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EAN : 9782070338962
512 pages
Gallimard (30/11/2006)
  Existe en édition audio
4.21/5   8018 notes
Résumé :
Outre le texte intégral des "Liaisons dangereuses", on découvre ici un Laclos inattendu : journaliste, moraliste et même auteur d'un projet de numérotage des rues de Paris. Des extraits de Sade et de Baudelaire permettront de mieux comprendre un roman que le XVIIIe siècle considéra moins comme le portrait réaliste d'une société que comme une illustration libertine des moeurs.

Édition présentée et commentée par Francis Marmande, maître de conférences d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (429) Voir plus Ajouter une critique
4,21

sur 8018 notes
N'écoutez pas ceux qui ravalent "Les liaisons dangereuses" au rang de roman libertin : assurément, ils ne l'ont pas lu ! Au contraire, l'auteur y démontre combien le libertinage est vain face à l'amour véritable. Rares sont les romans qui, en plus de magnifier la langue française, sondent avec autant d'acuité les rapports humains, et la passion amoureuse en particulier. Voilà pourquoi une oeuvre épistolaire datant de 1782 suscite encore autant d'émotion et d'enthousiasme parmi ses lecteurs.

Le genre épistolaire, qui au premier abord pourrait dissuader certains de commencer la lecture, est la véritable force de cette oeuvre. En effet, il exprime les sentiments des différents protagonistes, dans ce qu'ils ont de plus intime. de plus, c'est un redoutable outil dramatique car il permet, en passant d'un personnage à l'autre, en sautant certaines périodes de temps, de ménager des ellipses et des surprises dans le déroulement de l'intrigue.

Le roman commence comme un jeu entre la marquise de Merteuil et le vicomte De Valmont : pour se venger d'un de ses anciens amants qui doit épouser la jeune Cécile Volanges, la marquise demande à Valmont de séduire la jeune fille avant les noces. Devant le peu d'empressement De Valmont, elle encourage l'inclination de Cécile pour le chevalier Danceny, son professeur de musique. Finalement, Valmont va profiter d'un séjour chez sa tante à la campagne pour s'acquitter de sa tâche, tout en visant une conquête ardue, celle de la pieuse et délicate présidente de Tourvel...

Au fil des 175 lettres qui composent cette histoire, Pierre Choderlos de Laclos réussit à animer ses personnages de manière troublante, au point que l'on se demande parfois s'il ne s'agit pas d'une correspondance réelle. La marquise de Merteuil est une figure forte et complexe – une de celles que j'admire le plus en littérature. Pour une femme du XVIIIe siècle, veuve de surcroît, seule la réputation compte et le secret de la liberté réside dans la dissimulation. La fameuse lettre LXXXI, où la marquise explique au vicomte comment, à force de volonté, elle a acquis une parfaite maîtrise d'elle-même, ce qui lui procure la liberté d'action suffisante pour vivre à sa guise et avoir des liaisons sans que son entourage ne se doute de rien, est la clé de voûte du roman. C'est aussi un accès de sincérité – et de vanité – qui la perdra, lorsque la guerre sera déclarée avec Valmont.

Entre ces deux-là, qui furent amants par le passé, demeure une sorte d'entente fondée sur une estime mutuelle, mais aussi, sans doute, sur des secrets compromettants. Nous n'avons guère de détails sur ce qui les a séparés, mais il est facile d'imaginer que par fierté, aucun des deux n'a osé reconnaître qu'il aimait l'autre, et chacun a continué ses conquêtes de son côté. Or ce qui va briser le pacte, c'est que Valmont tombe amoureux de madame de Tourvel. Lui-même ne s'en rend pas compte tout de suite, à l'inverse de la marquise de Merteuil qui le décrypte instantanément. Alors elle n'aura cesse d'éliminer sa rivale, allant jusqu'à dicter les mots de la rupture à Valmont dans la lettre CXLI, articulée autour du bien connu : « Ce n'est pas ma faute ». Mais cette victoire aura un goût amer, car le dénouement théâtral choisi par Laclos flatte la morale.

Le libertinage n'est donc qu'un prétexte, un trait d'époque, pour planter une intrigue cruelle et haletante qui met en scène des personnages mus, au fond, par une soif d'amour qu'ils refusent d'admettre, ou alors trop tard. Pour compléter ou revivre cette lecture, je vous conseille l'excellent film de Stephen Frears, avec John Malkovitch dans le rôle De Valmont et Glenn Close dans celui de la marquise de Merteuil. Des costumes au jeu des acteurs, en passant par une musique délicieuse, c'est un chef d'oeuvre digne de celui De Laclos.
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Pierre Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses - 1782 : Choderlos de laclos était officier dans l'armée sous Louis XVI au moment où il écrivit ce livre. On en sera pas étonné tant la tactique mise en place par Valmont pour conquérir la trop belle madame de Tourvel prenait un tour militaire avec ses assauts directs préparés par des attaques de diversion et ses retraits stratégiques audacieux. Mais loin de donner de la mitraille ce sont les mots qui occasionnaient les pires des blessures. L'amour que Valmont et la machiavélique Mme de Merteuil utilisait pour nuire devenait entre leurs mains une arme encore plus meurtrière que l'acier et les flammes. Pour se venger d'un ancien compagnon et par pur cruauté Mme de Merteuil encourageait le marquis à pervertir une jeune femme innocente et à détourner de son mari la plus vertueuse des épouses. Valmont inféodé à la plupart de ses exigences par un passé en commun sulfureux s'appliquait avec toute la force de son charme à lui donner satisfaction. S'en suivait le déshonneur pour l'une, le désespoir et la mort pour l'autre. L'ignoble marionnettiste des turpitudes humaines trouvait en madame de Merteuil une représentante zélée. le libertinage à l'époque des lumières était ils vraiment aussi cruel ? Écrasait il ainsi sans pitié les existences sur l'autel du bon mot, de la formule cinglante, de l'orgueil mal placé ? Car enjolivé dans une langue magnifique se jouait un drame terrible que le lecteur suivait à travers les correspondances rendues publiques par le chevalier Danceny, un autre protagoniste de cette affaire floué par les deux intrigants. Valmont poussé lui aussi par l'impitoyable madame de Merteuil à détruire son plus bel amour cherchait la mort dans un duel d'honneur sous le fer de ce jeune chevalier dont il avait fait son protégé pour mieux servir ses coupables desseins. La misère qui frappait le monde rural de l'époque ne présageait en rien celle qui décimait une noblesse inoccupée qui versait par sa légèreté dans les plus ignobles égarements. L'auteur étalait dans ces pages la tragique décomposition d'une société ayant perdue tous ses repères. Entre les mariages forcés, les jeux de conquête au mépris des sentiments humains, le piétinement de toute dignité, il y avait bien là un danger que les situations envieuses et l'argent ne pouvaient empêcher. Et si dans le peuple on mourrait encore facilement de la faim, chez les privilégiés on mourrait tout aussi facilement des suites d'un amour bafoué. le roman mettait en exergue le style épistolaire dont il deviendra un modèle reconnu. C'était aussi par le scandale qu'il souleva dans une opinion déjà largement remonté contre les nobles un élément à charge supplémentaire pour les hommes et les femmes qui mettront bientôt à bas les murs de la Bastille et ceux de la royauté... une oeuvre majeur
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Quand, sous l'Ancien Régime, un improbable militaire de haute noblesse empoigne sa plume pour rédiger un improbable roman épistolaire devisant d'amours libertines, on parle de curiosité.
Quand ce singulier roman, plus de deux siècles plus tard, malgré les changements de tous ordres et le fossé des classes sociales arrive encore à émouvoir jusques aux tréfonds de la moelle une insignifiante créature roturière de tout juste dix-huit ans, qui sait à peine ce que le mot "littérature" veut dire, on parle de chef-d'oeuvre.
Quand, à travers les époques, ils sont des millions, de tous âges, de tous sexes, de toutes sensibilités, de toutes confessions, nationalités ou conditions sociales à avoir éprouvé un émoi comparable en tous points à celui de l'insignifiante roturière, on vénère l'un des plus grands patrimoines mondiaux de la littérature.
Aaaah ! Combien plus belle, combien plus grande eut été votre contribution aux choses de la littérature qu'à celles des armées, Monsieur le Général Choderlos de Laclos !
La Bruyère écrivait que: "Qui peut, avec les plus rares talents et le plus excellent mérite, n'être pas convaincu de son inutilité, quand il considère qu'il laisse en mourant un monde qui ne se sent pas de sa perte, et où tant de gens se trouvent pour le remplacer ? Combien d'hommes admirables, et qui avaient de très beaux génies, sont morts sans qu'on en ait parlé ! Combien vivent encore dont on ne parle point, et dont on ne parlera jamais !"
Certes, vous n'êtes pas mort sans nous rien laisser, Monsieur de Laclos, mais un seul, un seul malheureux et orphelin petit roman, c'est bien peu, c'est trop peu, quand on sait faire autant.
Que dire maintenant? L'histoire? tout le monde la connaît et si, par chance, vous l'ignoriez encore, ce serait sacrilège que de vous la déflorer. Les turpitudes du Vicomte de Valmont et de la Marquise de Merteuil auprès de la Présidente de Tourvel, sont, je suppose, à peu près connues de tous. Les dommages collatéraux également. Lisez-la, c'est la meilleure chose que vous ayez à faire. Qu'est-ce que vous risquez? Juste une superbe émotion dont vous vous réjouirez encore dans des décennies. Au pire, de l'indifférence... Si! Tous comptes faits, si! Il faut que je vous dise quelque chose, lorsque du haut de mes dix-huit ans, ignorante de tout et même de mon niveau d'ignorance, je lisais ces lettres, j'ignorais la classification des titres de noblesse. Aussi, peut-il être intéressant que je vous glisse cette information qui peut avoir son importance pour la bonne intelligence de deux ou trois subtilités. le titre de noblesse le plus bas est celui de Chevalier, puis Banneret, puis Baron, puis Vicomte, puis Comte, puis Marquis et enfin, le plus élevé, Duc. Président n'est normalement pas un titre de noblesse, mais il peut être utilisé pour désigner une personne noble occupant un emploi élevé, par exemple dans la magistrature. Quant à "Madame", c'est la version féminine de Sire ou Monseigneur et évoque un titre de noblesse accompagné d'un apparentement avec une famille royale, impériale ou princière. Autre précision d'importance, ce roman n'est ABSOLUMENT PAS pro libertinage et n'a ABSOLUMENT RIEN à voir avec les écrits de Sade.
Sachez, pour conclure, que si aujourd'hui je lis des romans, vous y êtes vraisemblablement pour quelque chose, mes trois vibrants mousquetaires, Hugo, Laclos & Corneille. A vous trois, merci, et respect.

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J'ai défloré l'année 2021 avec les Liaisons dangereuses. On se réchauffe comme on peut.
L'année risquant d'être plus pandémique qu'érotique, j'ai ouvert le courrier du Vicomte de Valmont et de la marquise de Merteuil. Je sais, ça ne se fait pas mais bon sang, cela change des factures et des publicités pour les bûches de Noel. Avec de telles correspondances, la Poste pourrait relancer la vente de ses carnets de timbres.
Par la grâce des films tirés de cette oeuvre de Chaud Chaud Choderlos de Laclos, inutile de trop déniaiser l'histoire, tout le monde la connaît.
L'action se situe dans les alcôves des cercles aristocratiques ; elle est centrée sur Valmont, un impitoyable et irrésistible libertin, et sur la venimeuse Merteuil, rivale, ex amante, qui fait bonne figure en société mais profite de son veuvage pour balayer tous les tabous devant la porte de sa chambre. Les deux âmes damnées ont passé un pacte marqué par le sceau du vice qui fait la chasse à cour à la vertu.
Valmont est fortuné et occupe son temps libre en séduisant des femmes naïves et innocentes de la bonne société. Parmi elles, la jeune Cécile et la dévote Présidente de Tourvel dont il est épris. Il ne jouit que de sa mauvaise réputation.
Coquin et Coquine, par jalousie et pour surpasser l'autre, se lancent des défis que la morale réprouve, trahissant, mentant, manipulant, jouant avec les sentiments comme d'autres jouent aux dés. C'est jubilatoire.
Cruauté exquise servie un style raffiné, une langue aussi mauvaise que magnifique au service du mauvais esprit, on finit par détester les malheureuses victimes pour leur naïveté et l'auteur fait du lecteur le complice voyeur des turpitudes des deux manipulateurs.
La construction épistolaire est millimétrée, l'histoire avançant au fil des correspondances, sans redite ni ennui. La conquête amoureuse est décrite comme une conquête militaire, faite de stratégie, de parades, d'engagements farouches. Pas de quartiers… sauf de noblesse. Garde à vous.
Dans ce brâme précieux, nul ne couche le premier soir. On laisse Tinder aux vulgaires. On biffe le kiffe. Une lettre sépare campagne de compagne mais il faut faire le tour de l'alphabet pour passer de l'une à l'autre.
L'épistolaire au pistolet. Ecrit par un militaire titillé par sa plume, qui s'ennuyait ferme dans sa garnison et dont ce fut le seul roman, les liaisons, dangereuses par définition, est un classique qui prend son lecteur en otage.
Point de crudités dans le menu, laissons la salade aux lapins empressés, le roman est plus machiavélique que libertin. Valmont est trop douillet pour se frotter au sadisme. Il partage davantage avec la Marquise le goût de la conquête que celui de la victoire, car elle précède chez eux le désintérêt et la lassitude. Don Juan a fait des émules.
Pour la petite histoire, Choderlos de Laclos échappât de très peu à la guillotine lors de la révolution et mourut général. La chance de la canaille.
Roucoulez mes bons amis devant ce chef d'oeuvre de perfidie.
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Subtil ..

Une étude clinique des libertins , du libertinage et du vice comme de la vertu . Une réflexion servie par un texte somptueux et une langue absolument superbe .

Enormément de subtilité dans les nuances du texte qui font de cette prose un sommet dans la profusion des détails et dans l'intensité.
L'époque est puissamment ressentie et son atmosphère rayonne littéralement .

A bien y réfléchir c'est avant tout un essai sur la nature humaine .. le jeux ... la passion ... la ruse et la joute .
A force de simuler la guerre on finit par se la faire .
A force de manipuler et de calculer on déshumanise l'objet de ses attentions et de son affection , alors que l'on s'atteint soi-même dans la même mesure ?

Le libertinage est moins promu et pesé dans ce texte que la nature humaine examinée . Alors que l'innocence et la vertu ne sont pas plus respectable en soit que le vice, car elles apparaissent comme une faiblesse et une quasi inadaptation et finalement comme un obstacle au bonheur , à l'équilibre et à la raison .

Ce que Laclos espérait démontrer à mon humble avis et entre autres , c'est que seule la rigueur et la mesure couplés à la volonté et au discernement conduisent quelque part .

C'est un grand moment de langue et de civilisation française que ce roman.

Une sorte de grand siècle exquis de subtilités , d'exigences et d'ampleur .

Chaque phrase est un délice de rythme , d'intensité et de calcul .
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Citations et extraits (638) Voir plus Ajouter une citation
Lettre XLVIII

Du Vicomte de Valmont à la Présidente de Tourvel

C’est après une nuit orageuse, et pendant laquelle je n’ai pas fermé l’œil ; c’est après avoir été sans cesse ou dans l’agitation d’une ardeur dévorante, ou dans l’entier anéantissement de toutes les facultés de mon âme, que je viens chercher auprès de vous, Madame, un calme dont j’ai besoin, et dont pourtant je n’espère pas pouvoir jouir encore. En effet, la situation où je suis en vous écrivant me fait connaître, plus que jamais, la puissance irrésistible de l’amour ; j’ai peine à conserver assez d’empire sur moi pour mettre quelque ordre dans mes idées ; et déjà je prévois que je ne finirai pas cette Lettre, sans être obligé de l’interrompre. Quoi ! ne puis-je donc espérer que vous partagerez quelque jour le trouble que j’éprouve en ce moment ? J’ose croire cependant que, si vous le connaissiez bien, vous n’y seriez pas entièrement insensible. Croyez-moi, Madame, la froide tranquillité, le sommeil de l’âme, image de la mort, ne mènent point au bonheur ; les passions actives peuvent seules y conduire ; et malgré les tourments que vous me faites éprouver, je crois pouvoir assurer sans crainte, que, dans ce moment même, je suis plus heureux que vous. En vain m’accablez-vous de vos rigueurs désolantes ; elles ne m’empêchent point de m’abandonner entièrement à l’amour, et d’oublier, dans le délire qu’il me cause, le désespoir auquel vous me livrez. C’est ainsi que je veux me venger de l’exil auquel vous me condamnez. Jamais je n’eus tant de plaisir en vous écrivant ; jamais je ne ressentis, dans cette occupation, une émotion si douce, et cependant si vive. Tout semble augmenter mes transports : l’air que je respire est brûlant de volupté ; la table même sur laquelle je vous écris, consacrée pour la première fois à cet usage, devient pour moi l’autel sacré de l’amour ; combien elle va s’embellir à mes yeux ! j’aurai tracé sur elle le serment de vous aimer toujours ! Pardonnez, je vous en supplie, le délire que j’éprouve. Je devrais peut-être m’abandonner moins à des transports que vous ne partagez pas : il faut vous quitter un moment pour dissiper une ivresse qui s’augmente à chaque instant, et qui devient plus forte que moi.
Je reviens à vous, Madame, et sans doute j’y reviens toujours avec le même empressement. Cependant le sentiment du bonheur a fui loin de moi ; il a fait place à celui des privations cruelles. A quoi me sert-il de vous parler de mes sentiments, si je cherche en vain les moyens de vous en convaincre ? Après tant d’efforts réitérés, la confiance et la force m’abandonnent à la fois. Si je me retrace encore les plaisirs de l’amour, c’est pour sentir plus vivement le regret d’en être privé. Je ne me vois de ressource que dans votre indulgence, et je sens trop, dans ce moment, combien j’en ai besoin pour espérer de l’obtenir. Cependant jamais mon amour ne fut plus respectueux, jamais il ne dut moins vous offenser ; il est tel, j’ose le dire, que la vertu la plus sévère ne devrait pas le craindre : mais je crains moi-même de vous entretenir plus longtemps de la peine que j’éprouve. Assuré que l’objet qui la cause ne la partage pas, il ne faut pas au moins abuser de ses bontés ; et ce serait le faire, que d’employer plus de temps à vous retracer cette douloureuse image. Je ne prends plus que celui de vous supplier de me répondre, et de ne jamais douter de la vérité de mes sentiments.

Paris, ce 30 août.
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On s'ennuie de tout, mon Ange, c'est une loi de la nature ; ce n'est pas ma faute.
Si donc je m'ennuie aujourd'hui d'une aventure qui m'a occupé entièrement depuis quatre mortels mois, ce n'est pas ma faute.
Si, par exemple, j'ai eu juste autant d'amour que toi de vertu, et c'est sûrement beaucoup dire, il n'est pas étonnant que l'un ait fini en même temps que l'autre. Ce n'est pas ma faute.
Il suit de là, que depuis quelques temps je t'ai trompée : mais aussi, ton impitoyable tendresse m'y forçait en quelque sorte ! Ce n'est pas ma faute.
Aujourd'hui, une femme que j'aime éperdument exige que je te sacrifie. Ce n'est pas ma faute.
Je sens bien que te voilà une belle occasion de crier au parjure : mais si la nature n'a accordé aux hommes que la constance, tandis qu'elle donnait aux femmes l'obstination, ce n'est pas ma faute.
Crois moi, choisis un autre amant, comme j'ai fait une autre maîtresse. Ce conseil est bon, très bon ; si tu le trouves mauvais, ce n'est pas ma faute.
Adieu, mon ange, je t'ai prise avec plaisir, je te quitte sans regret : je reviendrai peut-être. Ainsi va le monde. Ce n'est pas ma faute.
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Je pense à vous sans cesse, et n’y pense jamais sans trouble. Si je vous vois affligée, malheureuse, je souffre de tous vos chagrins ; si je vous vois tranquille et consolée, ce sont les miens qui redoublent. Partout je trouve le malheur.
Ah ! qu’il n’en était pas ainsi, quand vous habitiez les mêmes lieux que moi ! Tout alors était plaisir. La certitude de vous voir embellissait même les moments de l’absence ; le temps qu’il fallait passer loin de vous m’approchait de vous en s’écoulant. L’emploi que j’en faisais ne vous était jamais étranger. Si je remplissais des devoirs, ils me rendaient plus dignes de vous ; si je cultivais quelque talent, j’espérais vous plaire davantage. Lors même que les distractions du monde m’emportaient loin de vous, je n’en étais point séparé. Au Spectacle, je cherchais à deviner ce qui vous aurait plu ; un concert me rappelait vos talents et nos si douces occupations.
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Lettre 15 Le vicomte de Valmont à la marquise de Verteuil

En lisant votre Lettre et le détail de votre charmante journée, j'ai été tenté vingt fois de prétexter une affaire, de voler à vos pieds, et de vous y demander, en ma faveur, une infidélité à votre Chevalier, qui, après tout, ne mérite pas son bonheur. Savez-vous que vous m'avez rendu jaloux de lui? Oue me parlez-vous d'éternelle rupture? J'abjure ce serment, prononcé dans le délire: nous n'aurions pas été dignes de le faire, si nous eussions dû le garder. Ah! que je puisse un jour me venger dans vos bras, du dépit involontaíre que m'a causé le bonheur du Chevalier! Je suis indigné, je l'avoue, quand je songe que cet homme, sans raisonner, sans se donner la moindre peine, en suivant tout bêtement l'instinct de son coeur, trouve une félicité à laquelle je ne puís atteindre. Oh! je la troublerai... Promettez-moi que je la troubleraí. Vous-même n'êtes-vous pas humiliée ? Vous vous donnez la peine de le tromper, et il est plus heureux que vous. Vous le croyez dans vos chaînes !!C'est bien vous qui êtes dans les siennes. II dort tranguillement, tandis que vous veillez pour ses plaisirs. Que feraít de plus son esclave ? Tenez, ma belle amie, tant que vous vous partagez entre plusieurs, je n'aí pas la moindre jalousie: je ne vois alors dans vos Amants que les successeurs d'Alexandre, incapables de conserver entre eux tous cet empire où je régnais seul. Mais que vous vous donniez entièrement à un d'eux! qu il existei un autre homme aussi heureux que moi! je ne le souffrirai pas; n'espérez pas que je le souffre. Ou reprenez- moi, ou au moins prenez-en un autre; et ne trahissez pas, par un caprice exclusif, l'amitié inviolable que nous nous sommes jurée.
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L’humanité n’est parfaite dans aucun genre, pas plus dans le mal que dans le bien. Le scélérat a ses vertus, comme l’honnête homme a ses faiblesses. Cette vérité me paraît d’autant plus nécessaire à croire, que c’est d’elle que dérive
la nécessité de l’indulgence pour les méchants comme pour les bons; et qu’elle préserve ceux-ci de l’orgueil, et sauve les autres du découragement.



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Vidéo de Pierre Choderlos de Laclos
La romancière Eliette Abécassis se penche sur le réseau social le plus populaire du moment, Instagram. Comment modèle-t-il nos imaginaires, simplifie-t-il nos émotions, s'insinue-t-il même dans nos amours ? Dans un roman qui colle à son sujet, c'est à un vrai pari que se livre l'autrice : si Choderlos de Laclos vivait dans les années 2020, que s'écriraient le Valmont et la Merteuil d'aujourd'hui, pour rimer avec leurs photos et leurs stories ?
Une rencontre diffusée dans le cadre de la Foire du Livre de Bruxelles 2021.
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