Comme les fleuves, les amours mortes ne remontent pas leur cours.
Parce que cela va de soi, non ? Que l’on soit entraîné vers ses penchants. Les fleuves ne remontent pas leur cours. Et que fais-tu du mascaret ?
La lune, pensais-tu confusément, c’est une âme qui te regarde et dévoile un peu le mystère des mots qui peuplent déjà ta mémoire.
C’est peut-être ici que devrait se placer un morceau de bravoure, une description balzacienne comme il m’arrive d’en concocter pour mes clients lycéens. On verrait s’avancer la Malaise aux seins rebondis comme les attributs mythologiques d’une fermière aux onctueux fromages, la Cérès exotique d’un culte obscur et peut-être innocent, mais rien n’est sûr, l’enfer étant une invention des hommes blancs pour intimider les Noirs qui le connaissent à chaque lune, et l’on pratiqué bien avant eux.
Ainsi se déroulait l’enfance, à soi-même asservie.
En un mot je me sens vieux et je n’ai même pas la consolation de me dire que j’ai vécu. Serait-ce, d’ailleurs, une consolation ? J’en doute. A vingt ans on s’imagine qu’il y a une vie après la vie, et que mourir à soi-même est encore vivre. A telle enseigne que l’on se persuade aisément qu’une fois mort, on trouvera le temps et les moyens de se décider à vivre.
Mais voilà, c’et tout de suite la mort, et les discours de fumiste. On ne meurt pas, on ne part pas, on avorte et c’est d’une exaspérante et filandreuse lenteur. La phrase de Nizan que nous cachent nos magisters étranglés par leur col graisseux (du reste l’ont-ils jamais lue, cette phrase ?), à nous de la découvrir seuls, au volant d’une automobile extorquée à d’improbables géniteurs.