Le théâtre s'accuse lui-même de rendre les spectateurs passifs et de trahir ainsi son essence d'action communautaire. Il s'octroie en conséquence la mission d'inverser ses effets et d'expier ses fautes en rendant aux spectateurs la possession de leur conscience et de leur activité. La scène et la performance théâtrales deviennent ainsi une médiation évanouissante entre le mal du spectacle et la vertu du vrai théâtre.
(...) il n'y a pas de théâtre sans spectateur (fût-ce un spectateur unique et caché, comme dans la représentation fictive du Fils Naturel qui donne lieu aux Entretiens de Diderot). Or, disent les accusateurs, c'est un mal que d'être spectateur, pour deux raisons. Premièrement regarder est le contraire de connaître. Le spectateur se tient en face d'une apparence en ignorant le processus de production de cette apparence ou la réalité qu'elle recouvre. Deuxièmement, c'est le contraire d'agir. La spectatrice demeure immobile à sa place, passive. Etre spectateur, c'est être séparé tout à la fois de la capacité de connaître et du pouvoir d'agir.