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Critique de Meps


Meps
18 décembre 2021
Il est fréquent que l'adaptation d'un livre au cinéma soit l'occasion de coupes franches dans le texte original. Mais qu'en est-il quand ce livre est une commande d'un cinéaste à un auteur ?

Alain Corneau a demandé à Pascal Quignard de lui écrire un texte pour qu'il puisse le porter à l'écran. Un scénario donc me direz-vous. Pas vraiment... et en même temps si. Ce livre est assez inclassable, presque assez court pour être une nouvelle, mais ne répondant pas aux codes du genre. Trop morcelé pour être un roman, composé de chapitres eux-mêmes très courts, entrecoupés d'ellipses. Ce qui correspondrait le mieux serait sans doute notice biographique, puisque les deux personnages dont il est question ont réellement existé. Pourtant, Quignard fait malgré tout ici oeuvre de fiction. Quand on observe sa bibliographie, on se rend compte qu'il cherche souvent des formes nouvelles, hybrides. L'auteur a pu choisir la forme du traité, du recueil philosophique, mélange d'aphorismes, de poèmes, de contes. Rien d'étonnant donc à ce qu'on ait du mal à définir la forme prise par ces matins du monde, l'influence de la commande scénaristique ayant en plus forcément joué son rôle.

Le livre aborde de nombreuses obsessions de l'auteur: musique baroque, jansénisme. Les réflexions sont profondes dans l'opposition entre la recherche musicale ascétique et le rôle récréatif de cette même musique. L'atmosphère est assez mystique avec les apparitions fantomatiques de Madame de Sainte Colombe et les messages que lui envoie son mari par la musique de sa viole de gambe. Les rapports peinture-musique sont également abordés avec un dialogue intéressant entre les arts.

La recherche formelle via la narration par touches brèves séparés de longues ellipses, tout en étant brillamment menée, m'a tenu à distance des personnages, ne m'a pas permis l'empathie que je recherche le plus souvent dans la littérature. Mais le pari est sans doute réussi, puisque l'ascétisme de Sainte-Colombe cherche avant tout la mise à distance de l'autre, et que le lecteur doit être pour lui un autre bien trop curieux et encombrant.
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