Les Marseillais se firent ouvrir les portes des prisons et y assassinèrent plus de treize mille prisonniers, parfois avec une inimaginable sauvagerie. Leurs victimes étaient pour la plupart des vieillards, des femmes et des enfants, dont le seul tort était de se trouver en prison pour dette ou vagabondage. Le corps de la princesse de Lamballe, l’une des proches de la reine, fut dépecé et la populace dévora ses entrailles, tandis que l’on promenait sa tête au bout d’une pique. Cette nuit-là, les caniveaux de Paris charrièrent du sang.
Que faisons-nous dans ce monde si nous n'avons même plus l'énergie d'espérer, de vouloir, de lutter ?
Ecrire, converser, communiquer - c'était pour elle un besoin plus vital que de respirer.
"Quelle liberté nous reste-t-il su on nous interdit de dire haut et clair ce que nous pensons ! " C'était tout elle....[Mme de Staël] Ses pensées allaient d'abord à l'écriture.
Une semaine s’écoula. La chaleur restait suffocante mais, au fil des jours, les cendres de l’incendie s’étaient déposées, et les cadavres avaient été ramassés. La ville avait pris un nouveau rythme. La presse était muselée, mais à chaque coin de rue, on pouvait acheter L’ Ami du Peuple, dans les colonnes duquel Marat exhortait la nation à laver dans le sang la corruption des siècles révolus. Quant au Père Duchesne, sous la plume de Hébert, il amusait la populace en brocardant la famille royale dans des pamphlets à la fois féroces et bouffons. Madame de Staël se rendait parfois chez ses amis pour pleurer avec eux les disparus, tirer des plans sur l’avenir et, à son habitude, discuter et confronter leurs idées.
Le 19 tomba une nouvelle qui acheva de l’ébranler. Le marquis de La Fayette, héros de la lutte pour l’indépendance de l’Amérique et ardent défenseur des libertés sur le sol national, était passé à l’ennemi. Il avait rejoint les troupes autrichiennes qui menaçaient plus que jamais d’envahir la France !
La vie est trop courte pour se complaire dans la vengeance, ma bonne. Tragiquement, désespérément trop courte ! Il faut apprendre à pardonner, ne serait-ce que pour son propre bonheur – ne croyez-vous pas ? »
C’est à croire que tout homme accédant au pouvoir traîne derrière lui un abîme où il se trouve précipité, dès qu’il fait un pas en arrière. Hélas… tout cela ne peut aller que de mal en pis, et je tremble pour tous ces braves gens que nous laissons derrière nous…
Ce courage, cette fermeté face à l’ennemi, ce sang-froid avec lequel elle avait lutté pied à pied, pour sauver cet homme qu’elle avait aimé, fut-ce au péril de sa propre vie… Camille ne l’avait pas quittée des yeux. Elle avait senti cette peur qui la minait et, bien qu’elle ait parfaitement su à quoi elle s’exposait, Germaine de Staël n’avait ni hésité ni fléchi.
Nous sommes la plus civilisée des nations, et de loin ! C’est dans notre nature même…
Notre culture est d’une richesse sans pareille. Pensez à notre littérature… et nos savants, nos artistes, nos poètes – nos philosophes, enfin ! Car à mon sens, la philosophie est un art français – ne trouvez-vous pas ?