"Nous sommes des aveugles et des sourds, à qui une partie seulement de cet océan infini qui nous entoure est accessible. Le sens commun n'est rien d'autre qu'une barrière qui nous empêche de saisir l'immensité du Mal."
« Mais c’est pas vrai, putain ! Ils ont crucifié quelqu’un ! C’est quoi l’idée, plus c’est des ordures, plus on leur fait des bisous ! »
Comme il lui était difficile de répondre, aussi bien parce qu’il n’y avait pas grand-chose à dire, que parce que son propre cas s’inscrivait de façon si précise dans ce reproche que la moindre parole eut été malheureuse, elle se contenta de hocher la tête, dans une cadence qui venait épouser les circonvolutions de la route, en pensant à cette croix que les humains portaient, et qui, même lorsqu’ elle semblait s’alléger, se rappelait à eux sans espoir jamais de rédemption.
«Le chef gendarme y va de son laïus. Ils ont toutes les raisons de penser qu’il est arrivé quelque chose au fils de la femme ici présente et il précise qu’il serait dans l’intérêt de tous de collaborer. Aucune réponse. Silence de mort. Le jour se lève. Les yeux de la femme s’agrandissent d’horreur, ceux de Serge et de Marie-Hélène de stupeur.
Dans le jardin, flottant sur des lambeaux de brouillard, scène d’épouvante, un homme est crucifié. On voit qu’il est encore vivant.»
De nouveau on en revenait à la même explication. Des cinglés qui pensaient qu'ils allaient réécrire l'histoire en zigouillant des pauvresses. Serge ne s'en offusque pas. Il a intégré le paramètre. Cela ne le choque plus. Il est dépucelé. Marie-Hélène aussi. Certaines personnes vivaient en bordure du monde. Sur des concepts, des façons de voir, qui étaient de la pure folie. Un monde invisible, de la sorcellerie, des lignes de code et des meurtres. Des gens dont certains pensaient pouvoir devenir Empereur d'Occident. Qui poursuivaient une guerre démente entamée il y a des siècles (et peut-être sur d'autres planètes, dans d'autres galaxies). A vrai dire, il s'en fiche. Cela n'a pas vraiment d'importance. Tout ce qu'il voit, c'est que ce n'est pas bien. Aussi simple que ça. Et tout Serge qu'il est, avec ses défauts, son racisme primaire, sa psychologie de chien de chasse, cela finissait par forcer son respect. Le Diable était devant eux - pas un délinquant lambda, un petit trafiquant, non Satan lui-même - et Serge sortait son insigne et lui disait : "Eh, gros, je crois que ça ne va pas être possible. " Finalement, c'était précieux.
Comme il lui était difficile de répondre, aussi bien parce qu'il n'y avait pas grand chose à dire, que parce que son propre cas s'inscrivait de façon si précise dans ce reproche que la moindre parole eut été malheureuse, elle se contenta de hocher la tête, dans une cadence qui venait épouser les circonvolutions de la route, en pensant à cette croix que les humains portaient, et qui, même lorsqu'elle semblait s'alléger, se rappelait à eux sans espoir jamais de rédemption.
Le jardin d'une demeure de province. Une croix posée au sol. Un homme qu'on attache. Le son mat d'un marteau sur les clous qui traversent la chair. Un gémissement étouffé.
Un cauchemar. Oui, la vie sur Terre est peut-être un cauchemar. » le mauvais rêve d’un être qui n’est plus. L’origine du Venin. C’est ça le problème. le poison est en chacun de nous. Mais à dose différente
"Le jardin d'une demeure de province. Une croix posée au sol. Un homme qu'on attache. Le son mat d'un marteau sur les clous qui traversent la chair. Un gémissement étouffé."
Au pied du phare, le vieux sorcier indigène ressent aussi des attaques, quelque chose qu'il n'a jamais connu. Toute la nuit les voyants de l'Alliance récitent leurs psalmodies. Des incantations anciennes, en vieux latin, en grec, en araméen, qui puisent dans les tréfonds de la civilisation des façons d'appeler le Mal et de le projeter sur autrui. Des mots que l'on ne peut ni écrire ni répéter publiquement.
La mort nous tient, la mort nous scelle, l'horreur pour tous, et du néant nous sommes le souffle et la pensée.