J'ai lu «
le grand marin » après avoir découvert dans Causette une chronique sur son auteur,
Catherine Poulain. C'est son personnage a elle qui m'a d'abord intriguée. Une femme farouchement solitaire, farouche tout court d'ailleurs. Une vie entière de travaux physiques, dans des conditions extrêmes, et de grande solitude. Aujourd'hui encore (quel âge peut-elle avoir… Cinquante ans ? Plus ?), elle passe sa vie entre de hauts alpages où on la nourrit par hélicoptère toutes les semaines et des travaux dans les vignes du Médoc.
Elle n'a a priori rien demandé, elle, mais une amie (elle en a, donc), aurait transmis certains de ses textes, issus de notes rédigées au fil de sa vie, à un éditeur (et pas n'importe lequel) et voilà que
le Grand Marin entre dans nos vies à nous.
Cette femme plutôt frêle est partie au début de sa trentaine en Alaska, fuyant quelque chose ou quelqu'un. Elle a été au bout du bout, sur l'île de Kodiak, pour ensuite grimper sur des bateaux de pêche et accompagner les hommes de ce monde-là, souvent des brutes et des fuyards, dans de longues et harassantes campagnes de pêche, sur une mer régulièrement démontée et toujours dangereuse. Et mine de rien, elle y est restée dix ans. Eh oui. Dingue non ?
Le Grand Marin raconte son arrivée à Kodiak, ses débuts, ses premières rencontres. Et notamment celle d'avec le fameux « grand marin ». Qui n'est pas elle, comme on pourrait le croire.
Au début de cette lecture, j'ai été transportée. Les mots me semblaient si puissants que je relisais chaque phrase deux fois. Pourtant, elles sont courtes, les phrases. Chaque soir, je partais littéralement en Alaska. C'était la pluie, le froid, la violence de la mer et celle des hommes, les cheveux collés de sel, de sang, de trippes de poissons, la douleur. Et le plaisir -pour moi, seulement- de s'endormir dans son lit au chaud et à l'abri. C'était un rendez-vous quotidien que j'attendais vraiment et que j'espérais faire durer.
Et puis, progressivement, j'ai cessé d'être immergée dans l'histoire : je ne comprenais plus ce que cherchais cette femme. Je l'ai perdue en route, parce que ses choix ne me semblaient plus du tout évidents. J'ai eu peur toutes les fois où elle se mettait en danger, notamment dans cette société d'hommes pas très morale et où la vie à terre n'est faite que d'alcool et de drogue. Je lui ai reprochée de s'éloigner si violemment du peu de confort que régulièrement de bonnes volontés lui offre, des amitiés faciles, des amours possibles.
Je crois que la pêche en Alaska c'est un délire qui me parlait au tout départ, mais pas à sa façon à elle, alors on s'est séparées.
Néanmoins, c'est un livre coup de poing (hou que j'aime ces expressions convenues), à défaut d'être un feel-good (bis). Une écriture acide et poétique. Je ne l'oublierai pas de sitôt. Et je le recommande à qui a envie de prendre du vent plein la tête et de s'immerger dans un monde aussi tangible que lointain (propre et figuré).
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