Le sophisme de Rufin : la liberté est la sécurité, la sécurité est la surveillance, alors la liberté est la surveillance.
Pour les générations de moins de 40 ans, la Toile est tout simplement l'écosystème dans lequel elles ont affiné leur esprit, leur curiosité, leurs goûts et leur personnalité. A leurs yeux, Internet n'est pas uniquement un outil autonome que l'on utiliserait pour des tâches concrètes. C'est une immense sphère intellectuelle où l'on apprend à explorer librement tous les savoirs. Et, simultanément, une agora sans bornes, un forum où les gens se rencontrent, dialoguent, échangent et acquièrent, souvent en partage, une culture, des connaissances, des valeurs.
Pour ces nouvelles générations, Internet représente ce qu'étaient pour leurs aînés, à la fois l'Ecole et la Bibliothèque, l'Art et l'Encyclopédie, la Polis et le Temple, le Marché et la Coopérative, le Stade et la Scène, le Voyage et les Jeux, le Cirque et le Bordel... C'est tellement fabuleux que "l'individu, tout à son plaisir d'évoluer dans un univers technologique, ne se préoccupe pas de savoir, et encore moins de comprendre, que des machines gèrent son quotidien. Que chacun de ses faits et gestes est enregistré, filtré, analysé, éventuellement surveillé. Que, loin de le libérer de ses entraves physiques, l'informatique communicante constitue sans doute le plus formidable outil de surveillance et de contrôle que l'homme ait jamais mis au point".
Dès le XVIIIème siècle, le philosophe irlandais Edmund Burke répondait que le problème avec la guerte, c'est que, si on n'y prend pas garde, elle finit par entraîner la disparition des valeurs mêmes pour lesquelles on l'entreprend : la justice, la morale, l'humanité. Il en va de même avec le terrorismr, nous dit Edward Snowden :
Le terrorisme a toujours été, pour le monde du renseignement, une excuse pour passer à l'acte. Il provoque une telle réaction émotionnelle que, sous l'emprise du choc, les gens acceptent des lois et des programmes qu'ils n'auraient jamais votés autrement.
Dans l'industrie de la télévision, la publicité est le vrai contenu. Le reste n'est que « remplissage », que les gens regardent entre deux espaces publicitaires.
- Noam Chomsky -
Partout, quelqu'un nous observe par les trous des nouvelles serrures numériques.
Le cyberespace est devenu une sorte de cinquième élément.
Il y a cependant - signalait [Chomsky] - de grandes différences entre le système de propagande d''un Etat totalitaire et la manière de procéder dans des sociétés démocratiques. En exagérant un peu, dans les pays totalitaires, l'Etat décide de la ligne à suivre et chacun doit ensuite s'y conformer. Les sociétés démocratiques opèrent autrement. La "ligne" n'est jamais énoncée comme telle, elle est sous-entendue. On procède, en quelque sorte, au "lavage des cerveaux", en liberté".
L'une des perversions de nos sociétés de contrôle est bien celle-là : faire que les citoyens soient, en même temps, surveillés et surveillants. chacun doit épier les autres, pendant qu'il est lui-même espionné. Dans un cadre démocratique où les individus sont convaincus de vivre dans la plus grande liberté, on avance ainsi vers la réalisation de l'objectif rêvé des sociétés les plus totalitaires.
"Il y a moins d'intimité, moins de respect de la vie privée mais plus de sécurité", nous disent les autorités. Au nom d'un tel impératif s'installe en catimini un régime sécuritaire qu'on peut qualifier de "société de contrôle".
Plus sophistiquées que les matraques et autres lances à eau des forces de l'ordre, les nouvelles armes de la surveillance devraient permettre de mieux en identifier les meneurs et de les mettre hors d'état de nuire de façon anticipée.