Citations sur La bonne fortune de monsieur Ma (17)
Puis Huang Senior déclara d'une voix forte : "Vous connaissez bien votre chemin, monsieur Ma !
- Vos affaires galoperont comme un coursier sur des milliers de lis, monsieur Ma ! " renchérit Vieille Racine dans le vacarme des pétards.
Ces mots faisaient référence au dicton : Un vieux cheval connaît toujours le chemin. En plus de désigner un nom de famille, le caractère chinois ma pouvait aussi signifier "cheval". L'herboristerie du Vieux Ma était un nom bien choisi pour la boutique. Un vieux cheval pouvait se révéler un outsider sérieux, et toute la cité pria pour le succès de sa nouvelle entreprise.
Les policiers étaient en droit d'arrêter quelqu'un sans donner d'explication ni montrer de mandat. C'était cela, la dictature du prolétariat. Les autorités du Parti décidaient de tout, de toutes les affaires. Pas d'avocat, pas de jury et pas de tribunal.
Comme le président Mao l’a dit récemment, c’est une invention bien connue de conspirer contre le Parti avec des romans.
Plusieurs mois auparavant, le commissaire Wen, un dirigeant du parti dans le gouvernement du district, avait tenu avec un groupe de cadres du quartier une réunion consacrée au dernier courant de la lutte des classes au sujet de laquelle Mao avait de nouveau visé les intellectuels. Comme dans les précédents mouvements, il s'agissait de désigner un certain quota d'ennemis de classe qui méritaient d'être punis.
Un soir de l’hiver 1962, des membres de la brigade des affaires spéciales firent irruption dans la cité de la Poussière Rouge pour perquisitionner la librairie de monsieur Ma.
Deux ou trois heures plus tard, ils l’emmenaient, menottes aux poignets, suivis jusqu’à la rue du Fujian par madame Ma qui pleurait et suppliait.
« Mais pourquoi ? » murmura, perplexe, Dehua, un voisin qui vivait depuis plus de dix ans dans la même maison shikumen que Ma. « Monsieur Ma ne ferait pas de mal à une mouche. »
Huang avait entendu Ma citer une autre vieille maxime:" Une beauté sort des livres, et un trésor apparaît".
Tous deux entraînèrent le camarade Jun dans un petit restaurant de boulettes de la rue de Zhejiang. Là, après un bol de soupe aux boulettes de crevettes émincées, un plat de tranches d’oreille de porc et deux bouteilles de vin de riz gluant agréablement tiédi, le camarade Jun révéla que les ennuis de monsieur Ma étaient dus à un livre : un roman en langue étrangère à propos d’un docteur du nom de Zhi Vag – un nom pas très chinois, mais, après tout, ces intellectuels inventaient parfois des noms bizarres.
Vieille Racine participa à la conversation du soir en déployant, pour l'effet théâtral, un éventail blanc où était inscrite une phrase de Zheng Banqiao, un lettré de la dynastie des Qing: Il n'est pas facile d'être ignorant.
C'est un Ma totalement transformé qui vint à eux, cheveux et sourcils blancs comme un harfang des neiges, le pas traînant et incertain, s'appuyant lourdement sur l'épaule de sa femme; il portait des lunettes aux verres en cul de bouteille et ses yeux clignaient sans cesse au soleil. On disait qu'il s'était abîmé la vue en lisant trop longtemps dans sa cellule sombre.
Les policiers étaient en droit d’arrêter quelqu’un sans donner d’explication ni montrer de mandat. C’était cela, la dictature du prolétariat. Les autorités du Parti décidaient de tout, de toutes les affaires. Pas d’avocat, pas de jury, et pas de tribunal.