je ne suis rien comparé à ceux dont l'intelligence m'a créé …
... un sommeil,doux comme la mort ...
L’ingénieur de plus bas rang à bord était un Hurluberlu : les humains avaient toujours donné ce nom à une espèce humanoïde bien connue pour sa mauvaise humeur.
-Le grand néant a conspiré pour me faire .Il entendait que je vive un jour .
-une maison suffit à une âme véritable, dit le traducteur. Même si elle n'est qu'une cage exiguë.
J'avais failli oublier la mort. Non pas en tant que théorie, certainement pas. En tant que tragédie essentielle et occasionnelle, je ne pouvais pas contourner cette grande balance. Mais en tant que pratique- invévitable conséquence de la vie- la mort me paraissait rejetée derrière moi tout comme ma solitude que j'avais longtemps chérie.
Jusqu'à ce moment ,je n'avais pas pleinement compris à quel point j'étais immense,
Diu apparut. La seconde d’avant, elle était seule, et puis Diu surgit. Il avait ôté le haut de son uniforme qu’il traînait derrière lui comme la carapace d’un insecte en mue. Il serrait sous un bras son dîner – une espèce de coléoptère noir comme du fer forgé et plus long que son avant-bras. Il se tourna en souriant vers Washen, ce qui laissait supposer qu’il savait déjà où elle était. Son dîner agita ses huit pattes, passivement. Il l’ignora et, en s’approchant, avec un vague rire, il demanda :
— Ça vous dirait de le partager avec moi ?
Elle décrivit quelques milliers d’années en onze phrases. Je suis née dans le vaisseau. Ma maison d’enfance était à Près-de-La-mer. La Maîtresse avait besoin de capitaines et je suis devenue capitaine. J’ai fait tous les boulots réservés aux capitaines, plus quelques autres. Depuis cinquante mille ans, je suis chargée d’accueillir et de surveiller nos hôtes aliens. À en croire mes notes et mes points d’évaluation, je suis très bonne dans ma spécialité. Je n’ai pas d’enfant. Je me plais dans mon appartement avec mes animaux de compagnie. Tout bien considéré, je me sens aussi à l’aise en compagnie des autres capitaines. Je ne peux m’imaginer vivant ailleurs que dans ce vaisseau mystérieux, merveilleux. Comment quiconque, dans toute la Création, pourrait profiter d’une telle diversité chaque jour de sa vie ?