AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de lilianelafond


Dans "Et l'évolution créa la femme", Pascal Picq recherche l'origine d'une coercition sexuelle dont sont victimes les femmes depuis des millénaires. Remontant à la préhistoire et comparant différentes espèces, il décrypte une évolution peu flatteuse pour la nôtre.
Et l'évolution créa la femme est un livre qui devrait faire réagir. Son auteur, le paléoanthropologue Pascal Picq, s'attend à ce qu'on lui reproche "de donner des hommes une image dégradée ou dégradante", tout en assurant que là n'est pas sa volonté, l'humanité présentant "une grande diversité d'organisations sociales et de comportement individuels". Il tient à préciser que "tous les hommes ne sont pas violents envers les femmes, quel que soit leur système social", mais assume que son ouvrage "ne dresse pas un noble portrait" de notre espèce, "en tout cas depuis quelques millénaires", et ce en raison de la position dominante de ses mâles. Un constat qu'il pose en remontant jusqu'à la préhistoire pour mieux comprendre une évolution qui se traduit aujourd'hui encore par la mort d'une femme tuée par un proche à peu près toutes les six minutes dans le monde.

MASCULINITÉ ET VIOLENCE
Pour mieux appréhender les racines d'un machisme qui semble inhérent aux civilisations humaines, le chercheur innove avec une approche phylogénétique qui s'attache à reconstituer notre histoire évolutive et celles de différentes espèces. Par cette étude multidisciplinaire utilisant, entre autres, l'éthologie, la génétique et l'anthropologie, il en arrive à la conclusion que "les causes principales du malheur des femmes sont d'ordre culturel". le suggèrent notamment les différences de comportement de nos plus proches cousins dans la chaine de l'évolution, les chimpanzés et les bonobos, avec lesquels nous partageons un dernier ancêtre commun. Chez ces grands singes, la place de la femelle s'avère néanmoins très différente, prouvant qu'il n'y a pas de fatalité à la coercition sexuelle, attitude conduisant à la domination et à une violence que l'on retrouve chez les chimpanzés, mais pas côté bonobo. Ces derniers démontrent ainsi qu'un autre type de relation est possible avec un "régime de codomination" dans lequel les conflits se régulent à l'aide d'une sexualité aussi débridée qu'apaisée.

"En nous montrant d'où l'on vient, le paléoanthropologue donne un aperçu de l'ampleur du chemin à parcourir"
On ne sait si notre ancêtre commun se comportait comme un bonobo ou un chimpanzé, mais l'homme manifeste toutes les formes de coercition sexuelle de ce dernier, d'une manière "plus oppressive, agressive et violente". On ne trouve même chez aucune autre espèce que la nôtre l'existence du féminicide. L'accaparement des femmes, objet de convoitise et de pouvoir, a également atteint chez l'homme un niveau inégalé. Il pourrait d'ailleurs être à l'origine de la victoire d'Homo sapiens sur Néandertal, comme le laissent penser des données paléogénétiques telle que la détérioration du chromosome Y chez les Néandertaliens qui pourrait signifier que leurs femmes les aient progressivement quittés, de gré ou de force pendant des milliers d'années, jusqu'à causer leur extinction. Dès le mésolithique, âge d'or des chasseurs-cueilleurs, les femmes ont en tout cas été réduites à des moyens de reproduction et de production, du moins en Europe et au Proche-Orient, qualifié d'"arc de la domination masculine".

Outre les bonobos, quelques sociétés historiques, notamment en Asie, montrent toutefois que cette domination n'est pas une obligation. Et bien que l'institutionnalisation de la coercition depuis la fin de la préhistoire l'incite à affirmer que "les civilisations ne sont pas les amies des femmes", Pascal Picq voit s'ouvrir d'autres perspectives évolutionnistes. On peut penser que notre société est déjà bien engagée sur une voie menant à la fin de la domination masculine, mais en nous montrant d'où l'on vient, le paléoanthropologue donne un aperçu de l'ampleur du chemin à parcourir.

Lien : https://www.marianne.net/soc..
Commenter  J’apprécie          100



Ont apprécié cette critique (8)voir plus




{* *}