Le devoir et le sentiment se substituent au règlement et au rapport de force. Mais le paternalisme suppose une personnification de l’entreprise dont l’image doit se confondre avec celle du patron, incarnation d’un père mythique et nourricier. À travers la constitution de lignées, c’est tout le groupe familial qui se trouve investi des droits et des devoirs du paternalisme. La famille devient alors famille nourricière, comme peut l’être la famille de Michelin à l’échelle de l’agglomération de Clermont-Ferrand.
Dans la logique méritocratique, c’est à chacun de mettre en évidence ce qu’il mérite par ses propres œuvres. C’est à chacun de naître, de mourir et de faire ses preuves durant son existence.
La dynastie fonde sa légitimité dans l’immortalité symbolique, la méritocratie exigeant qu’à chaque génération cette légitimité soit reconstruite.
La personne trouve sa légitimité dans une entité qui la transcende, sa famille, sa lignée, puissance incontestable, garante de l’excellence. Dans la logique méritocratique, c’est à chacun de mettre en évidence ce qu’il mérite par ses propres œuvres. C’est à chacun de naître, de mourir et de faire ses preuves durant son existence.
Parler de vocation, c’est désigner ces destinées hors du commun qui n’acceptent pas toujours volontiers de passer la main : la personne et la fonction se confondent au point de conduire à de grandes difficultés au moment de cesser l’activité
Il est vrai que la composition du patrimoine accumulé par les nouveaux entrepreneurs diffère de celle des patrimoines des vieilles familles de la bourgeoisie ou de la noblesse. Ces fortunes récentes sont, à de rares exceptions près, constituées pour l’essentiel de biens professionnels. Elles sont peu diversifiées : la part représentée par les biens de jouissance est faible, en valeur relative. Cela signifie que ces fortunes, énormes lorsqu’on considère les chiffres, sont en réalité potentielles. Il faut donc vendre l’entreprise pour être véritablement très riche, même si, bien sûr, cette fortune professionnelle génère par ailleurs des revenus considérables. Mais vendre l’entreprise, c’est se séparer de son enfant, de sa création. Il faut choisir entre la fortune et l’œuvre.
À la contradiction entre le mérite et l’héritage se superpose ce dilemme entre la pérennité de ce que l’on a créé et l’accès à la très grande richesse qui suppose de renoncer à la possession de l’œuvre de toute une vie. Les trajectoires suivies et les histoires individuelles ne sont pas sans effets sur les modes de résolution de ces contradictions.