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Critique de hervethro


Tout le monde connaît Gargantua.
C'est, avec Rocambole, un des rares livres qui soit passé dans le langage courant par un substantif.
Tout le monde a lu Gargantua.
Non, pas tous. Pas moi.
A ma décharge, un texte en vieux français truffé de grossièretés scatologiques.
Dieu merci, l'éditeur propose une traduction en français moderne. Ouf !
Tout le monde croit connaître Gargantua et la plus part se trompent. Toujours se méfier des à priori et préférer expérimenter soi-même.
Ca pète, ça rote, ça chie. Ca avale, ça engouffre, ça engloutit, ça digère. Gaulois, grivois, graveleux. Paillard, libertin, scabreux, égrillard, obscène.
Et, au delà de ces considération toutes charnelles et polissonnes, la démesure élevée à un art. Colossal, monstrueux, titanesque, incommensurable, gigantesque, faramineux, abyssal, monumental, titanesque, pharaonique, pyramidal, éléphantesque, hippopotamesque, cyclopéen, phénoménal, grandiose, inouï, fantastique, fabuleux.
Une farce en prose, une pitrerie sans fond, une pantalonnade, une bouffonnerie.
Tout y est exagéré, sans scrupules. Plus c'est gros, plus ça passe. Et l'on en vient à jeter un oeil sur le texte original (s'il vous plaît, optez pour ces éditions bilingues) et, très vite, on ne peut plus s'en passer. Les mots deviennent rustres, rustauds, bourrus tout en gardant une poésie dans ces sonorités plus tout à fait gauloises, pas encore en français moderne. C'est une autre langue. Lire Gargantua à voix haute en vieux français, c'est faire bombance, se repaître d'un gueuleton de mots, d'une frénésie d'adverbes, se répandre dans l'orgie la plus immonde, se vautrer dans la fange d'une langue presque étrangère.

Et, au milieu de cette déferlante orgasmique du verbe, apparaît un chapitre ( XXI), véritable perle, un traité d'éducation, parfaitement moderne qui prend le contre-pied du chapitre précédent, apologie du laisser aller, de l'oisiveté et du manque de rigueur.
A partir de là, même si l'on retrouve cette grandiloquence dans les scènes de batailles (Gargantua demeure dans cette tradition des romans de chevalerie, à une époque où la distraction préférée n'était pas le sport, mais la guerre – autre sport, d'une certaine façon), Rabelais se fait moins grossier, moins scatologique et va même jusqu'à aborder les rives d'un Machiavel en donnant quelques conseils aux seigneurs et rois sur l'art de la guerre et comment gouverner (chapitre XLVIII) pour finir par la description de l'abbaye parfaite, sûrement un clin d'oeil à Thomas More et son utopie.
Gargantua n'est donc pas cette farce que l'inconscient collectif a gardé en mémoire. C'est bien plus qu'une bouffonnerie, à l'image des fables De La Fontaine, des vaudevilles de Marivaux ou, évidemment, des comédies de Molière.
Maintenant que j'y pense : Gargantua c'est Gérard Depardieu.
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