LE CAVALIER DE BRONZE
Repoussée par le vent du golfe,
La Néva, emprisonnée,
Se repliait, furieuse, folle,
Et sur les îles déferlait.
L’ouragan gagnait en rage,
La Néva rugit, se gonfla,
Marmite fumante, débordante,
Sur la cité, elle déboula,
Fonçant comme une bête de proie.
POLTAVA
L’Ukraine, en sourdine, s’agitait ;
Depuis longtemps, le feu couvait.
Non seulement un premier duvet
Et boucles d’or sont séduisants,
Parfois aussi, d’un homme âgé
L’aspect, les rides, les cheveux blancs
Évoquent une forme de beauté
Qui éveille des rêves passionnés.
POLTAVA
À Poltava, et c’est bien vrai,
Nulle fille n’égale en beauté
Marie, fraîche comme fleur de mai
Couvée à l’ombre d’une chênaie.
Aussi svelte que les peupliers
Sur les hauteurs de Kiev dressés,
Dans ses gestes, elle nous fait songer
Des fois au cygne des eaux désertes,
Des fois à une biche alerte.
Sa gorge comme mousse est blanche
Et autour de son front radieux
Ses cheveux noirs bouclent en frange
Comme des étoiles brillent ses yeux
Ses lèvres ? Roses épanouies...;;
Sur Pétersbourg, glauque, monotone,
Novembre humait le froid d'automne.
Valsant de ses flots impatients,
Tenue par ses quais imposants,
Tel un malade en plein délire,
La Néva ruait dans son lit.
Il était tard, il faisait nuit,
Le vent lugubre se plaignait,
La pluie rageuse s'abattait...
Et il songe à sa chère Poltava,
À sa famille, à ses amis,
Aux riches heures qu'il y passa,
Aux chants de sa fille chérie,
À la maison où il naquit,
Où il trima, où il dormit.
À toutes ces choses de la vie,
Joies auxquelles il a renoncé.
Pour faire quoi ?