monde. »
Commenter  J’apprécie          488
« Tandis que je mourais là-bas à petit feu, je voyais surtout cette rivière qui comptait plus que tout dans ma vie et que je chérissais. Je l'aimais tellement, qu'avant de me mettre à pêcher je ramassais son eau dans mes mains en coquille et je l'embrassais comme on embrasse une femme. »

Je referme ce livre, Comment j'ai rencontré les poissons, et j'entends encore couler dans l'âme de son écrivain Ota Pavel, le chant merveilleux et nostalgique d'une rivière qui a compté plus que tout dans sa vie.
Ce livre rassemble de joyeuses et poignantes histoires qui tournent souvent autour de la pêche à la carpe, à la truite, à l'anguille... Mais toutes ces histoires truculentes et touchantes forment un beau prétexte pour l'auteur de nous parler de son père pour lequel il a toujours éprouvé une profonde admiration. Ah ! Parlons de son père, ce représentant de commerce d'une célèbre marque d'aspirateur, homme volage par nature qui aspirait sans cesse à un désir de liberté, que son épouse et mère de trois enfants n'a jamais cessé de rechercher à chacune de ses impossibles escapades amoureuses...
La légende familiale dit qu'il aurait même vendu des aspirateurs dans un village tchécoslovaque non relié à l'électricité.
La légende familiale dit que sa femme qui l'aimait, - et qu'il aimait, ne cessait de lui pardonner ses échappées amoureuses, peut-être parce qu'elle savait consciemment ou inconsciemment qu'elles étaient vaines...
En apparence, nous sommes invités à de fameuses parties de pêche à la hauteur d'un enfant avec toute la tendresse et la gouaille que cela convoque, mais si l'on regarde un peu plus loin le paysage en toile de fond en cette veille de seconde guerre mondiale, on entend déjà le bruit de la barbarie à visage humain, l'antisémitisme qui grimpe dans cette Europe centrale, ici à Prague ou ailleurs... Oui, il faut le dire, les Popper, - c'était le vrai nom de la famille de l'auteur, sont juifs et les chroniques qui nous sont ici partagées par Ota Pavel ne manquent pas d'évoquer ce contexte douloureux.
Cette tragédie traverse ces chroniques puisque le père et les deux frères de l'écrivain seront déportés au camp de concentration de Terezín, d'où ils reviendront vivants, les parties de pêche pourront enfin recommencer. J'ironise, mais je pense sincèrement que cette passion partagée dans la famille, en particulier entre un père et son fils, fut un bel antidote à la barbarie nazie qui avait tenté d'anéantir l'humanité.
Une des histoires qui m'a le plus touché est peut-être celle qui invite un gardien de pêche un peu bancal mais fin limier, sorte de Quasimodo des rivières... Elle convie toute l'espérance inattendue qui surgit au dernier moment, celui qu'on n'attend plus...
Une autre barbarie les attendait au lendemain de la guerre, plus pernicieuse, celle du communisme qui avait la volonté d'apporter le bien à tout un peuple. Plus tard les Juifs seront de nouveau des boucs émissaires désignés par le régime totalitaire en place.
Mais ce régime tout aussi intrusif qu'il est, - qui continue de l'être sous une autre bannière, non plus sur ce territoire vaste de l'Union Soviétique mais désormais cantonné à la seule Russie de Poutine, n'aura jamais de prise sur la jubilation folle d'une partie de pêche ni sur la nature enchanteresse qui accueille ce bonheur. Non, ils n'ont jamais réussi à voler cela. Ils ne le voleront jamais.
Ota Pavel a un sens inouï de la narration, il sait nous raconter des histoires, j'avais l'impression à chaque instant d'être à ses côtés au bord de cette rivière, à l'intérieur des forêts, à la lisière d'un rêve protégé du reste du monde.
Je vous avoue avoir pleuré à la fin de ma lecture, je ne saurais dire pourquoi, ne me le demandez pas, je déteste pourtant la pêche... Peut-être que je pense tout simplement à mon Papa ce soir, qui sait...?

♫ Si l'on ne voit pas pleurer les poissons
Qui sont dans l'eau profonde ♪
C'est que jamais quand ils sont polissons
♫ Leur maman ne les gronde
Quand ils s'oublient à faire pipi au lit
Ou bien sur leurs chaussettes ♪
Ou à cracher comme des pas polis ♪
Elle reste muette
♫ La maman des poissons elle est bien gentille
Elle ne leur fait jamais la vie ♪
♫ Ne leur fait jamais de tartine
Ils mangent quand ils ont envie ♪
♫ Et quand ça a dîné ça redîne
Commenter  J’apprécie          4730
Classique de la littérature tchèque, ce livre est rempli d'histoires poignantes, drôles aussi, avec toute la sensibilité et la tendresse qui caractérisent cette famille.
Ces courtes histoires retracent la vie d'un homme qui se souvient de son père. Aux yeux de l'enfant, il est héroïque, avec des idées parfois loufoques. Ce père est très fort car il réussit même à vendre des aspirateurs dans des villages où le courant électrique n'est pas encore installé. Son fils l'admire beaucoup.
A travers ses histoires, il y a également la réalité qui apparaît en toile de fond. Ainsi, nous suivons les événements majeurs qui ont marqués l'histoire de l'Europe centrale au XXe siècle. Mais même dans les moments les plus difficiles, il y a une solidarité, une union entre eux et ceux qui les entourent.

Récit autobiographique où se mêle des parties de pêche mémorables, la vie quotidienne d'une famille, les aléas de la vie et les événements tragiques de l'histoire.
J'ai littéralement adoré ce livre découvert par hasard sur un rayonnage d'une médiathèque. La couverture m'a séduite, le titre m'a intrigué. Il ne m'en fallait pas plus. En choisissant ce livre, je me suis engagée dans une partie de pêche qui m'a entraînée dans un moment de sérénité.

Excellente découverte, je ne peux que vous le conseiller. Allez-y les yeux fermés et laissez vous guider par le courant de la rivière où les poissons nagent.
Commenter  J’apprécie          442
"Oui, c'est le bouquin le plus antidépressif du monde" écrit Mariusz Szczygiel dans sa postface intitulée de la vie comme une fête.
"- Excusez-moi, madame, pourquoi m'avez-vous dit bonjour ?
- C'est parce que je ne suis pas d'ici, répondit-elle.
- Vraiment ? fis-je, décontenancé.
- Je suis arrivée ce matin de Prague pour rendre visite à ma fille et à mon gendre, m'explique-t-elle avec précision.
- Mais puisque vous n'êtes pas d'ici, repris-je, pourquoi alors dire bonjour aux gens ?
- Eh bien, justement, parce que j'aimerais être d'ici."

Le lecteur aussi, une fois sa lecture terminée, alors que des larmes coulent sur ses joues, de bonheur et de tristesse à la fois, aimerait habiter dans le pays d'Ota Pavel et pécher le brocher en appâtant avec des perches, dans la rivière Berounka, aux côtés de son père.


Lien : https://camalonga.wordpress...
Commenter  J’apprécie          4112
De poissons, ce livre n'en manque pas. Des brochets gros comme des crocodiles, des vairons aux corps marbrés, des ablettes argentées, des carpes dorées comme du laiton, des chevaines des anguilles, et autres barbeaux musculeux. Ils sont le fil rouge de ces mémoires, comme une toile de fond, chaque récit de pêche ainsi rattaché à un souvenir.

Je dois vous avouer un truc : la pêche ne fait pas partie de mes loisirs habituels, même pas de mes loisirs occasionnels, et pourtant, jamais je ne me suis ennuyée…
Il y a un charme fou dans la plume d'Ota Pavel, mélange parfait de nostalgie parfois cruelle et d'envolées poétiques, de tendresse infinie et de fantaisie galopante , capable dans la même phrase de vous arracher un sourire et de vous serrer le coeur.


À chaque chapitre, une anecdote. Certaines joyeuses et légères, celles remontant à la prime enfance. D'autres cruelles et touchantes, celles où la guerre a fait irruption dans l'enfance où bien celles qui retracent les désillusions post-révolution communiste…
Ce n'est pas juste une histoire, c'est la vie que nous conte Ota Pavel, une ode à la nature et à la vie dans tout ce qu'elle peut avoir de magnifique et d'absurde, de flamboyant et de trivial.

Challenge Multi-défis 2017
Commenter  J’apprécie          380
Envie de poursuivre mes lectures estivales avec un roman proche de la nature. Mon choix s'est immédiatement fixé sur ce joli petit livre du tchèque Ota Pavel, attirée par son titre poétique et la magnifique couverture bleutée, graphiquement sobre et élégante.

L'auteur réunit dans un petit recueil de nouvelles ses plus beaux souvenirs d'enfance, la présence constante des poissons d'eau douce servant de fil conducteur. Ainsi, truites, carpes, barbeaux et anguilles accompagnent le lecteur tout au long de ces petites histoires tendres, drôles, émouvantes ou tragiques, nous rappelant que la vie est belle, mais aussi éphémère et cruelle.

« Cent fois j'ai voulu me tuer quand je n'en pouvais plus, mais je ne l'ai jamais fait. Dans mon subconscient, je voulais peut-être embrasser une fois encore la rivière sur la bouche et pêcher les poissons d'argent. La pêche m'avait appris la patience et les souvenirs m'aidaient à survivre. »

*
Ce n'est pas très courant de commencer une critique par l'épilogue, mais la lecture de ce petit livre apparaît sous un autre jour lorsque l'on apprend qu'Ota Pavel a écrit ses livres durant son internement pour des troubles bipolaires. Alors qu'il a l'intime conviction que le meilleur de sa vie est derrière lui, il écrit de courts textes sur sa jeunesse et son bonheur passé, retraçant une vie simple et heureuse dans une famille aimante, jusqu'à ce que la guerre éclate et que son pays soit envahi par l'armée allemande.

« Savoir se réjouir. Se réjouir de tout. Ne pas attendre que l'avenir nous apporte quelque chose d'essentiel, de vrai. Car il est fort probable que l'essentiel se produit à l'instant présent et que l'avenir ne nous apportera rien de plus beau. »

L'épilogue m'a particulièrement émue de part son honnêteté et son authenticité. Toutes ces petites tranches de vie confèrent une saveur bien différente, lumineuse, joyeuse, mais également intense, émouvante et douce-amère.

« Près de la rivière, j'ôte mes habits et je nage pour me purifier, comme les pêcheurs dans ce fleuve indien, le Gange. Je ne pense plus à rien. Parce que la rivière, ce n'est pas un ruisseau. La rivière, c'est le puits profond de l'oubli. »

*
Le lecteur découvre l'histoire de la famille Popper et à travers elle, celle de la Tchécoslovaquie qui endurera le nazisme, la violence et la haine envers les juifs, puis le communisme avec ses espoirs et ses désillusions.
Le narrateur nous présente sa famille, et en particulier son père, un juif extravagant, doux rêveur, tenace et sa mère, pleine de bon sens, aimante, bienveillante, gentiment ironique envers son mari.

« Notre maman déclara que seul papa pouvait inventer une connerie pareille, mais papa n'en tint aucun compte. Lorsque j'y repense aujourd'hui, je dois donner raison à papa, ce fut spécial et magnifique. »

Le récit, raconté à hauteur d'enfant, gagne en maturité à mesure que l'enfant grandit et prend conscience du monde qui l'entoure, mais le style faussement naïf et enjoué de l'auteur, teinté d'humour noir, révèle subtilement l'effondrement de son monde d'enfant au moment de l'envahissement de son pays par les nazis.
Certaines anecdotes prêtent à sourire, se concentrant sur ce père charmeur, un peu fou et vendeur d'exception. Mais notre regard amusé se voile aussi de tristesse. Les non-dits et les phrases imagées donnent une autre vision, plus douloureuse lorsque l'enfant comprend que le bonheur s'en est allé, que « son statut de juif » stigmatise et expose sa famille aux humiliations, aux persécutions.
La pêche revêt alors une importance vitale.

« Les anguilles seront donc comme un poème de nos meilleurs poètes tchèques. Elles engloberont la mer, la lune, la rivière, la mort. Et le soleil qu'elles détestent. »

*
Ota Pavel porte un regard salvateur et émerveillé sur la beauté de la nature. L'eau a ce pouvoir apaisant et réconfortant.
Le récit est ponctué de magnifiques descriptions des cours d'eau et des étangs que l'auteur aime par dessus tout.

« Ce ruisseau est beau comme un collier de perles ou une tiare de diamants. Il gargouille et court sans se presser en descendant une petite colline, par des forêts de sapins et des prairies multicolores où volent des abeilles rondelettes et sautent des sauterelles dodues. Son eau est celle d'une source cristalline et aux endroits où elle est basse, on voit les galets du fond, un sable blanc pur, les rochers et les racines des arbres. Des aulnes et des saules se penchent au-dessus des trous profonds. Et là, dans ces trous d'eau, entre les pierres et les racines, il y a les truites. »

« Je l'aimais tellement, qu'avant de me mettre à pêcher je ramassais son eau dans mes mains en coquille et je l'embrassais comme on embrasse une femme. »

Même si ces histoires ont pour toile de fond la nature, la pêche et la passion pour les poissons, il n'en demeure pas moins qu'elles touchent à la vie, la survie, la mort, la guerre, le devoir de mémoire, et la compassion.

« Parfois, assis près de la fenêtre à barreaux, je pêchais ainsi en souvenir et c'en était presque douloureux. Pour cesser d'aspirer à la liberté, il me fallait renoncer à la beauté et me dire que le monde était aussi plein de saleté, de dégoût et d'eau trouble. »

*
Ce roman m'a rappelé également de merveilleux souvenirs d'enfance.
Ce que je retiens, c'est l'amour de cet enfant pour son père un peu fantasque. Ce « génial papa » à l'imagination infinie va lui transmettre sa passion pour la pêche.

« L'homme voit le ciel, il jette un regard dans la forêt, mais il ne voit jamais au coeur d'une vraie rivière. Pour voir ce qui se passe dans une vraie rivière, il lui faut une canne à pêche. »

Je n'ai aucune connaissance de la pêche en eau douce, mais c'est avec mélancolie que j'ai suivi ce jeune enfant en admiration devant son père, tout comme moi lorsque petite, je suivais mon père à la pêche. Lui aussi posait des cordeaux à la nuit tombée et venait les relever au matin.
Enfant, je me rappelle avoir été partagée entre l'excitation de la prise, l'émerveillement de la robe des poissons et la tristesse de la mort de l'animal.

« Puis je lui transperçai vite la tête avec un couteau parce que même les êtres courageux paient parfois leurs erreurs de leur vie. Je le tuai parce que j'avais vu l'oncle Prosek et papa le faire, et eux l'avaient vu chez leurs aînés. Les nageoires puissantes retombèrent et le corps argenté aux allures de merveilleux long-courrier céleste perdit tout son éclat. »

Ce roman m'a rappelé le goût des anguilles que ma mère nous préparait avec une petite persillade.
Aujourd'hui, mon père ne pêche plus, ma mère n'est plus là.
Les rivières sont vides et comme le dit si bien l'auteur, il y a « beaucoup plus de pierres que de poissons ».

*
Pour conclure, j'ai été émue par l'écriture de l'auteur, poétique, légère, tendre, lumineuse, passionnée et si poignante et tragique à la fois, dans laquelle transparaissent malgré l'inhumanité de la guerre, l'empathie, une profonde humanité, le bonheur d'une vie de famille simple et les joies innocentes de l'enfance.
Ainsi les émotions du lecteur fluctuent entre l'amusement, la tristesse, le doute, la sérénité, la mélancolie.

Un beau roman, très court, qui se laisse savourer, au gré des parties de pêche. Sombre, triste, et l'instant d'après, lumineux.
Commenter  J’apprécie          3620
Après quelques lectures un peu moribondes, enfin un livre bien !
Un livre "sine qua non", si vous voulez passer votre bac en République Tchèque - on commence à lire par obligation et on finit par pur plaisir.
Je l'ai acheté (en valeur sûre) comme cadeau de Noël, et je n'ai pas résisté à la tentation de la relecture....toujours aussi bien, même avec des lunettes, maintenant !


La version française est, en fait, un mélange de deux livres autobiographiques d'Ota Pavel - "Comment j'ai rencontré les poissons" et "La mort des beaux chevreuils"; mais, je dois l'avouer, un mélange plutôt habile.

le livre retrace l'enfance de notre narrateur, le petit Otto Popper, qui grandit avec ses deux frères, sa jolie maman, Hermina, et son excellent papa d'origine juive, Leo.
Ah, ce papa ! Un homme qui croit tellement à la vie que rien ne le décourage; ni les boulots ingrats, ni la guerre, ni l'avènement du communisme. Et tout ça, parce qu'il a sa rivière, ses étangs, ses poissons.
Et Ota Pavel a un don de décrire cette passion avec des mots qui vous donnent envie d'enfiler vos bottes et courir à la pêche... même si vous savez que parfois ça ne mords pas et l'étang peut être vide ! Les forêts autour du château de Krivoklat, les ruisseaux, les troquets en plein milieu de la forêt pour les citadins qui font leur "tramping" le dimanche. La cabane de l'oncle Prosek. Holan, le chien qui braconne. Les étangs, la vieille carpe "qui sait"....

Une de mes parties préférées reste l'histoire du peintre qui "ne veut pas faire le portrait de madame Irma" - c'est surtout par rapport au vieux film tchèque (Smrt krasnych srncu) où ledit peintre est juste excellent...
Et "Des carpes pour la Wehrmacht" ! Cette histoire d'un petit garçon réveillé au milieu de la nuit glaciale par son papa, pour aller vider toutes les carpes de l'étang (qui appartient désormais aux nazis) est tellement....irréelle, aventureuse ? Aucun souci pour les revendre ensuite; la carpe, avec cette fameuse salade de pommes de terre est un plat de Noël traditionnel tchèque depuis le moyen-âge quand la pisciculture est devenue, en quelque sorte, un sport national... Achetée, si possible, vivante, votre carpe passe deux, trois jours au fond de la baignoire (pour le plus grand bonheur des enfants) pour être tuée (oh, les souvenirs - "...je ne peux pas, va chercher mémé !") le matin de Noël.

La guerre finie Otto est témoin de l'enthousiasme de son père pour le communisme - et de sa déception. Les années passent, Otto devient un rédacteur sportif, toujours en train de s'échapper vers sa rivière et ses poissons. Jusqu'au moment où sa maladie, une psychose maniaco-dépressive, arrive.
Difficile à croire que ses deux livres sont écrits dans un asile psychiatrique.
Ota Pavel ne s'en est jamais remis. Mort en 1973, il est l'auteur d'une dizaine de livres pleins d'optimisme et d'amour pour la nature.
Commenter  J’apprécie          3216
« le livre le plus antidépressif du monde. »
C'est comme cela que ce livre est qualifié dans la préface de Mariusz Szczygiel, auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la République tchèque !
Et Erri de Luca de surenchérir en disant que c'est « Une lecture physiquement contagieuse qui produit des bulles de joie sous la peau. »
Vous comprendrez que je ne voulais pas manquer ça ! de plus, aimant beaucoup l'écriture d'Erri de Luca et de plusieurs auteurs tchèques, ça tombait bien !

Pourquoi ce titre « comment j'ai rencontré les poissons » ? Parce que le père de l'auteur adorait l'eau, la pêche, les poissons. « Il nourrissait ses carpes comme il l'aurait fait pour des poules »,
Les carpes sont ses « soeurettes aux yeux dorés ».
« L'apogée de son amour des poissons fut sa décision de nous acheter un étang à carpes. »

Ce sont les souvenirs d'enfance de l'auteur, Ota Pavel, qui nous sont contés dans ce livre.
D'emblée, on comprend qu'il a une grande admiration pour son père, qui, bien que peu cultivé, réussit dans la vie avec son bagout et ses qualités de bon communicant.
En effet, son père excelle dans la vente d'aspirateurs et de réfrigérateurs de la grande marque suédoise Electrolux ! Papa était « né pour vendre, comme il y a mille ans un guerrier était né pour tuer ». C'est un vrai champion de la vente !
Mais il est attiré par les jolies femmes, et cela lui jouera parfois de mauvais tours, en particulier quand il s'agit de la femme de son propre directeur !

Néanmoins, très débrouillard, il arrivera à plusieurs reprises à se sortir de galères, et à rebondir, car il ne manque ni de volonté, ni de courage ! Il vendra même des attrape-mouches, pensant qu'il deviendra riche comme Crésus ! Il faut dire qu'il met souvent la charrue avant les boeufs, et réagit comme un gamin !

C'est un braconnier, Prosek, qui va l'initier à la pêche ! Très doué, il a le don de savoir attraper toutes sortes de poissons. « Prosek, le rustre était du goût de papa, qui avait passé sa vie à dire que les gens raffinés ne valaient pas un pet. »
Ota Pavel sait décrire et se moquer des personnes riches et superficielles.
C'est ce même Prosek qui confectionnera de façon rudimentaire, de ses mains, la 1re canne à pêche du jeune Ota avec laquelle il attrapera son 1er poisson !
Et ce Prosek appelle le jeune Ota, du nom de « cucul » ! Autant vous dire que ces souvenirs d'enfance sont délicieusement contés de façon bien truculente parfois.
Et donc, le père et le fils auront en commun le virus de la pêche !

On nage dans le bonheur en s'immergeant avec le narrateur dans cette nature paisible où il fait bon vivre et respirer les bonnes odeurs du terroir, « cette vieille ferme où ça sentait bon le pain cuit au four et où on barattait le beurre à la maison ».
On y déguste des poissons confis au vinaigre et aux oignons, de la viande de chevreuil marinée, de la soupe de tripes… j'en passe et des meilleurs ! Bref, on s'en lèche les babines !
Ce que la cuisine tchèque donne envie !

Certaines parties sont plus graves, et ramènent à la triste réalité historique.
L'auteur se souvient de la 2e guerre mondiale… Un garde-champêtre annonce le Protectorat de Bohème et Moravie. le danger et la surveillance nazies s'installent… peurs, perquisitions, délations du voisinage… Etant juif, le père d'Ota n'a plus le droit de quitter sa résidence sans autorisation !
Il se trouve alors privé de la pêche, de cette passion addictive qui le démange !
Il est humilié, mais ne baisse pas les bras. Il est courageux et rusé… Il faut bien quand même qu'il nourrisse sa famille ! Il trouvera de l'aide de la part de personnes inattendues…

Ce livre est comme les tiroirs d'une commode que l'on ouvre tour à tour, et où l'on découvre petit à petit les différents souvenirs d'enfance de l'auteur … Chaque partie est écrite comme une fable avec une morale et une conclusion parfois inattendue…
Selon les différents récits, le ton est nostalgique et poétique, mais aussi amusant et enjoué.

Vous en sortirez enrichi de pleins de connaissances.
Vous apprendrez qui sont les « Patzoufracks », et ce que signifie « Pumprdentlich », et la liste est loin d'être exhaustive !

Tout cela est écrit avec les mots et la naïveté de l'enfant qui porte un regard ébloui et admiratif sur les adultes qui l'entourent.
C'est un bel hommage rendu aux êtres aimés, et aux liens familiaux.

Bon, excusez-moi, j'arrête là, je m'en vais marcher sur les pas d'Ota Pavel en Tchéquie aux alentours de Krivoklat !
Commenter  J’apprécie          2617
Né en 1930, Ota Pavel a surtout travaillé et écrit comme journaliste sportif. Après un épisode psychiatrique qui se déclenche en 1964 en Autriche, il sera diagnostiqué comme bipolaire et ferra un certain nombre de séjours dans des hôpitaux psychiatriques. Cela l'incitera à écrire, en particulier pour raconter son histoire et celle de sa famille, comme dans ce livre Comment j'ai rencontré les poissons .Composé de 20-30 chapitres, la plupart assez courts, il part de l'enfance de l'auteur, entre les deux guerres, et va jusqu'à sa maladie, et le besoin de raconter qu'elle a éveillée en lui. Ces différents chapitres ne sont pas forcément reliés les uns aux autres, même si dans l'ensemble, les textes suivent un ordre chronologiques, mais il s'agit plutôt de capter un instant, une anecdote, un personnage, une ambiance, avec souvent une chute qui fait que ces textes pourraient presque être lus séparément.

Le père de l'auteur occupe une grande place dans les différents récits. Représentant de commerce de génie, capable de vendre presque n'importe quoi à n'importe qui, dépensant son argent encore plus vite qu'il ne le gagne, il a ses caprices, ses obsessions. Et les poissons en font partie. C'est ainsi qu'il ferra découvrir la pêche à ses trois fils dès leur plus jeune âge. L'amour de la pêche, de la nature, occupera une grande place dans la vie d'Ota Pavel. Mais les magnifiques souvenirs de l'enfance de l'auteur prendront fin avec la deuxième guerre mondiale. L'arrivée des Allemands, la déportations du père juif et des deux frères aînés, les manques et privations, la confiscation des biens, seront des moments douloureux. L'arrivée du communisme avec ses absurdités donnera l'occasion à des scènes cocasses, même si en arrière fond on devine des aspects plus noirs.

Mais l'auteur a choisi le parti pris de l'humour malgré tout, dans toute noirceur, il y a toujours moyen de rire, même si c'est parfois un rire un peu désespéré. Cela donne un ton unique au livre, entre scènes drôlatiques et une sorte de poésie aussi, liée à l'enfance, à la nature, à une puissante envie de vivre et d'être heureux.

Un très beau livre, à découvrir absolument.
Commenter  J’apprécie          256




Lecteurs (480) Voir plus



Quiz Voir plus

Comment j'ai rencontré les poissons

« Tout comme les nuages, la rivière passait par des lieux où nous avions connu le bonheur. » Quel est le nom de la rivière dont parle l’auteur ?

Krivoklat
Skrivan
Berounka
Nechleba

10 questions
4 lecteurs ont répondu
Thème : Comment j'ai rencontré les poissons de Ota PavelCréer un quiz sur ce livre

{* *}