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Critique de Lune


Lune
17 septembre 2019
Livre particulier que ce « Nietzsche au Paraguay » de Christophe et Nathalie Prince, paru aux éditions Flammarion.
Particulier, il l'est par son sujet : raconter l'histoire du projet dément du docteur Bernhard Förster (1843-1889), antisémite notoire, et de son épouse, Elisabeth Nietzsche (1846-1935), soeur du philosophe Friedrich Nietzsche (1844-1900).
Mêlant fiction et réalité, les auteurs font revivre « Nueva Germania », la Nouvelle Allemagne, la colonie censée être un lieu d'exil pour la race pure aryenne, un modèle de vie rurale mettant en valeur les qualités de la culture allemande et de la religion luthérienne.
La colonie fut fondée en 1886, mais le récit débute plus tard et se termine à la mort peu glorieuse du docteur Förster en 1889 (suicide dans un bordel de San Bernardino).
Bien que cela fut un fiasco total, il est à noter qu'aujourd'hui encore subsistent des descendants de ces colons et que Nueva Germania n'est pas rayée de la carte (voir vidéo édifiante sur you tube).

Particulier, ce livre l'est par sa forme.
Pour faire revivre cette réalité, les auteurs introduisent un témoin : l'aventurier Virginio Miramontes, capitaine sanguinaire.
Tantôt conspué pour ses actes ou agissements, tantôt utilisé pour sa connaissance du terrain, il est le contrepoint du docteur Förster.
D'autres personnages contrastent avec la noirceur ambiante : Madame Schulz et le petit indien rappelant Parsifal.
Très symbolique.

Par ailleurs, le récit est rythmé par des insertions : les fiches de caractérologie rédigées par Förster et des notices relatives au fil de fer barbelé, ces deux éléments faisant écho à ce qui se passera un demi-siècle plus tard avec les nazis.
(pour mémoire : Elisabeth Nietzsche adhérera au NSDAP en 1930 et A. Hitler se rendra à ses obsèques).
Autre insertion : des lettres de F. Nietzsche à sa soeur où l'on voit le philosophe, qui n'aimait guère le docteur Förster, sombrer progressivement dans la folie.

L'épilogue du livre se situe à Bâle où Nietszche vient d'être interné et où il sera question notamment de … barbelés.
(Elisabeth Nietszche, de retour en Allemagne, s'occupera de son frère et s'évertuera à faire connaitre son oeuvre d'une manière peu « orthodoxe »).

Particulier, ce roman l'est par son écriture : il se termine par une postface rédigée par la seule Nathalie Prince.
En effet, Christophe Prince est décédé en décembre 2017, c'est donc elle qui a poursuivi l'oeuvre de son mari.
Dans ce texte émouvant, elle lui rend un hommage vibrant et dévoile quelques secrets de fabrication qui entourent la rédaction du livre.
Toutes ces particularités - sujet, forme, écriture - rendent ce roman original et intrigant.
Le lecteur curieux tentera de démêler le vrai du faux en faisant des recherches sur le sujet et les protagonistes.
Une réussite éblouissante due à la créativité d'un couple de passionnés.

Cantus
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