Don Quichotte : Autoportrait chevaleresque

Devenir écrivain, en faire sa profession, c´est agir en mélancolique qui décide d´affronter le monde. C´est se vouer à confronter la solitude de l´écriture au tumulte de la société. C´est une sorte de grand écart ; une folie sans éclat, silencieuse et douce.
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Que s´agit-il de risquer, sinon d´avoir une vie digne ? de vivre une vie libre ? De partir à l´aventure si l´on a envie d´aventure, d´être déraisonnable quand le monde entier vous somme avec autorité d´être fonctionnel et réaliste ? Quichotte s´invente un amour fou et idéal, il ne sera jamais déçu. Le rêve demeurera toujours au-dessus des imperfections triviales du quotidien.
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La nostalgie des futurs non advenus m´encombre. Je repense à ces temps où (…) l´extraordinaire technologie humaine ne servirait pas à créer des jeux vidéo d´une effrayante complexité mais à rendre la vie confortable, ces temps où l´automatisation du travail contribuerait à soulager les ouvriers et non à les licencier en masse, ces temps où l´informatique serait maîtrisé par une élite strictement instruite et non par le premier enfant venu. J´ai la nostalgie d´un futur où l´adversaire serait un envahisseur extraterrestre ou un robot échappant à tout contrôle, mais pas un être humain comme moi, pas le banquier, le directeur général, le ministre, le prospère et le nanti. Je n´imaginais pas ce futur où ceux qui détiennent et dirigent et décident sont de moins en moins nombreux, où les dépossédés forment l´immense majorité de la population mondiale.
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(…) vous avez été brave, vous l´avez fait, vous avez une nouvelle fois voté contre sans conviction parce qu´il n´est plus possible de voter pour, parce qu´il n´est plus possible de voter pour, parce qu´il n´est plus possible d´avoir confiance, de croire vraiment aux paroles d´un candidat, de vous dire qu´un parti ira contre l´ordre mondial, qu´un parti osera affronter ce que tous présentent comme inéluctable, comme fatal, comme immanquable ; et vous vous éloignez de l´urne sans vous effondrer, sans hurler que vous n´en pouvez plus de ce monde dirigé par ceux qui possèdent ; vous êtes beau dans votre résignation douloureuse, vous vous consolez en vous disant que vous avez voté pour le moins pire, que si vous n´aviez pas voté et si les autres l´emportaient vous vous le reprocheriez durant des mois, que vous ne pourriez pas trouver le sommeil ; vous avez accompli votre devoir, vous vous souvenez de l´argument imparable du respect de ceux qui sont morts pour que d´autres puissent élire ; vous refaites un pas, vous n´avez plus de rêves, plus d´illusions (…)
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(…) le monde va mal, le progrès qui allonge nos espérances de vie allonge également nos inquiétudes.
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En un village au sud de la Loire, dont le nom importe peu, une nouvelle matinée débute où je ne parviens ni à écouter la radio, ni à lire la presse en ligne, tellement les informations me dépriment et la manière dont elles nous sont présentées m´irrite ; je n´en peux plus de constater la bassesse du monde politique, la vulgarité du pouvoir, la terrible omniprésence de la finance, la commercialisation de tout, l´effroi des guerres lointaines et la frivolité clinquante des rêves préfabriqués ; je n´en peux plus que l´on empile sur mes épaules les affres et les douleurs des milliards d´habitants de ce monde ; je n´en peux plus de supporter l´énumération des morts de la veille, d´assister depuis la grève –spectateur impuissant que je suis- au grand naufrage de mes espérances ; (…) je n´arrive plus à me passer de rire et d´espoir, de joie et d´émotions lumineuses. page 32

Les hommes ne prennent pas le temps de regarder réellement, ils ne voient que la surface trompeuse des choses.

L'information n'est pas faite pour s'adresser à nous. Même les journaux qui parlent d'art et de culture, il faut les chercher dans les maisons de la presse. On trouve plus facilement les revues de bricolage.

Il voit les familles qui se détestent, pense à ce qu´il faut d´héroïsme pour faire semblant, à table, pour ne pas entendre, pour aimablement passer le pain ou la salière quand on a envie d´envoyer l´assiette à la gueule de celui qui déjeune en face de nous (…).
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(…) ce qu´il faut d´héroïsme pour vivre en se sachant totalement libre, en étant à tout jamais privé du confort de l´instinct dont les animaux sont dotés, eux qui ne décident rien, qui suivent la voie toute tracée des saisons, des migrations, des hibernations, de la chasse, de la reproduction, des pontes, des mises bas, eux qui sautent ensemble des falaises parce que jamais ne se posent à eux les questions du choix et du libre arbitre ; ce qu´il faut d´héroïsme pour inventer une destinée d´homme laissé libre par la nature.
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