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Le titre laisse rêveur et annonce d'emblée une prose poétique, marque de l'auteur. "Terre du vent", deux éléments naturels associés ici dans le souvenir, dans la rêverie, dans le retour sur un passé pas si lointain. Certes, s'il y a des éléments autobiographiques, ils appartiennent à Michèle Perret. Car ce texte n'est pas un récit de vie pur et simple. Écrit à la troisième personne du singulier, il permet à l'auteur de faire des références personnelles en toute pudeur mais il permet également une identification du lecteur. Car cette petite fille devient presque tout un chacun et si ce n'était cette période historique marquée, elle pourrait presque être intemporelle, symbole d'un lieu de notre enfance. L'onirisme en fait ressortir toutes les saveurs, toutes les senteurs. Les couleurs, la nature le sublime. Même le quotidien en devient magique. La fraternité entre les différentes nationalités, les différentes couches sociales font rayonner ce pays. Cependant, La petite Choune va également expérimenter les aléas du quotidien. Tout n'est pas rose dans une vie. Mais là encore, c'est tout en retenue, à pas feutrés, qu'on va nous délivrer les moments douloureux.

Puissance des mots, magie poétique, tels sont les vecteurs de ce magnifique texte qui nous laisse sans voix.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Dernier volet de mon triptyque sur l'Algérie autrefois, le livre de Michèle Perret, Terre du vent, dans lequel la narratrice nous parler d'un monde qui n'existe plus.
Moi aussi, comme Michèle Perret, je viens de ce monde qui n'existe plus, qui n'existe plus que dans mes souvenirs, j'allais dire dans nos souvenirs, tant ceux de Michèle Perret, à des années de distance, me rappelle les miens.
Le prologue pose le décor. Un pays dont les quatre populations ont forgé la culture de la narratrice, quatre populations qui se sont enfuies un jour d'été, dans la colère, le ressentiment, la peur, la désillusion. Volonté d'abandonner ce qui a constitué l'essentiel de leur vie, en ne laissant rien à ceux qui vont rester, qui vont s'approprier des choses mais pas de leurs âmes.
Ce flot de colère est comme les oueds algériens, une fois passé il laissera la terre pure comme elle l'était avant leur passage.
« Terre des ombres, terre du vent, terre prêtée le temps d'un songe… »
Un songe, l'Algérie était un songe.
Nous retrouvons la petite fille bleue, celle qui a rêvé et qui veut encore nous parler de son rêve, de ses souvenirs qu'elle ne retrouve plus lorsqu'elle retourne à Saint Antoine – son pays imaginaire -. Après l'orage.
Beaucoup a été écrit et dit sur l' Algérie, ce territoire francais entre 1830 et 1962 devenu indépendant dans la douleur, l'oubli, le mépris, la haine.
Beaucoup a été écrit et dit en méconnaissance de cause.
Terre du vent n'est pas dans le registre du politique ou du rationnel. Il raconte les souvenirs d'une enfant : ce qu'elle a perçu de la réalité, sa réalité qui, comme une autre, a le droit d'être, d'exister, de hurler ce qu'elle veut. Une réalité que personne n'a le droit de nier.
Témoignages souvent rejetés au motif de leur analyse politique pauvre.
Il ne s'agit pas ici de nier le droit du peuple algérien à disposer de lui même, simplement de témoigner, sans vouloir donner de leçons, sur ce que fut ce pays avant que ne l'emporte le vent de l'histoire.
L'histoire de Choune commence, elle, vers 1940 dans le plaine de la Mekerra.
Choune, sa jeune soeur Cerise, Mouchka – qui n'est pas Russe – et la Néna, sont confiées à la garde de Mado, qui se définit elle même par un « je ne suis pas une domestique, je suis une gardienne d'enfants. »
Choune et Mouchka, les grandes, savent pourtant que les Bergasco, les parents de Mado et Néna, sont pauvres, une famille « indigente » comme on disait alors.
Cette société a ses règles, ses hiérarchies, avec lesquelles s'accommodent les différents groupes :
« Et comme les Francais « de souche » se pensaient bien plus haut dans l'échelle sociale que les Espagnols naturalisés, qui écrasaient les émigrés Espagnols de fraiche date, les Fabre méprisaient les Hortez qui méprisaient les Bergasco, lesquels, dans leur dénuement, se sentaient supérieurs à Ben Mansour, malgré l'allure de seigneur du gardien. »
C'est pourtant le vocabulaire des pauvres que les enfants utilisent dans leurs jeux : Bagali, cacafouilla, carrico, vinga que vinga, chacail, cacharoulo, tire un pet y mata dos, balek balek, fissa !,

Mado Bergasco utilise l'arme des pauvres pour oublier sa position sociale : l'humour, l'ironie, le détournement :
Le beau Lilou passe son temps à s'imaginer faire troucou-troucou avec les belles dames, madame avale-graisse, l'épicière, madame Bitou, la femme du notaire, Mardochée le vieux, sont les héros d'histoires crues aux « sous entendus grivois » que Choune comprenait « à la mine de Mado ».
Mais Choune préfère hanter le jardin des ombres en compagnie de Majda la folle et de ses avatars, des chiens sauvages qui vous suivent dans la nuit et disparaissent mystérieusement.
Le pays de son enfance n'est-il pas le plus beau pays au monde ? Pour s'en assurer, Choune « a elle aussi gravé ses initiales et la date de l'année, pour mettre, elle aussi, sa marque dans ce lieu enchanté, et pour que les trembles, toujours, se souviennent d'elle. »
La guerre 1939-1945 brouille les cartes. Elle permet aux Algériens de combattre, leur ouvre des portes qui se referment aussitôt l'armistice signé.
« Déjà une autre guerre couvait mais personne, pas même Lakdar, ne le savait encore... »
Roman intimiste servie par une belle écriture, tantôt légère tantôt poignante, jamais complaisante, « Terre du vent » ne vous laissera pas insensible et peut-être vous aidera-t-il à mieux comprendre ce pays imaginaire et rempli d'illusions que les hommes ont détruit par leur volonté.

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A mes yeux, ce livre peu connu est un vrai petit chef d'oeuvre. Premier roman découvert par hasard, parce que nous en connaissions l'auteur, je l'ai relu plusieurs fois, toujours avec le même bonheur et la même émotion. En apparence, ce n'est que l'autobiographie d'une petite fille dont les parents exploitent une ferme, en Algérie, pendant la guerre de 39/45. Elle joue avec ses petites copines, ne comprend pas grand-chose à la guerre et chante des chansons de l'époque, banal bien que les personnages évoqués soient attachants et que le récit soit plein d'humour.
Mais en réalité, ce livre écrit dans une très belle prose est un poème fantastique sur le thème de l'enfance perdue et « culpabilisée », un bouquet d'émotions, de couleur et d'odeurs. La construction, qui progresse jusqu'à « la catastrophe », mêle les thèmes récurrents des eaux (source, oued, puits, rigoles), de la nuit interdite, du vent « qui pousse les ronces sèches et fait claquer les volets des maisons mortes », du chien, du cochon et de l'abeille, des arbres exotiques, caroubier et casuarinas, du souvenir enfoui, de la magie et du surnaturel, des couleurs, orange des jeunes berbères et bleu des ombres de fées et de revenants qui on occupé cette terre et qui colorent le passage de l'enfant sur celle-ci d'un caractère provisoire. le souvenir d'une « Algérie heureuse » est embelli, mais avec lucidité, par le regard d'une fillette éblouie, et le dernier chapitre, « l'enfant brun » qui viendra après elle et dont elle hantera à son tour les rêves, donne toute sa densité à ce chant d'amour :
« Qu'il résiste à l'appel de la nuit, quand, un été, il l'entendra. de la tombée de la nuit au soleil levé, son univers ne lui appartient pas. La nuit n'appartient qu'aux ombres. La nuit n'appartient qu'à moi, l'ombre de son soleil. »

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Ce récit émouvant, riche en anecdotes, raconté par l'innocence d'une petite bourgeoise de province de l'Algérie française, prouve qu'en Algérie, quoi que l'on dise, cohabitaient plusieurs populations d'ethnies et de confessions religieuses différentes. L'auteure a raison de dire qu'elle parle d'on monde, qui, hélas, n'existe pas aujourd'hui. C'était, l'époque, où , à Saint-Antoine, la ferme que décrit Michèle Perret, les gens vivaient frugalement, et fraternellement. Saint Antoine était un ilot de coexistence pacifique. Si l'Algérie française était à l'image de ce coin de fraternité et de paix, le monde de "Terre du vent" aurait continué d'exister.
Michèle Perret décrit magistralement la vie simple, mais riche, de la ferme où elle a grandi. . une ferme ,où, chacun, sans distinction de classe ni de race, avait sa place.
Terre du vent, écrit dans un style aéré , se lit d'un trait, emporte le lecteur et lui fait vivre la sérénité et l'ivresse d'un monde, aujourd'hui disparu. A lire absolument.
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C'est un premier roman, avec quelques maladresses dans la construction et le choix des épisodes racontés, dans les ruptures de ton, le manque de narrativité. Pourtant, tel quel, c'est un livre bouleversant, magnifique, sur l'amour d'une terre, la culpabilité de s'en être crue l'occupante, le regret. D'une poésie souvent poignante, il touche à l'universel par les thèmes de l'enfance et de l'exil. J'en conseillerais vivement la lecture. Dommage que ce livre n'ait pas bénéficié des conseils d'un bon éditeur !
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On entre dans « Terre du Vent » comme dans un labyrinthe de senteurs. L'émotion est diffuse, prégnante dès les premières lignes. Fiction ou document de vie, on est tour à tour sur les deux niveaux. On avance à tâtons dans ce dédale d'images ourdies de doigts d'orfèvre, dans une écriture charnelle douée d'une âme libre.

Dans cette évocation d'une ferme de l'Algérie coloniale, Michèle Perret donne à ressentir des personnages et se sont eux qui tissent la trame de « Terre du Vent », que l'on suit et accompagne à pas de voleur, parce qu'on les surprend dans l'intime de l'ombre, dans le sacré qui suinte subrepticement de l'inconscient, dans les affects ressurgis, inattendus. On s'éprend de Choune, la petite héroïne dont on devine que c'est l'auteur enfant. On écoute Mado. On rêve sur la folie de Majda. On entend le rire clair des enfants dans ce jardin qui n'existe plus et on évite de croiser les djinns ou les petits morts au visage sans regard ; on a peur de voir le diable dans le miroir la nuit. Tout l'inconscient collectif d'un univers envolé nous est brossé en touches subtiles. En puriste de la langue française, Michèle Perret sait ciseler ses mots ; ses chapitres coulent dans un ordre alangui, écrasés de soleil, à l'ombre bleue des casuarinas.

En filigrane, c'est tout un monde oublié qui se met en branle. Une période qui couvre les années de la guerre mondiale : 1939 – 1945. L'orage dévaste l'Europe mais gronde aussi au Maghreb. Et sous ce ciel trop bleu qui présage déjà la tourmente, Choune s'éveille au bonheur de vivre, à la sensualité ou plutôt la sensitivité, toute pétrie de cette terre qui ne laisse aucun de ses enfants indemnes. Chapitre après chapitre, comme on feuillette un vieil et cher album rempli de photos précieuses, on s'attarde sur les images, on sent monter une émotion, et on n'a surtout pas envie de terminer le livre. Et puis la dernière page tournée, reste un trouble venu de si loin, du pays mystérieux de l'enfance, avec ses légendes, ses vieilles peurs et son espérance.
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Pour ma 600ème critique sur Babelio j'ai plaisir à renouer avec mon âme enfantine car voici un merveilleux voyage dans la pensée d'une toute petite fille, au fil des souvenirs que nous aussi, avons enfouis au plus profond de nos circonvolutions cérébrales. Et il faut un extraordinaire talent de conteur pour retrouver les sensations, les angoisses, les rêves et les cauchemars de la petite Choune, qui vit dans un monde isolé, jusqu'ici préservé, au milieu d'une troupe d'enfants rieurs, taquins, blonds ou bruns de peau.

Son univers, c'est d'abord ce jardin sableux parcouru en profondeur d'un fin réseau de rigoles acheminées patiemment depuis le puits profond foré par son père, ce père sourcier et nourricier. Et puis il y a la mère, tendre, élégante, cultivée. Les nounous. La ferme, c'est un peu Malagar au milieu de la plaine de la Mekerra avec, tout autour de la maison des maîtres, celle des collaborateurs : la famille du gérant du domaine, les ouvriers agricoles, et puis tout près, les hectares de vignes. Chacun y tient son rôle, reste à sa place : la hiérarchie des « petits blancs » y fonctionne ici comme ailleurs. Mais pas pour les enfants. Choune apprend bientôt qu'elle a une petite soeur que l'on prénomme Ise, qui sera bientôt pour tout le monde La Cerise. Autour d'elles gravitent Mado, Néna, Adèle, Mouchka, Djibril, Yayia, Manolo, Farid, la famille Fabre qui méprise les Hernandez, qui se jugent supérieurs aux Bergasco, qui regardent de haut, naturellement, les Ben Mansour « malgré l'allure de seigneur du gardien ». Un certain équilibre que vient bousculer la guerre, au loin …

Choune grandit, elle apprend vite, entourée de mythes, elle écoute les contes de Mado qui invente pour elle le folklore et les légendes de cette terre à ses yeux sans passé. Choune se gave de lumière, du vent qui pousse les ronces, du frôlement des arbres, de l'image des pigeons-paons qui font la roue. J'ai découvert pour ma part la silhouette des casuarinas aux fines aiguilles retombant comme les plumes des casoars, des caroubiers. Ils m'ont ramenée à ma toute petite enfance, dans un grand jardin en friche, celui de mes grands-parents inconnus. Une envie irrésistible de retrouver ces sensations.

Une vision rêvée de la vie coloniale en Algérie ? Non, mais la poésie de la petite enfance entourée d'amour et de respect des uns et des autres, juste avant un premier bouleversement – la guerre de 40 – qui en déclenchera un autre, avant le grand exode.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Déliceux récit d'enfance, évocation d'une "Algérie heureuse", plus rêvée que réelle, mais séduisante
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Dans un monde de fantômes et de féérie, la culpabilité diffuse d'une petite pied-noire.
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J'ai lu « Terre du vent » d'un seul trait, avec passion. L'histoire
de l'enterrement d'une poupée dans ces jeux de l'enfance où la conscience de la mort semble renforcer l'instinct de conservation donne le sentiment que Blanche Neige était destinée à survivre aux vicissitudes de l'histoire et à la folie des hommes. Car la recherche d'un jouet perdu amènera fatalement à celle des souvenirs que le temps semblait pouvoir enterrer à jamais … Et la mémoire, aidée par la magie des mots et la maîtrise de la langue amènent Michèle Perret à ressusciter un monde disparu, l'Algérie de notre enfance, celle de ces coins de bonheur, tels le Saint Antoine de ce délicieux récit, où chacun, quelle que fut sa condition, vivait en portant dans le coeur un sentiment d'être au paradis.

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