Abdallah rigole, il sourit encore en évoquant "la Mosquée des chrétiens", à Marseille. Notre-Dame-de-la-Garde, ils y sont allés, pour voir. Étonnés de pouvoir y entrer à l'heure de la messe, et contents.
- J'ai fait le signe de croix, en respect.
Il me montre, geste esquissé.
- Abdallah, on vous aura pris pour un orthodoxe, ils le font comme vous, de droite à gauche. Les catholiques se signent dans l'autre sens.
Je le fais à mon tour et nous voilà tout drôles, lui le musulman, moi l'agnostique.
Au coin des rues, Dieu a la douceur d'une datte et le parfum du thé.
Puteaux. Il y a Cahuzac, le boucher, dont la mère tient la caisse, et le commis plutôt mal la bouteille. Il y a Détournay, le fromager, madame Delépine, la tripière et son étal qui évoque une table de dissection. Madame Turquetil, marchande de radios, lampes à pieds, suspensions, ampoules, tourne-disques et microsillons. Il y a les Conjour, épiciers crémiers dont la boutique, « ma ferme », évoque un passé rural, et le lait en bidon une chanson de Charles Trenet...
Sur la couverture du dico, une femme qui ressemblait à la Dame du lac soufflait le savoir aux quatre vents. J'en ai reçu ce que j'ai pu, j'ai toujours aimé le vent.
Puteaux. Il y a Cahuzac, le boucher, dont la mère tient la caisse, et le commis plutôt mal la bouteille.
Rue Barbès, un canapé. Pas vilain. Un gros convertible en Skaï vert bronze, ventru, les formes propices à l'engourdissement. Confortable, avec ce relâché accueillant qui appelle la mollesse. Le temps est à l'hiver, on a choisi un Maigret dans la bibliothèque, du chocolat à portée de main. On s'allongera pour lire. Le darjeeling infusera à l'heure du thé et le malt donnera au soir venu la senteur tournée des bruyères. La journée sera langueur angora, vieux jean et pull d'Irlande.