Citations sur La marche dans le ciel : 5000 kilomètres à pied à travers l.. (61)
La soif, c'est une envie de mourir pour un verre d'eau. C'est aussi la promesse de ne plus jamais passer devant un robinet sans le saluer avec respect.
Quand il marche, le pied sherpa vit, il ne se pose pas bêtement comme le nôtre dans un "ploc" poussiéreux, il s'épanouit, adhère, épouse. Légèrement rentré en dedans, il pousse de tous ses orteils que l'on voit griffer le terrain. En fin de pas, il se recroqueville comme les pattes d'une mygale prête à bondir ; en l'air, il pointe vers le ciel pour ne pas se meurtrir sur les pierres affleurantes et se repose après le gracieux déroulé de la plante sur le sol.
La mousson raccourcit les montagnes pendant que les forces tectoniques s'acharnent à les soulever.
Nous escaladons cette glaciale étreinte quand une étincelle enflamme la mèche du Pumori. Elle a jailli du col sud de l'Everest, qui vient de pointer son diamant noir derrière la crête du Nuptse. Chaque mètre gagné nous déshabille le seigneur, pas à pas il grandit dans toute sa splendeur, et surveille, en chef tutélaire, l'allumage un à un de ses réverbères de neige. Autour de lui le feu a pris, et, d'un geste vers l'est, l'Everest impérial somme le jour de se lever. P. 92
Les hauts sommets que nous laissons derrière nous semblent livrer une messe bénédictine. Rien ne manque : les nervures de neige pour le pli des aubes, les volutes de brumes pour les fumées d'encens, le vent sur les rocailles pour les chants grégoriens.
... je repense à ce mot de Lao-tseu : "Le vrai voyageur n'a pas de plan bien défini et, surtout, n'a pas de désir d'arriver ni de rentrer chez soi." Le viel Illiouchine de l'Aeroflot amorce sa finale. Je vois les arbres défiler sur le bord de la piste. Les trains d'atterrissage vont toucher le sol. Je ne suis pas totalement d'accord avec Lao-tseu ...
Telle une invitation à repartir, un cordonnier flottant nous rapporte en barque, un matin, les chaussures que nous lui avions confiées éventrées il y a quelques jours. Il les a remises à neuf. Les réparations effectuées depuis le Népal se superposent : il y a les pièces de cuir tibétaines, les coutures chinoises, les ligatures en fil de nylon, les patchs ladkhis et, à présent, les sutures cachemiris. Ce ne sont plus des chaussures, ce sont des cartes de géographie imprimées en palimpseste.
La mousson raccourcit les montagnes pendant que les forces tectoniques s'acharnent à les soulever.
Mais nous savons que nous ne reviendrons pas, nous semons derrière nous des rêves comme les comètes sèment des étoiles, des rêves qui ne doivent pas se réaliser, mais scintiller dans nos firmaments personnels. Les rêves ne sont pas des chimères, il faut les laisser grandir, les apprivoiser comme on s'approprie une étoile nuit après nuit, dans la fidélité, si on veut un jour pouvoir la décrocher. Il y en a une perchée sur tous les névés, au bout de tous les couloirs que nous avons croisés. Ce ne sont pour l'instant que de petites graines de rêve, des petits flocons d'étoiles. Dans la neige, ça pousse pas vite! Mais si nous revenons, notre coeur reconnaîtra en battant la chamade le rêve, la graine - étoile qui aura été la plus arrosée de nos pensées. Notre rêve - étoile est pour l'instant en marche, et nous devons le mener à bien, au bout du chemin, bout que nous aurons librement choisi, sans que quiconque ne nous l'impose. La voie n'est pas tracée... mais nous attend.
Le bonheur en amour, c'est d'aimer quelqu'un qui est là comme s'il n'était pas là. Mais sûrement pas l'inverse.