Certes, elle pleurait encore son bel amour perdu mais il n’est pas de cicatrice qui ne se referme un jour, alors que ce petit bâtard, si obstiné à vivre, serait pour elle et sa famille une plaie inguérissable.
Le Seigneur est bon, compatissant, il accorde sa grâce. Dans sa grande magnanimité, il accueillera sans le juger sur ses fautes mais seulement sur son mérite, votre fils Jean qui a donné sa vie pour sauver un enfant.
Les hommes rentreraient tard, plus ou moins avinés et pour certains aimables et rigolards, pour d’autres querelleurs. Quant aux mieux dispos, avides de caresses, ils ne souperaient pas, préférant la chair tiède de leur femme qui ferait des manières, simplement pour la forme, mais qui serait ravie.
Avoir un homme vigoureux, se sentir désirable et puis, dans quelques mois, accoucher dans les cris, n’était-ce pas la vie, pérenne, rassurante ?
Aucun respect pour ceux qui travaillent ! Ont-ils seulement idée que demain, au petit jour, des hommes et des femmes iront cueillir la feuille pendant qu’ils se vautreront dans le lit ?
Les vieilles peurs ont la vie dure et celle de Satan est intemporelle.
Les souvenirs, dit-on, passent par l’odorat. Bien des années plus tard, la vieille dame qu’elle deviendra se souviendra encore de la boulangerie alaisienne et, comme par magie, tout le mœlleux de ces brioches qu’elle n’avait fait que voir et sentir lui montera aux narines, éclatera en parfums caressants, suaves et délectables.
Les mères ont le pouvoir, ô combien redoutable, d’anéantir d’un mot les rêves de leurs filles !
« Tu en feras des tisanes adoucies de miel. »
Le conseil n’était pas superflu, la tisane se révélant plus amère que le fiel !
Seuls les malheurs épuisent, ma fille. Les bonheurs donnent de la vaillance.
La bonté ne s’écrit pas sur la figure et quand bien même cela serait, tu ne sais pas lire !