L'Art du naufrage est un service de presse que les éditions Folio m'ont offert dans le cadre de mon travail chez Kube. Je connaissais déjà de nom cette saga jeunesse, initialement publiée aux éditions du Rouergue. Un titre qui titillait ma curiosité depuis quelques années, et que j'ai eu grand plaisir à découvrir !
Concrètement, c'est l'histoire de Thibault, prince héritier du Royaume de Pierre d'Angle, mais aussi grand aventurier, gentilhomme au grand coeur, faisant voile vers son pays après avoir exploré les tropiques avec ses hommes. Sur le chemin du retour, deux nouvelles viennent bouleverser sa vie : l'annonce de la mort de son père, qui l'oblige à hâter son retour pour arracher la couronne à son maléfique demi-frère ; et la découverte d'une passagère clandestine, Ema, jeune métisse belle et sauvage, au passé mystérieux, qui va devoir démêler les secrets et les mensonges qui entourent ce royaume prétendument paisible.
L'écriture est un vrai plaisir, doublée d'un bon rythme. L'autrice a une admirable façon d'introduire le lecteur aux termes nautiques, qui sont subtilement expliqués dans le texte. le travail qu'exige l'entretien d'un bateau est bien rendu : l'histoire permet de se rendre compte qu'il y a toujours une pièce à changer, à huiler, à laver, à réparer… L'eau et le sel ne sont pas des environnements naturels, tant pour les hommes que pour le matériel.
Mais avec un titre aussi évocateur, comment ne pas guetter activement ledit naufrage ?
Je déplore quelques scènes répétitives vers le milieu de l'histoire, une fois que Thibault et Ema
s'avouent leur attirance mutuelle, alors qu'ils doivent faire des ronds de jambe dans toutes les cours royales des pays voisins. À savoir que les ambiances et décors seront nombreux : seule la première moitié de l'histoire se passe sur un bateau – parfum d'aventure et de découverte garanti ! Mais une fois passées les deux cents premières pages, ce sera la capitale de Pierre d'Angle (et sa cour royale !) que vous explorerez. À partir de cet instant, le rythme ralentit, j'imagine afin de nous faire deviner les jeux de pouvoir entre les personnages (notamment au sein de la famille royale), et pour faire monter la mayonnaise des mystères de Pierre d'Angle. Cette partie-là était un peu trop longue et répétitive pour moi
(tout spécialement la tournée royale suite au couronnement).
Mais elle introduit fort bien le tournant que prendra l'histoire, lorsque certains secrets seront révélés et que l'ambiance s'assombrira... C'est un final en feu d'artifice que nous offre
Pascale Quiviger, une conclusion haletante et maîtrisée qui rebat les cartes et donne envie de se jeter sur la suite !
L'Art du naufrage est donc un tome plutôt introductif, mais très bien écrit, doté d'un petit univers bien construit et de personnages attachants (tout spécialement les membres de l'équipage).
Difficile cependant de donner une tranche d'âge pour le lectorat : la narration alterne entre des éléments mignons voire enfantins (tout le fil rouge autour de l'Amour Véritable, certaines péripéties, le manichéisme entre le beau, bon et brave Thibault et le vil, veule Jacquard, l'âge tendre des protagonistes, etc.) et d'autres d'une grande violence (un des marins doit subir une amputation de la main et la scène est particulièrement détaillée, l'autrice n'hésite pas à évoquer des fractures ouvertes, des yeux crevés, des morts affreuses, etc.) En fin de compte, je ne saurais dire si ce roman est à classer en jeunesse, YA, voire peut-être adulte… J'imagine que cela dépend de la sensibilité de chacun, mais en conséquence, c'est un livre délicat à conseiller.