Citations sur L'Amour et les Forêts (386)
Je pourrais dire que ton apparition, hier, a fait naître un animal dans mon ventre, cet animal grandit d’heure en heure avec ses poils, ses muscles, son museau, ses fines moustaches qui me chatouillent, ses dents pointues et ses belles griffes qui me grattent et m’écorchent, cet animal se nourrit de mes rêves, il lèche mes organes, il se sustente de mes entrailles pour ne pas mourir de faim et ces repas répétés qu’il effectue me procurent un plaisir infini, c’est un peu comme un orgasme intérieur continu, en sourdine, au violon, féminin pourrait-on dire, qui s’amplifie en même temps que la belette prend du volume ... Bénédicte : cet animal que ta beauté a fait naître me dévore de l’intérieur et c’est sensationnel, je n’avais pas éprouvé ça, un tel plaisir de vivre, physique, mental et organique, depuis tellement d’années ... et tu voudrais que j’y renonce ?
Elle aimait rire, elle a fini pas ne plus rire. Elle aimait s'amuser, elle a fini pas ne plus s'amuser. Elle aimait aller de l'avant, elle a fini par ne plus aller de l'avant. Elle aimait prendre des risques, en certaines circonstances, quand elle se sentait portée par un élan invincible (comme Olivier avait le don de savoir en créer dans leur couple), elle a fini par ne plus prendre aucun risque. C'est même exactement le contraire qui s'est produit, elle s'est retrouvée dans l'incapacité de vivre sans s'entourer du maximum de précautions.
C'est un besoin d'être touché, un besoin vital. J'ai vu des femmes s'écrouler, après un massage. Je leur masse longuement le corps, je sens qu'il se passe quelque chose de fort et juste après je les vois qui s'écroulent et qui pleurent dans mon salon sans pouvoir s'arrêter, au point que je doive annuler le rendez-vous d'après. Des femmes totalement inconsolables, dont j'avais senti qu'elles n'avaient pas été touchées depuis des années, comme si mes mains avaient fait remonter dans leur mémoire le souvenir qu'elles possédaient un corps, et que sentir son corps est essentiel, que c'est dans le fond la plus belle chose qui soit.
C'était un drôle de mélange, B. Je ne sais pas si vous avez perçu chez elle , cet alliage d'orgueil et de soumission, d'ambition et de terreur, de richesse intérieure et de doutes sur elle-même, de ferveur et de résignation, d'audace et de repli sur soi, de narcissisme et de dévouement.
Avec les années, cette complexité est allée en s'atténuant, comme si, exténuée de devoir lutter constamment contre ses peurs et démons, elle avait fini par se rabattre sur le deuxième terme de chacune de ces tensions intérieures , systématiquement, autrement dit, par reculer, capituler.
B avait besoin , pour vivre, d'être dépendante affectivement, moyennant quoi, elle pouvait trouver la force d'être seule, voire solitaire, sauvage, au quotidien.
Les gens qui ont manqué de reconnaissance dans leur enfance, j'ai remarqué une chose, ils aspirent adultes, à toujours plus de reconnaissance, ils sont insatiables, au travail comme dans la vie intime, et ça donne de grands malades, de grands pervers.
Personne ne regarde les vieux planchers, personne ne scrute son quotidien usé avec l’espoir que s’y révèle une trappe secrète, le démarrage d’un escalier, les ténèbres d’un espace inconnu. Il suffit peut-être de surveiller la surface de son quotidien, d’avoir suffisamment de sensibilité pour détecter l’existence d’un passage, pour identifier la nécessité de s’y faire disparaître
Elle cherchait l'intensité, elle aimait pouvoir se dire qu'elle était en train de vivre quelque chose de rare, de fort, de beau. Elle voulait pouvoir se convaincre qu'elle était sur le bon chemin et que ce chemin, si elle le suivait jusqu'au bout, la mènerait dans une vie conforme à ses attentes les plus élevées, une vie incandescente.
Ma grande terreur, c'est que ma vie s'écoule inutilement comme de l'eau d'un robinet qu'on a oublié de fermer, ou d'un robinet qui fuit, quelque chose comme ça.
Elle était pire que seule : elle était avec du vide.