- Je pense qu'aujourd'hui, beaucoup de gens ont du mal à faire la différence entre le réel et le virtuel. Les réseaux sociaux brouillent les frontières entre la réalité et la fiction, et lui en a bien conscience. La voie de communication et la théâtralité du message conditionnent le jugement. Le choix qu'il a donné au public était illusoire.
- Le facteur critique, c'est que son raisonnement part d'un constat malheureusement exact : l'Italie est un pays où il est courant de poursuivre les victimes, surtout si ce sont des femmes, tandis que les coupables courent en liberté.
Le risque était désormais que les gens voient en chaque magistrat la personnification d'une justice malade, cruelle et injuste, et avec le climat d'hostilité diffuse qui régnait dans le pays, cela pouvait mener à des actes dramatiques contre les représentants de ce monde vérolé dont l'inconnu avait montré les failles.
Tout policier qui avait enquêté sur un meurtre violent connaissait l'obscène disproportion entre le crime et la peine. Peine qui bien souvent ne trouvait pas d'écho dans la réalité, à cause des défaillances et de la déliquescence de l'appareil judiciaire. Personne n'avait davantage conscience des dysfonctionnements du système que les dépositaires de l'autorité publique.
Chaque policier savait que la sentence suprême était inéluctable : le peuple avait soif de sang.
- Des siècles de civilisation judiciaire balayés en moins de trois heures, murmura un magistrat à côté de lui, incrédule.
Le conseil était le suivant : "Ne te maque jamais avec un politique. Ils utilisent les gens comme des toilettes publiques."
Aux dires de tous ses collègues, elle avait toujours été une mauvaise journaliste : elle ne savait pas écrire, avait une préférence pour les opinions plutôt que pour les faits, n'avait pas la patience de se documenter et de vérifier ses sources, mais elle était ambitieuse et - à l'époque - belle et provocante. Son vrai talent était la téléphonie.
Utilise le levier émotionnel pour déchaîner la fureur vengeresse du peuple.
Les causes ? Un système saturé. Des effectifs exsangues. Un arriéré judiciaire insoutenable. La loi impose de donner la priorité aux procès avec détenus. Dès lors, ceux qui comparaissent librement sont relégués au second plan, et la moitié des dossiers finissent en prescription, comme dans le cas de notre ami. Ce système en crise produit de l'injustice au quotidien, dans un sorte de cercle vicieux...Pour moi, l'heure est venue de dire stop.
Il existe aujourd'hui des paradis des données, la nouvelle frontière des paradis fiscaux. Ils sont situés sur d'autres continents, et c'est là que finiront les séances virtuelles entre vous et moi, en dehors du champ de compétence des autorités italiennes. Les forces de l'ordre n'auront aucun moyen de nous trouver, c'est certain. Et si d'aventure, elles y parvenaient, c e serait trop tard car j'aurais déjà tout effacé.