La dragonne d'Astrée, tome 1 : Kalkidan

Mon cœur,

Ma main, affriolée
Par ta beauté sublime,
T’effleure dans l’extase …

Sur ton flanc et tes bras,
Se promène et s’attarde…

C’est moi ! Ne bouge pas…

Je goûte à pleine bouche
Tes lèvres délicieuses…
Je respire et m’enivre
Aux effluves envoûtants
De ton derme si chaud…

Tu t’abandonnes à moi,
Te soumets et tressailles…

Ô… Tendresse de mon souffle
Sur ton cœur affolé !
Les longs doigts de mes boucles
Te gardent prisonnier,
T’attrapent et te soulèvent …
Te retiennent en mon sein…

Ne me regarde pas !

Que tes prunelles closes
Retiennent ce regard
Dont le feu, trop intense,
Me réduit à néant…

Je veux jouir, encore,
De ces instants trop courts
Où tu livres à ma loi
Ces fruits que tu fais miens.

Trop vite, je ne pourrai
Résister au volcan…

Soumettant à ton tour
L’élan de ton aimée,
Tu me terrasseras,
Sur le pas de ton antre,
La tête renversée,
Les yeux au paradis…

Tes doigts dans ma crinière,
Comme serres accrochées…
Comme ancre salvatrice…

À me couper le souffle,
Fou, tu t’enhardiras.

Ta houle, déchaînée
Par un fol ouragan,
Dans le cœur des falaises
Accueillantes pour toi…

Tu viendras déposer,
Dans le sable soumis,
L’écume et les joyaux,
Volés aux profondeurs…

Les trésors de la vie,
Promesses d’espérance,
Qui trouveront refuge
Tout au fond de mon être.

Que tes râles me ravissent !
Que ton extase m’emporte !

Entends-tu ce vacarme
Dans le ventre d’Astrée ?
Les amours des dragons
Troublent les éléments…
Provoquant soubresauts
En nos corps épuisés…

Alanguie, dans ta couche,
Aux plis incandescents…
Dans la cuisante étreinte
De ce brasier d’amour,

Une femme nouvelle
Vient de renaître …À toi…

Un énorme navire
En secret fut lancé
Des quais de Mahardis.
Il longea lentement
Les méandres du fleuve,
Traversa ses rapides

Et navigua au large
Des terres de Gondalv.
Sitôt à l’embouchure,
Il mit voiles dehors,
Se jetant dans les bras
Du profond Samudra.

La mer était gonflée
Par les vents du grand large
Et les énormes vagues
Paraissaient des montagnes.
La surface de l’eau
S’agitait bruyamment.

L’équipage réduit
Connaissait son affaire
Et les vieux loups des mers
Avaient toute maîtrise
Pour que glisse la quille
Sur les flots rugissants.


Des routes maritimes,
Le cap était secret.
Il ne fut divulgué
Qu’une fois parvenu
Enfin, en haute mer.

Le Santork¹ faisait route
Tout droit vers les récifs
Entourant la grande île,
Il semblait animé
Par des fins suicidaires
Ou quelque sortilège.