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Citations sur De l'Argent pour Maria (14)

— Comment déjà tu m'as dit, Mémé ? Que j'ai torturé ma tête ?
— Et c'est la vérité. Tu bois sans arrêt. Et tu ne regrettes pas ton argent.
— L'argent, c'est une bagatelle : il suffit de le gagner.
— L'argent aussi, on doit le respecter. On peut pas le gagner comme ça. Pour en avoir, tu travailles, tu donnes ta force, ta santé.
— Moi, j'ai beaucoup d'argent. Il m'aime, Mémé. Les sous, c'est comme les bonnes femmes : moins tu y fais attention, et plus ils t'aiment. Mais celui qui tremble pour chaque kopeck, celui-là, il aura pas de ronds.
— Comment, il n'en aura pas, s'il ne les jette pas pour rien par la fenêtre, s'il ne les boit pas, comme toi.
— Comme ça ! L'argent comprendra qu'il est un pingre, et — salut !
— Ça, je n'en sais rien.
— C'est comme je te le dis. Ne crois pas, Mémé, l'argent aussi il comprend. Le grippe-sous n'amasse que des miettes. À moi, homme simple, l'argent vient tout bonnement. On se comprend, lui et moi. Je le regrette pas, et il se regrette pas. Il vient, il s'en va, il s'en va, il vient. Mais si je commence à l'amasser, il comprendra tout de suite que je suis pas son homme, et aussitôt, il m'arrivera quelque chose : ou je tomberai malade, ou on m'enlèvera du tracteur. J'ai étudié tout ça.
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Une fois, un tuberculeux m'a fait un aveu fort intéressant. Si j'avais voulu, m'a-t-il dit, il y a longtemps que je serais guéri, mais je n'ai aucun intérêt à être un homme en bonne santé. Vous ne comprenez pas ? Moi non plus, au début, je n'ai pas compris. Mais il m'a expliqué : quatre, cinq mois par an, il est à l'hôpital, aux frais de l'État, ou bien en sana où il pêche, se promène dans les bois, et l'État lui paye cent pour cent de son salaire. On le soigne gratuitement, la nourriture est évidemment la meilleure qui puisse être, il a un logement de première qualité, il a tous les biens matériels, tous les privilèges en tant que malade. Puis, il rentre du sana et, bien conscient de ce qu'il fait, il se met à boire, à fumer, surtout lorsqu'il remarque une amélioration, bref, tout pour ne pas être privé de ces privilèges. Il y est déjà habitué, il ne peut plus s'en passer.
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— Mais avec cette mort… comment faire ?
— Encore, mère, tu parles de ça ! Le visage de Vassili se contracta.
— C'est que je lui ai donné mon accord !, dit tante Natalia d'un air coupable, et il était clair qu'elle parlait de la mort.
Kouzma frissonna, regarda craintivement tante Natalia.
Toujours, à chaque minute, la mort se tient devant chaque homme, mais devant tante Natalia, elle s'était un peu écartée, comme devant une sainte, la laissant passer sur le seuil qui sépare ce monde de l'autre monde. Tante Natalia ne peut pas reculer, mais elle peut encore ne pas avancer. Elle se tient là et regarde de l'un et de l'autre côté. Peut-être que c'était arrivé parce que, courant ici et là toute sa vie, tante Natalia avait épuisé sa mort et que celle-ci ne pouvait plus maintenant reprendre haleine.
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- Hé oui, on croit pas, tant que tout va bien. Mais dès qu'il arrive un malheur, pas un simple malheur, mais un grand malheur, alors, tout-de-suite on se souvient de Dieu et de ses serviteurs à qui on crachait à la figure.
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Entendant des voix, l'employée sort de sa cabine, va vers eux. Sans un mot, elle s'arrête près d'eux et les regarde.
— On fume, lui dit le garçon.
— Vous n'avez pas trouvé un autre endroit où fumer ?
— Ça y est, tu cries ! Comme vous êtes, toutes ! Tiens, prends exemple : ici, il y a une petite vieille, de toute sa vie elle a pas une seule fois crié après son vieux. Et vous, à peine il y a quelque chose, ça y est, vous vous mettez à piailler. Quelle engeance ! Pourquoi, avant, les femmes n'étaient pas comme ça ?
— Vas-y, injurie-moi…
— Qui t'injurie ? Il s'agit bien de ça ! Je t'explique, c'est tout !
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Quand un homme atteint la cinquantaine, il est difficile de dire s'il a ou non des amis. Il a vu défiler dans sa maison tant de gens qui se disaient ses amis, que, devenu sage au fil des ans, il ne lui reste qu'un sentiment calme et profond pour quelqu'un de ses proches. Ils ne se rencontrent pas plus souvent qu'avec d'autres, n'ont pas de secrets communs, mais, à l'occasion, chacun d'eux, prudemment, comme s'il en doutait lui-même, se souvient qu'il y a un homme qui, si besoin est, le comprendra et l'aidera.
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— Peste ! Et moi, comme par un fait exprès, j'ai pas d'argent. Autrement, tu aurais pas connu le malheur.
— Allez, ça va, Grand-Père, dit Kouzma. D'où tu aurais de l'argent ? À quoi bon en parler !
— Ben voilà, j'en ai pas. Autrement, on serait pas là toi et moi à réfléchir, mais on serait allé chez moi prendre l'argent.
— Je m'en sortirai bien tout seul d'une façon ou d'une autre, dit Kouzma, laissant entendre au vieux qu'il se passerait de lui. Qu'est-ce que je vais encore te mêler à cette histoire !
Vexé, le vieux se tut. Il cogna sa pipe contre son genou, en fit tomber la cendre, souffla dessus et se mit à bourrer sa pipe, enfonçant de son pouce le tabac avec application. Il n'avait pas l'intention de s'en aller, et, après avoir allumé sa pipe, il oublia aussitôt qu'il était vexé.
— Alors, comme ça, tu dis que tu étais chez Evguéni Nikolaïevitch ?
— J'y étais, oui.
— Il a de l'argent, il te l'a regretté. Peut-être que je pourrais lui en demander de mon côté ?
— C'est pas la peine, Grand-Père. Je trouverai tout seul. C'est mon problème, pas le tien. Tu ferais mieux d'aller te reposer.
Cette fois, le vieux se fâcha tout à fait, pas pour rire.
— Kouzma, tu es comme un petit enfant. C'est pour moi ou quoi que je me donne de la peine ? J'ai vécu toute ma vie sans argent, et maintenant, pour ce qui me reste à vivre, je m'en passerai bien, j'en ai pas besoin. J'ai mon tabac, mon morceau de pain aussi, je peux allumer ma pipe avec du charbon. Moi, vieux comme je suis, que j'aie de l'argent ou pas, tu sais, je m'en…
— Ça va, Grand-Père, ça va, dit Kouzma conciliant.
— Quant à mes nippes, j'aurai pas fini de les user d'ici ma mort. Et pour ce qui est de boire un coup, je vais bricoler un appareil et je vais y verser une telle mixture que ça va brûler comme du feu, pas plus mal que de l'alcool. De toute ma vie, l'argent que j'ai tenu dans mes mains, on peut le compter sur les doigts. Moi, depuis l'enfance, j'étais habitué à tout faire tout seul, à vivre de mon travail. Quand il faut, je peux faire une table et fabriquer des bottes de feutre. Quand y avait la famine en trente-trois, je ramassais le sel pour la bouillie dans les carrières de sel. Maintenant, c'est que magasin par ci et magasin par là, mais avant, on allait deux fois l'an à la boutique. Tout le monde avait ce qui lui fallait. Et on vivait, on en mourrait pas. Mais maintenant, on y est empêtré. On sait plus bricoler — tu parles, au magasin y a de tout si on a de l'argent. Et encore, il a de la chance celui qui en a pas : au moins, ses gosses y perdront pas l'habitude de faire quelque chose de leurs mains, y pourront compter sur eux-mêmes et pas sur l'argent. Mais autrement, à quoi ça ressemble ? Tout le monde est devenu impotent. Les grands comme les petits.
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- J'ai cet argent préparé pour ma mort, dit tante Natalia.
Kouzma s'étonna :
- Alors, maintenant, faut payer aussi pour sa mort ? Y semble qu'elle était toujours gratuite ?
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- Tu t'excites, grand-père.
- C'est vrai, ce que je dis. Quand est-ce qu'on aurait vu, avant, que les gens du village s'aident pour de l'argent ? On construisait une maison, on montait un poêle, et ça s'appelait de l'aide. Si le propriétaire avait de la gnôle, il la servait, et s'il en avait pas, c'était pas la peine ; la fois d'après c'était lui qui venait aider. Mais maintenant, tout est pour de l'argent. On laboure un potager — dix roubles. On apporte du foin — dix roubles. Et si tu as la chance de bien tomber et qu'on se fiche pas de toi, alors, c'est moins cher — un rouble. On travaille pour l'argent et on vit pour l'argent. Partout, on cherche le profit. C'est pas une honte, ça ?
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Le vieux Gordeï était là depuis presque une heure et demie. Kouzma devait sortir, il avait à faire. Au lieu de cela, il écoutait les bavardages du vieux. Lui dire : " Grand-Père, tu me déranges ", ça n'était pas bien non plus, il allait encore se vexer. Et Kouzma évitait de répondre, espérant que le vieux, las de parler seul, s'en irait.
Le vieux Gordeï avait plus de soixante-dix ans, mais il vieillissait mal. Il est vrai que depuis un an, il s'était mis à pencher d'un côté ; aussi, au village, on l'avait surnommé le lieutenant Schmidt, en souvenir du bateau " Lieutenant Schmidt " qui avait pataugé dans la rivière pendant trente ans. Mais après la guerre, il s'était mis à pencher à tribord, soit par vieillesse soit pour une autre raison, et à prendre l'eau par ce côté. Plusieurs fois on avait donné le bateau à réparer, mais on n'avait pas pu le redresser, et, à la secrète joie des villages riverains, il avait réapparu avec son vieux maintien familier.
Apparemment, ça ne gênait pas tellement le vieux Gordeï d'être tordu, car il courait, alerte comme à l'accoutumée.
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