Oui, je suis un embusqué, un tire-au-flanc, un genoux creux, un fonctionnaire du bobard, un adjudant de la fourbe.
Il m’a fallu vivre dans vos tranchées, Capitaine, pour comprendre que mon pinard était beaucoup plus qu’une activité pécuniaire. Il m’a fallu voir votre misère pour comprendre que j’oeuvrais pour le bien de l’inhumanité.
Vous êtes bien pâle, commandant, ce doit être l'air de l'arrière. Vous devriez vous exposer plus souvent au soleil des tranchées et venir y prendre un bon bain de boue...Ça raffermit la peau trop flasque de ceux qui jouent à la guerre en n'en connaissant que le nom.
C’est à dire que le ravitaillement en vin vient tout juste d’arriver, mais il n’y a pas que des tonneaux.....
Expliquez-vous
Il y a le fournisseur.
Vous pouvez prier, commandant, pour qu'il n'y ait pas de rupture d'approvisionnement, ou un cataclysme qui détruise les vignes, car je ne donne pas cher de l'armée française si ce foutu pinard venait à manquer
"J'y mets de l'ardeur pour qu'ils oublient la terreur qui leur bouffe le bide à chaque fois que vous sonnez le glas avec votre sifflet"
Je leur donne l'ivresse pour qu'ils oublient le colis qui n'arrive pas, l'enfant qu'ils n'ont jamais vu, la femme qui ne les attend plus.
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Mais quand même, ces cons, après leur avoir fourni ce bon pinard de guerre, après leur avoir donné toute l'ardeur pour clamser la tête haute, après s'être enfilé tout ce vin...il fallu qu'il me foute à la flotte...
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