Notre civilisation utilise deux sortes de filtres : le romantisme et la pornographie. Ils marchent comme ces mouvements de caméra appelés travelling arrière et zoom avant. Le romantisme éloigne l’œil : flou des organes génitaux. La pornographie rapproche l’œil : flou des âmes.
Je n’ai jamais surpris mes parents. Leur vie intime ne m’intriguait pas. Je ne rôdais pas autour de leur chambre, ne les épiais pas, les laissais tranquilles. Il n’y avait pas Internet. De toute manière, je n’aurais pas googlé des sexes humains, mais des races de chevaux. Je ne m’inspectais pas dans la glace ni ne pressais les autres enfants, filles ou garçons, de se dénuder devant moi dans les toilettes pour me servir de miroirs vivants.
Ma pornographie enfantine ne mettait pas en scène des organes génitaux en action, comme dans les films pour adultes. Ni érection ni pénétration ni éjaculation ne figuraient au scénario. C’étaient de courtes histoires où les deux sexes s’incarnaient sous le masque de petits amoureux qui se tenaient les mains dans la campagne.