Ce livre et les deux précédents (tome 1 et 2) sont incontournables pour ceux qui aiment les romans historiques et l'histoire agitée des mouvements révolutionnaires du XIXe. Depuis cet été, Je l'offre chaque fois à des personnes que j'aime bien. Ce dernier tome de la trilogie qui relate le destin du lieutenant-colonel Caron est certainement le plus réussi. J'ai vraiment adoré. le lecteur est tenu en haleine tout au long des cinq-cents pages du livre. Les personnages sont attachants et superbement humains. le tout donne un roman historique écrit dans un style très agréable à lire. Je conseille.
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- Que me racontez-vous, monsieur l’officier ? demanda l’inspecteur Chenard, le visage rubicond, tant il sentait la rage monter en lui, serrant et desserrant le pommeau de sa lourde canne qu’il tenait plantée devant lui.
- Une chose simple, monsieur ; je croyais que je savais lire une p’tain de carte, eh bien j’avais foutrement tort, répondit l’autre sans ciller, se tenant droit devant le policier, avec une main qui retenait son cheval par la bride et un poing ferme, posé sur sa taille. Pourtant je suis parvenu à Moscou où j’ai chié dans le palais de leur tsar et je suis revenu de cet enfer blanc sans me perdre une seule fois avec quelques cosaques à mon tableau de chasse. Vieillirais-je ? Peut-être, bien que je me sente toujours bon pied bon œil. En tout cas, je constate que nous nous sommes bien trompés de direction ; sans rien comprendre, nous avons rejoint le bourg de Mercière ; nous pensions avoir tissé un filet au bon endroit et pouvoir ramasser quelques jean-foutre égarés. Or ils ont pu filer tranquillement de Compiègne, la sale piétaille !
- Et tu crois que je vais avaler tes artifices, misérable menteur ?
- Qui vous permet, monsieur, de donner du « tu » à un capitaine de gendarmerie ?
- À un capitaine de gendarmerie ? Plutôt à un traître au Roi, un régicide, qui a sciemment désobéi et volontairement laissé échapper des rebelles au gouvernement, rugit Chenard, prêt à exploser. Vous aviez l’ordre de vous emparer du chemin de Pierrefond et d’appréhender toute personne tentant de le traverser. Votre détachement était une pièce importante du piège mis en place. Tous nos efforts ont été mis à bas par ta misérable traîtrise et ton peu de reconnaissance envers ton Roi qui t’a offert une nouvelle chance de servir ton pays alors qu’il aurait dû donner l’ordre de te foutre à la demi-solde, espèce de buonapartiste refoulé.
- Je t’emmerde, connard !
- Je…je veux te sauver, Augustine, marmonna-t-il en s’approchant d’elle, près de la grille où elle avait reculé. Tu es en danger. C’est un miracle que tu sois là. Nous sommes en train de tout désinstaller, de percer les tonneaux, de retirer les mèches, de mouiller la poudre. Tu…tu me remercieras plus tard…
Il s’avança et voulut lui prendre la main. Elle fit un geste vif que le jeune homme ne comprit pas. Il lui fallut une seconde pour déchiffrer d’où surgissait cette effroyable douleur qui lui traversait le corps. Avec trouble, il vit le couteau ensanglanté qu’elle tenait dans sa main.
- Qui trahit un jour La Renarde le regretta l’heure venue, lui souffla-t-elle avec un regard cruel qui l’effraya.
Une ultime seconde : il sut qu’il mourait. Une ultime fraction de seconde durant laquelle la terreur de l’après noya la peur du maintenant dans son esprit qui s’obscurcissait. La bouche entrouverte, le scharwachter tomba tout d’un bloc sur le sol.