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Critique de Soleney


Cette adaptation des Liaisons dangereuses De Laclos m'a à la fois plu et déçue.
Plu car j'ai aimé les palpitantes intrigues, les rebondissements qui ne laissent pas de temps mort, l'écriture de Camille de Peretti, si accrocheuse, et surtout, les répliques mordantes, absolument irrésistibles.
Mais plusieurs incohérences troublent le plaisir de la lecture : la plupart des narrateurs écrivent de façon très peu naturelle – façon 18e siècle –, or seuls Camille et Julien sont censés imiter Laclos. En écrivant, les narrateurs passent régulièrement du coq à l'âne – sans même un retour à la ligne –, emploient beaucoup de phrases courtes et de tournures peu habituelles aux lycéens. J'irai même jusqu'à dire que certaines lettres ne sont pas assez développées pour être crédibles : Marie, la meilleure amie de Camille, est aux États-Unis pour une année scolaire, mais elle décrit peu son quotidien et ses lettres sont même plutôt courtes. Bon, c'est vrai que cela nous aurait peu intéressé de savoir de quoi sont composées ses journées, mais ça aurait fait plus « vrai » de mettre des crochets et de prétendre que toute la lettre n'a pas été retranscrite par souci de l'intérêt du lecteur, – de même qu'on a précisé ne pas retranscrire les lettres de Tess à Marie, qui nuiraient au bon déroulement de l'histoire.
Nous sommes cruels a beau être une adaptation, je trouve qu'elle reste trop proche des Liaisons dangereuses. Les protagonistes reprennent souvent des phrases laclosiennes : « elle est à moi, entièrement à moi, et depuis hier elle n'a plus rien à m'accorder », et je trouve que ça donne un air de copier/coller.

Au début, on est un peu perdus entre tous les personnages (j'en ai dénombré treize : Camille, Julien, William, Marie, Tess, Bruce, Nini, Stanislas, Émilie, Alexandra, Esther, Diane, Hadrien, plus une ou deux lettres de personnes extérieures). Mais le plus difficile, c'est de retenir les liens qu'ils entretiennent. En fait, tous se connaissent plus ou moins. Mais il y a ceux qui se détestent, ceux qui s'aiment, ceux qui s'apprécient, et les relations à sens unique, et les fausses amitiés, et les fausses amours, et la cruauté gratuite… J'ai été époustouflée par la richesse de ces relations. Je ne sais pas comment l'auteure a fait pour ne pas s'y perdre (sûrement qu'elle a fait un tableau. J'ai essayé d'en faire un moi aussi, mais ça devenait trop compliqué. Et puis finalement, au bout de quelques dizaines de pages on n'en a plus besoin^^).

Plus l'intrigue avance, plus elle devient complexe. Les personnages qui ne se connaissent pas trop entre en contact, et le pire, c'est que la forme épistolaire ne permet pas de connaître leurs véritables intentions. Ils ne sont pas sincères, peuvent nous mentir, et le pire, c'est qu'on les croit (comme Camille qui, par exemple, jure un amour éternel à William, et en même temps complote pour coucher avec Julien). Où est la vérité ? Que pensent-ils vraiment ? Cette forme romanesque les rend très mystérieux.

Un p'tit truc m'a posé problème à la lecture : les virgules. Je trouve qu'elles sont sous-exploitées et c'est par moment agaçant. Pour citer une phrase du début et ne rien gâcher du plaisir de ceux qui n'auraient pas lu : « Tu es une jolie fille Camille et j'ai eu le temps d'apprendre ton nom. ». Peut-être que ça ne vous choque pas, mais j'ai une nette envie de rajouter des virgules pour encadrer « Camille ».

D'ailleurs, parlant de ce prénom, j'ai remarqué à ce moment-là que c'est le même que celui de l'auteure. Et donc, je me suis demandée : ce livre contient-il des éléments autobiographiques ou n'est-ce qu'un fantasme de jeunesse ? On apprend au milieu de l'histoire que la protagoniste est bien Camille de Peretti (c'est dit dans la lettre 164, la plus étonnante de toute cette correspondance), mais est-ce vraiment arrivé ? Camille était-elle cette jeune fille pleine de haine et de mépris qui n'hésite pas à piétiner les sentiments de son prochain ? On ne sait pas, et peut-être qu'on ne saura jamais. C'est sûrement le but : laisser le bénéfice du doute. Intriguer : qui est Camille de Peretti ? C'est très finement joué, en tout cas. Parce que moi, cette question m'a obsédé pendant toute ma lecture – et continue encore de le faire.

J'ai remarqué que toutes les amies proches de Camille se ressemblaient : toutes sont parties en hypokhâgne après le lycée, toutes aiment la littérature (la vraie, pas Marc Levy), elles sont cultivées et sont à la recherche d'un amour vrai et sincère. Et aucune n'imagine la cruauté de leur amie. J'ai trouvé ça étonnant. Ça fait un groupe un peu trop homogène pour être honnête – même si après tout ça peut arriver.

Mais malgré tous ces défauts, je n'ai pas pu m'empêcher d'adorer ce bouquin, de le dévorer dès que j'avais une occasion et d'être emportée par le suspense alors même que je me doutais de comment finirait le livre – étant donné que j'ai lu deux fois Les Liaisons dangereuses. Bravo à l'auteure, qui a su donner un parfum de fraicheur à ce roman ! Elle m'a donné envie de relire la version d'origine.
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