— Comment s'appelait votre ami, celui qui est mort ?
— Yaksha.
— L'origine de ce nom ?
— C'est du sanskrit. (Je jette un coup d'œil vers Joel.) En fait c'est le nom d'une créature démoniaque.
Il compose le numéro de la morgue de Seaside.
— J'aime beaucoup vos fréquentations.
— Que voulez-vous faire de moi, Alisa ? Un héros ou une chèvre ? J'ai agi comme vous l'avez exigé – personne ne sait où je suis parti. Mais il va falloir que je téléphone au bureau avant ce soir, et si je leur annonce que je me balade sur les routes de l'Oregon en compagnie d'une ravissante jeune femme blonde, ça risque de donner une mauvaise impression de moi.
— Alors comme ça, vous me trouvez ravissante ?
— Certains mots n'échappent pas à votre attention, pas vrai ?
À présent, [Seymour Dorsen] a une petite amie, et j'ai beau lui dire que je suis jalouse, il ne me croit pas. Passant par la fenêtre de sa chambre, je le pousse hors de son lit et je le fais tomber par terre. Sa tête heurte bruyamment le plancher et il me sourit, radieux. Il n'y a que mon Seymour pour se réjouir d'un pareil traitement.
— J'étais justement en train de rêver de toi, m'annonce-t-il, le visage à demi-caché par le drap.
— J'étais toute nue ?
— Bien sûr que oui.
— Le contraire de l'amour, ce n'est pas la haine, c'est l'indifférence. Voilà la raison pour laquelle peu de gens trouvent Dieu. Ils vont à l'église, ils parlent de leur foi, certains vont même jusqu'à prêcher pour tenter de convertir les autres, mais au fond de leur cœur, s'ils sont honnêtes avec eux-mêmes, Dieu leur importe peu parce qu'ils ne le voient pas. Pour les gens, Dieu est un concept trop abstrait, c'est un mot vide de sens. Si Jésus-Christ revenait aujourd'hui, ce qu'il dirait ne signifierait rien pour ceux qui l'attendent, et ils seraient les premiers à le crucifier une fois de plus.
— Tu as déjà rencontré Jésus ?
— Non, réplique Yaksha. Et toi ?
— Non, mais j'ai entendu parler de lui à l'époque où il vivait encore.
Malgré l'évidente douleur qu'il éprouve, Yaksha prend une profonde inspiration.
— Je crois que Jésus lui-même ne réussirait pas à guérir mes blessures.
— De toute façon, tu ne lui demanderais pas.
— Alisa, êtes-vous normale ?
— Quelle est votre opinion personnelle ?
— Non, nous n'êtes pas normale.
D'une main, je tape sa cuisse.
— Parfait. Continuez à penser de cette façon.
Une fois, j'ai enterré un croque-mort vivant – en France, après la Seconde Guerre mondiale – dans le plus cher de ses cercueils. Il avait commis l'erreur d'affirmer que tous les Américains étaient des salopards, ce qui m'avait énervée. Je me souviens encore de la façon dont il s'est débattu pendant que je balançais sur lui des pelletées de terre. J'adore faire des bêtises.
"Je désire vraiment être ce que je vais devenir : Une amoureuse qui connaît la haine, une sainte qui commet des péchés, et un ange qui tue !"