J'ai enlevé le masque et me suis vu dans le miroir...
J'étais l'enfant d'il y a tant d'années...
Je n'avais pas du tout changé...
Voila l'intérêt qu'il y a à savoir ôter le masque.
On est toujours l'enfant,
Le passé qui demeure,
L'enfant.
J'ai enlevé le masque, et puis je l'ai remis.
Comme ça c'est mieux.
Comme ça je suis le masque.
Et je retourne à la normale comme on arrive au terminus.
houhouhouhou - houhouhouhouhouhouhouhouhou
houhouhouhouhouhouhouhouhouhouhouhouhou
(signé: le vent dehors)
p.67
Je suis une dispersion de débris sur un paillasson non secoué.
p.49
Parler, c'est avoir trop de considération pour les autres.
p. 111
Jour après jour nous devenons cet être que
Demain nous ne saurons plus voir. Heure après heure
Notre personne va, diverse et successive,
Descendant maintenant d'immenses escaliers.
C'est une foule qui descend, où nul ne sait
Rien des autres. Je les vois miens et extérieurs. (...)
Nombreux sont ceux qui en nous vivent ;
Si je pense, si je ressens, j'ignore
Qui est celui qui pense, qui ressent.
Je ne suis rien que le lieu
Où l'on pense, où l'on ressent.
J'ai bien plus d'âmes qu'une seule.
Il est plus de moi que moi-même.
J'existe cependant
A tous indifférent.
Je les fais taire : je parle.
Tous les influx entrecroisés
De ce que je ressens ou pas
Polémiquent en qui je suis.
Je les ignore. Et ils ne dictent rien
A celui que je me connais : j'écris.
Vivem en nos inùmeros ;
Se penso ou sinto, ignoro
Qem é que pensa ou sente.
Sou somente o lugar
Onde se sente ou pensa.
Tenho mais almas que uma.
Hà mais eus do e eu mesmo.
Existo todavia
Indiferente a todos.
Faço-os calar : eu falo.
Os impulsos cruzados
Do que sinto ou não sinto
Disputam em quem sou.
Ignoro-os. Nada ditam
A quem me sei : eu escrevo.
Ricardo Reis, p. 33
Je laisse à l'aveugle et
Au sourd l'âme à frontières
Car je veux tout sentir
De toutes les manières.
Deixo ao cego e ao surdo
A alma com fronteiras,
Que eu quero sentir tudo
De todas as maneiras.
(F. Pessoa, p. 68)
Mon âme s'est brisée tout comme un vase vide.
Rien ne reste de rien. Et nous ne sommes rien.
Au soleil et au vent quelque peu nous trainons le pied
En arrière des ténèbres délétères qui nous alourdiront
De la terre humide sur nous jetée,
Cadavres différés qui procréent.
JE ME SUIS CRÉÉ échos et abîme, en pensant. Je me suis multiplié, en m'approfondissant.
(P115)