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Citations sur Tranchecaille (16)

Villemoye, Aisne, zone du front
30 juin 1917

- Qu'est-ce qu'il a dit ?
- Je ne suis pas certain d'avoir compris...
- Quelque chose comme "ça fait mal quand on meurt"...
- Je crois qu'il posait la question.
- Ca fait mal quand on meurt ?
- Oui, c'est cela, il demandait.
- Je n'ai pas entendu. Mon Dieu, avec le bruit de la pluie, je n'ai pas entendu...
- Cela n'aurait rien changé.
- Personne ne lui a répondu...
- A présent, il sait.

(Incipit)
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J'ai plus mal.
J'ai perdu tant de sang.
Je suis vidé. Mon sac est léger.
J'ai plus mal et je fiche mon camp.
Dans les jardins d'mon père, les lilas sont fleuris...
Je rentre à la maison.
C'est moi, là.
Petit bonhomme qui part.
Loin... Loin...
Salut, les gars. Au revoir, à tertous !
Je mets les bouts.
Adieu les frangins.
Plus mal.
Plus de fusil.
Plus de sang.
C'est bien fini, et pour toujours, de cette guerre infâme.
Vous bilez pas. Laissez filer.
Je glisse entre vos doigts.
Je suis l'eau qui coule.
Doucement, doucement.
Vers la mer.
Doucement.
Je m'en retourne.
A la lumière...
...
...
...
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Du sol labouré montent des pleurs, des appels et des sanglots. C'est le concert des moribonds. La fanfare désaccordée. Le requiem des qui veulent pas clamser. Avec les reprises en choeur et les râles en canon.
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- Pilleur de tombe, à présent. Vous ne respectez donc rien ? Ni l'uniforme que vous portez, ni le repos des morts...
- ...
- Vous souriez ?
- Pardonnez, mon capitaine, c'est le repos des morts...
- Eh bien, qu'y a-t-il ?
- On s'occupe pas tant des vivants.
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Dans le grand silence qu'est celui de l'aube, quand le canon a fermé sa gueule, les plaintes montaient de partout, comme si la terre geignait. Les infirmiers savaient plus où donner de la civière. Nous, on était moins pressés. Les mortibus ont pas le feu au derche. Dans ces moments-là, on ramasse ce qu'on peut, d'abord les moins amochés. Les morceaux, moi je les laisse. Chacun sa manière. J'en connais qui ramènent que les bouts, c'est moins lourd à charrier. Je discute pas, mais, un cadavre complet, ça fait mal au cœur de le laisser pourrir. Je voudrais pas qu'on abandonne ma carcasse toute seule. J'aurais l'impression de mourir deux fois. C'est idiot, non ? Et puis, sans être cul-bénit, on sait pas ce qu'il y a de l'autre côté. La résurrection de la chair et la vie éternelle, amen, tout ça vous trotte dans le ciboulot. On gamberge, on se dit qu'on a peut-être plus de chances de ressusciter entier... Dame, vous voyez un bras ou un tronc frapper chez saint Pierre ? Il serait bien emmerdé pour en faire quelque chose. Le paradis, c'est pas un magasin de pièces détachées.
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Ce qu'ils ont vu ici, ils n'en parleront jamais parce qu'on n'a pas forgé les mots pour ça. [...] On n'accroche pas l'horreur au porte-manteau comme un paletot. Elle s'incruste dans la peau.
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Le lieutenant, on l'a trouvé en ramassant les morts, Émile et moi. C'était pas beau à voir, là-dedans. Ils étaient trois dans le trou d'obus.
Emmêlés comme des pantins au fond d'une malle a dit Émile en les retournant.
Émile, il est marionnettiste, dans le civil. Vous savez, ainsi font, font, font... Ceux-là, ils avaient fini leurs trois petits tours. Les deux du dessous étaient déjà bien bouffés par les rats. Des gaillards gros et gras, dégueulasses, nourris à la chair de poilus. Ils s'en étaient donné à cœur joie, les saloperies...
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Les poilus ont bondi dans la tranchée allemande.Tu grimpes à ton tour. Tu es sorti du trou.Un élan, un bond ! On s'étripe. Feu ! Tirez ! Bout portant. Piquez ! Dans le mou ! C'est de l'abdomen, du ventre à choucroute. Tu touilles dedans. Pique encore. Perce. Pas de pitié. Pas de prisonnier. Rosalie fouille du bide. C'est bon, tas de salauds? Elle est plantée profond. Jusqu'au manche. Le canon, faudra qu'il rentre aussi. Je veux le voir sortir de l'autre côté. Han ! À la broche, mon poulet !
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Les permes, on s'en fait tout un fromage, et quand on le déballe il sent parfois le moisi.
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De l’autre côté de la rue, l’horloge de la gare marque cinq heures. Cela n’a pas la moindre importance. Le soldat l’a regardée parce qu’une horloge est faite pour ça. C’est un reste d’avant qu’il a conservé. Il en a, parfois, qui lui reviennent. Ce sont des renvois de mémoire. Des petits rots d’habitude. Comme le bouillon Kub qu’il a commandé.
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